Dans un monde où l’entrepreneuriat féminin émerge comme un moteur essentiel de l’économie, Soukeina Bouraoui, directrice exécutive de Cawtar, partage son expérience et sa vision lors de la clôture du programme CoworkUp 4.0. Elle évoque les défis et les opportunités qui se présentent aux femmes entrepreneurs en Tunisie. Et ce, tout en soulignant l’importance d’un soutien durable et d’une collaboration internationale. Interview:
Pourquoi votre présence à la clôture du programme CoworkUp 4.0?
Vous ne devriez pas être étonnée de ma présence ici puisque je gère des programmes et nous avons des projets qui s’articulent avec ce qui se fait avec la GIZ d’aujourd’hui, qui est un projet absolument extraordinaire, intéressant pour la Tunisie puisque c’est un système qui encourage et cherche à encourager.
Quel est l’impact régional du programme?
Ce n’est pas un projet régional, mais il a beaucoup profité du régional puisqu’il a fait intervenir ANIMA, par exemple, qui est basé à Marseille. Ils ont donc fait venir des experts internationaux et sont en relation avec d’autres pays. Cela est très important pour l’entrepreneuriat.
Quelle est votre opinion sur le soutien aux femmes entrepreneurs?
Les femmes entrepreneurs m’intéressent. Ce programme renforce l’écosystème entrepreneurial et soutient les SSO (Startup Support Organization). Je trouve cela très intéressant et je crois qu’il faut absolument qu’il soit encouragé et soutenu.
Comment évaluez-vous le tissu entrepreneurial en Tunisie?
La Tunisie a des acteurs très intéressants et expérimentés, mais nous sommes encore un tissu jeune avec une population jeune. Il y a un gap entre les startups sur le terrain et les structures de soutien comme les associations ou les fédérations.
Aujourd’hui, les jeunes ont besoin d’oxygène, on ne peut pas les enfermer, mais il est également essentiel qu’ils soient heureux chez eux. J’ai vu des gens heureux. Et je crois que les réussites en Tunisie, comme l’a souligné un intervenant, sont très importantes. Il est crucial de parler de succès en Tunisie, car nous avons tendance à nous plaindre, un peu comme les Français. Bien qu’il soit utile d’aborder les faiblesses, il est tout aussi beau de célébrer les réussites et de voir des gens heureux. Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup de réussites en Tunisie et que de nombreuses personnes sont satisfaites de leur travail. Il existe des espaces de travail agréables et il n’y a pas que des personnes qui se plaignent.
Il est également important de mentionner les jeunes qui dansent, ceux qui font du cinéma, du théâtre, de la peinture et ceux qui se lancent dans l’entrepreneuriat. Ce qui manque un peu, c’est l’entrepreneuriat culturel; nous en aimerions davantage. Il est essentiel de ne pas se focaliser uniquement sur le vide, mais aussi de voir le verre à moitié plein. Quand les gens parlent des aspects positifs, cela nous donne de l’énergie verte, surtout dans un contexte où l’on parle beaucoup d’énergie verte en Tunisie.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les femmes entrepreneurs?
Il est essentiel d’encourager ces entreprises et ces startups. Un des points faibles réside dans le fait que les aides et soutiens ne sont pas durables. Soutenir un projet pendant un ou deux ans est insuffisant. Ce que j’apprécie avec le projet GIZ, c’est qu’il s’étend sur quatre ans, permettant ainsi d’obtenir des résultats tangibles. Les bailleurs de fonds et investisseurs doivent adopter une vision à moyen terme d’au moins trois à quatre ans pour garantir un soutien continu.
Comment avez-vous trouvé l’événement?
Concernant l’événement CoworkUp 4.0, je l’ai trouvé particulièrement réussi. L’atmosphère était dynamique avec beaucoup de jeunes participants attentifs et désireux de travailler ensemble. J’ai remarqué une présence significative de femmes parmi ces jeunes, qui ont exprimé leurs idées avec clarté tout en abordant également les faiblesses du système entrepreneurial.
Il est beau de voir des personnes passionnées par leur travail et prêtes à apprendre à l’international tout en étant heureuses chez elles. Les réussites en Tunisie doivent être mises en avant. Il est important de parler des succès plutôt que de se concentrer uniquement sur les faiblesses. Il existe de nombreuses réussites en Tunisie, ainsi que des personnes satisfaites dans leur travail.
Quelle est votre vision pour l’avenir de l’entrepreneuriat en Tunisie?
Il est beau de voir des gens passionnés qui veulent travailler. Les jeunes doivent être ouverts au monde et avoir des opportunités à l’international tout en étant heureux chez eux.
