Donald Trump a été réélu à la présidence des Etats-Unis. Si le personnage se caractérise par son imprévisibilité, son premier mandat et son discours de campagne (où le traditionnel slogan « America first » s’est conjugué avec sa déclaration d’amour pour le mot « tariffs » (droits de douane), le « plus beau mot du dictionnaire » selon lui) annoncent un accroissement des tensions commerciales dans un contexte géopolitique économique mondial passablement chaotique.
La mondialisation connaît une reconfiguration (régionalisation des flux commerciaux) sur fond de montée du recours à l’unilatéralisme et au bilatéralisme. En cela, le retour de D. Trump s’inscrit dans un mouvement de fond, historique (que son prédécesseur J. Biden a également nourri).
Trump : la fin du libre-échangisme international ?
Le libre-échange fait partie des fondements de l’ordre international moderne. Il est à la base du droit du commerce international, historiquement mû, non pas par la volonté de supprimer toute barrière, mais de les encadrer et de les réduire.
Outre ses sources coutumières, des traités bilatéraux et multilatéraux (à l’échelle internationale ou régionale) organisent ainsi la libéralisation des échanges. Le multilatéralisme commercial renforcé depuis la fin de la guerre froide est à l’origine de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), créée en 1995. Celle-ci a accompagné une expansion inédite du commerce international, en fluidifiant les échanges grâce à la baisse des barrières douanières, à la réduction des obstacles non tarifaires et à la convergence des normes entre les Etats.
Principaux promoteurs de la mondialisation, les Etats-Unis n’hésitent plus à adopter des mesures protectionnistes et autres plans de subventions massives. Un regain d’unilatéralisme et de protectionnisme qui se manifeste aussi par un blocage du système multilatéral de l’OMC. Non seulement aucun cycle de négociation n’a été conclu depuis sa création, mais on assiste à une recrudescence des contentieux et conflits commerciaux.
Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ont débouché sur une guerre commerciale, avec une hausse des tarifs douaniers à partir de 2018. Ailleurs, les mesures de rétorsion, comme une hausse des droits des douanes ou l’instauration de nouvelles normes techniques, se sont multipliées au cours des dernières années. L’administration Trump a marqué sa préférence pour les accords bilatéraux et les « guerres commerciales » qu’elle a imposés en dehors de tout mécanisme de l’OMC, fragilisant ainsi la gouvernance internationale du commerce.
S’inscrivant dans la ligne de la présidence Trump (résumée par son credo : America First), Joe Biden a assumé la remise en cause des règles du libre-échange et la guerre commerciale contre la Chine en interdisant les exportations de technologies.
Plus protectionniste que jamais, D. Trump est toujours animé par la remise en cause du système commercial multilatéral (incarné sur le plan institutionnel par l’OMC) : fort du poids économique des Etats-Unis, son but demeure l’obtention des accords plus avantageux avec ses partenaires commerciaux. Ces derniers sont confrontés à la perspective d’accords asymétriques et discriminatoires (hypothèse d’achats forcés), ainsi que de droits de douane imposés unilatéralement.
Les droits de douane seront un axe du programme de politique commerciale de D. Trump, qui a évoqué un tarif de base universel de 10% sur toutes les importations américaines.
L’Europe : allié stratégique et victime d’une guerre commerciale américaine ?
Si les économies américaine et européenne entretiennent les relations commerciales et d’investissement les plus importantes au monde, l’Union européenne (UE) n’échappe pas au spectre de déclenchement d’une guerre commerciale transatlantique lancée par l’administration Trump (sous la forme en particulier de l’adoption de tarifs douaniers agressifs). Partant, à défaut de symboliser le hard power, l’UE cultive un statut de puissance commerciale et normative dont elle devra faire montre (y compris pour obtenir des solutions transactionnelles) face à ce qui est censé représenter son principal allié stratégique.
D’ores et déjà, il convient de noter l’évolution-adaptation de la stratégie commerciale de l’UE (historiquement axée sur l’expansion du libre-échangisme), comme l’attestent les orientations politiques de la Commission européenne pour 2024-29. Celles-ci érigent en effet la sécurité économique au rang de priorité de l’agenda de la politique économique extérieure.
Bruxelles a renforcé son dispositif de défense commerciale (création notamment d’un outil contre les mesures commerciales coercitives contre les pays qui se livreraient à un chantage économique contre les États membres de l’UE). Pour autant, l’usage de telles armes juridiques demeure difficile à concevoir à l’encontre de la première puissance économique mondiale à l’égard de laquelle la relation est d’abord une relation de dépendance stratégique (cruellement mise en lumière depuis la guerre en Ukraine)…