Le retour fracassant de D. Trump à la Maison Blanche s’accompagne d’un discours de politique extérieure particulièrement ambivalent, qui allie l’isolationnisme (voire le repli sur soi) et des velléités expansionnistes (avec le Canada, le Groenland et le canal de Panama pour cibles) des Etats-Unis.
Derrière ce paradoxe apparent, il y a une même logique qui se résume au slogan trumpiste : « America first ». De la menace d’une guerre commerciale tous azimuts (à travers l’arme de l’augmentation des droits de douane) à la volonté de s’emparer de nouveaux espaces stratégiques, seuls les intérêts des Etats-Unis valent dans la vision du monde de D. Trump. Ni le droit international ni le statut d’allié ne sauraient prévaloir.
Au-delà de l’extravagance formelle et rhétorique du nouveau président américain, son « nationalisme dual » à deux faces (renforcement des frontières et posture de conquête) s’inscrit dans l’histoire des Etats-Unis.
Le jeune Etat né à la fin du XVIIIe siècle s’est érigé au sommet de la hiérarchie mondiale au terme de la Première Guerre mondiale. Or ce leadership mondial est désormais fragilisé et contesté. Les indices d’un déclin relatif se multiplient.
La capacité des Etats-Unis à imposer leur volonté, ainsi que l’intériorisation ou l’acceptation de leur supériorité, montrent des signes de faiblesse. Une telle évolution doit être mise en perspective. Il n’empêche, dans le contexte de politique intérieure très polarisée, la volonté de demeurer la première puissance mondiale est l’un des rares sujets qui fait consensus aux États-Unis.
Le jeune Etat né à la fin du XVIIIe siècle s’est érigé au sommet de la hiérarchie mondiale au terme de la Première Guerre mondiale. Or ce leadership mondial est désormais fragilisé et contesté. Les indices d’un déclin relatif se multiplient.
Une ambition hégémonique historique
L’histoire des Etats-Unis repose sur la conviction (d’essence religieuse, biblique) d’incarner une forme d’exceptionnalisme, d’être mue par une « destinée manifeste » (Manifest Destiny). Nés en 1787, les Etats-Unis s’affirment rapidement sur la scène internationale. Même si, dans un premier temps, le choix de l’isolationnisme et du développement interne prévalent, une politique étrangère se déploie à travers la « doctrine Monroe » (du nom du président qui l’a formulée lors d’un message au Congrès en 1823), qui fixe pour axe de la politique étrangère la défense du continent (y compris l’Amérique du Sud) contre toute ingérence des puissances européennes. Une doctrine qui prendra, à partir de la fin du XIXe siècle, un caractère plus offensif et interventionniste puisque les Etats-Unis vont développer leur emprise militaire, politique et économique sur la région stratégique (de la mer) des Caraïbes.
Une ambition hégémonique (sans visée coloniale) qui se conjugue avec le développement d’une économie nationale protégée par une politique protectionniste (application d’importantes taxes forfaitaires sur nombre de produits importés).
Dès la fin du XIXe siècle, les Etats-Unis sont parmi les premières puissances économiques et industrielles du monde. Un statut qui nourrit une nouvelle volonté de puissance. La neutralité et l’isolationnisme laissent place à l’expression de velléités expansionnistes (vers l’Amérique du Sud) dès le début du XXe siècle, par le président Theodore Roosevelt (dans le fameux « corollaire à la doctrine de Monroe »). Une hégémonie régionale à l’origine du développement de la flotte américaine. Celle-ci peut désormais s’appuyer sur un réseau de bases navales et de points d’appui (occupation, puis acquisition de Porto Rico et Guam; achat des Philippines).
Dès la fin du XIXe siècle, les Etats-Unis sont parmi les premières puissances économiques et industrielles du monde. Un statut qui nourrit une nouvelle volonté de puissance. La neutralité et l’isolationnisme laissent place à l’expression de velléités expansionnistes.
Les Etats-Unis interviennent régulièrement dans la zone Caraïbes-Amérique centrale pour préserver leurs intérêts nationaux, en invoquant le droit d’exercer un « pouvoir de police international ».
Le XXᵉ siècle est le « siècle américain ». Une domination hégémonique qui a mis fin à un monde jusqu’alors européo-centré. Le déclassement progressif des puissances européennes croise la montée en puissance des Etats-Unis. Un mouvement accéléré par la Première puis, surtout, par la Seconde Guerre mondiale.
Ces conflits, dont la nature et la dimension sont sans précédent, ont eu un effet démultiplicateur d’une puissance (militaire, diplomatique et économique) américaine érigée au sommet de la hiérarchie internationale.
Dès 1945, les Etats-Unis ont accédé au rang de superpuissance, au côté de l’URSS, l’ennemi stratégique et idéologique de la seconde moitié du XXᵉ siècle. Une compétition qui, pendant la guerre froide (1947-1991), a nourri les différents vecteurs de la puissance américaine.
Ainsi, en cette fin de XXe siècle, l’hégémonie des Etats-Unis est globale. Sans rival, ce leadership mondial se déploie alors dans un système unipolaire. Or aujourd’hui la donne est nouvelle…
Après l’effondrement du bloc communiste, les Etats-Unis jouissent d’une (hyper)puissance unique, sans égale, sans précédent. Ainsi, en cette fin de XXe siècle, l’hégémonie des Etats-Unis est globale. Sans rival, ce leadership mondial se déploie alors dans un système unipolaire. Or aujourd’hui la donne est nouvelle : notre monde est multipolaire, avec un Sud global en développement et une Chine qui conteste le leadership mondial des Etats-Unis.