La Tunisie a la chance d’avoir des acteurs très intéressants et importants, qui possèdent une certaine expérience. Cependant, nous sommes encore un tissu jeune, avec une population jeune et un système entrepreneurial également en développement. Il existe un fossé entre ceux qui opèrent sur le terrain, c’est-à-dire les startups, et les incubateurs ainsi que les structures de soutien comme les associations, les fédérations et les chambres de commerce. Il est nécessaire de rapprocher ces différents acteurs.
Je suis de l’autre côté de la scène, car je m’occupe des startups féminines, en les encourageant à travailler dans le secteur vert, l’économie verte et la transition écologique, qui sont très importants pour notre pays. Nous devons veiller à ce que ces femmes que nous soutenons, formons et accompagnons, notamment sur les compétences douces, soient également appuyées par des professionnels expérimentés dans l’entreprise. Travailler au niveau micro avec chaque individu et avec des groupes de startups est essentiel, tout en collaborant avec les opérateurs qui soutiennent ces femmes.
En tant que Cawtar, nous soutenons aussi bien les femmes que les hommes. Mais nous mettons l’accent sur les femmes car elles représentent un maillon manquant et ont davantage besoin de soutien. Avec le programme de transformation digitale de la GIZ, il est crucial d’explorer où se situe cette transformation pour les femmes. Nous savons qu’elles sont nombreuses dans les universités, y compris dans les universités techniques. Il est donc important de se demander ce qu’elles deviennent après leurs études et si elles deviennent entrepreneuses.
Nous constatons également une augmentation du nombre de femmes startupeuses par rapport aux années précédentes où le monde des startups était principalement masculin. Ce changement n’est pas une bascule soudaine mais une tendance normale, étant donné que les femmes étaient très peu nombreuses auparavant. Cependant, nous sommes encore loin de l’égalité : moins de 15 % des entrepreneurs sont des femmes propriétaires d’entreprises. Dans le secteur de l’économie verte, leur nombre est encore plus limité.
Quels sont les projets futurs du Cawtar?
En ce qui concerne nos projets futurs avec Cawtar, nous travaillons sur des initiatives liées à l’énergie verte et la transition écologique. Nous avons des projets avec l’Union pour la Méditerranée visant à soutenir les femmes entrepreneurs dans le secteur vert et circulaire. L’économie circulaire est essentielle car elle réduit les déchets et la pollution.
Nous avons également lancé plusieurs académies pour promouvoir l’économie verte et circulaire. Il est crucial d’intégrer ces deux concepts pour minimiser le gaspillage et répondre aux menaces environnementales actuelles. Nous travaillons activement sur la préservation des ressources naturelles et sur les objectifs de développement durable en vue de l’agenda 2030.
Enfin, nous avons mis en place une académie d’excellence dédiée à l’éducation financière pour renforcer les compétences des ONG et des startups, qu’elles soient dirigées par des femmes ou non. Cela inclut également des cours en ligne accessibles aux entrepreneurs africains afin d’élargir notre portée au-delà du monde arabe vers toute l’Afrique.
Vous pouvez nous donner plus de détail?
L’économie circulaire est un enjeu crucial sur lequel nous travaillons intensément actuellement. Nous avons également un deuxième projet avec la coopération espagnole, axé sur les femmes rurales et les Groupements de Développement Agricole (GDA). L’objectif est d’exploiter leur savoir-faire en matière de ressources naturelles, de préservation, et surtout de promouvoir des pratiques telles que la consommation responsable et le recyclage des produits naturels. Nous avons lancé trois académies pour l’économie verte et circulaire, car il est essentiel de combiner ces deux aspects. En effet, une approche à la fois verte et circulaire est encore plus bénéfique, car elle permet de réduire les déchets, la pollution et le gaspillage.
Cette éthique est en adéquation avec les menaces qui pèsent sur notre planète. Nous travaillons également dans le cadre méditerranéen sur la préservation de l’eau et des ressources naturelles, tout en nous concentrant sur les objectifs de développement durable. Il ne faut pas oublier que l’échéance de 2030 approche rapidement, ce qui nécessite une action immédiate. D’ailleurs, l’Afrique a établi un agenda 2063, conscient que les objectifs ne seront pas atteints d’ici 2030. Il est donc impératif d’adopter à la fois des stratégies à court terme et à long terme.
Nous avons mis en place une académie dédiée aux objectifs de développement durable, vulgarisée pour les journalistes et les médias.
De plus, nous avons créé un centre d’excellence en éducation financière, qui est d’une grande importance. Cela s’inscrit dans le cadre de notre collaboration avec la GIZ sur la transformation digitale.
Nos cours d’éducation financière sont principalement destinés aux ONG et aux startups, qu’elles soient dirigées par des femmes ou des hommes, et se dérouleront également à distance. Nous offrons ainsi des formations en e-learning aux femmes et aux hommes africains. Nous élargissons notre portée au-delà du monde arabe pour inclure davantage l’Afrique.