Dans une interview exclusive accordée à L’Economiste Maghrébin, Ibrahim Debache, président du Conseil d’adminis- tration d’Ennakl Automobiles, vice-président de l’AHK (Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce) et président de la Chambre nationale des concessionnaires et constructeurs de voitures, dresse l’état des lieux du secteur automobile en Tunisie : marché officiel/marché parallèle, quotas, véhicules thermiques/électriques et hybrides. Il estime que les besoins du marché en matière d’importation de véhicules ne sont pas totalement satisfaits aujourd’hui. D’où son plaidoyer pour une hausse des quotas… Le président du Conseil d’administration d’Ennakl Automobiles prévoit néanmoins l’arrivée en Tunisie de nouvelles gammes de voitures de la part de certains concessionnaires.
Pour commencer, M. Debache, un état des lieux du secteur automobile en Tunisie.
En ce qui concerne l’état des lieux du secteur automobile, du point de vue des immatriculations, nous avons les statistiques à fin décembre 2024. Nous avons 42 835 voitures particulières sur le marché officiel, autrement dit, c’est un marché qui stagne puisqu’en 2023 nous avions un marché de 42 359. Cela veut dire que nous avons, comme en 2023, connu une baisse du quota de 20%, qui a fait qu’il n’y a pas eu d’impact sur le marché puisque, si on le compare par exemple à 2022, le marché était plus important. Il était supérieur de l’ordre de 10 à 15 mille voitures.
Ainsi, nous constatons au niveau de certaines marques et de certains modèles une pénurie. Nous sommes en janvier, et pour certains modèles demandés sur le marché, il faut attendre 4, 5, 6 mois. Ces délais sont engendrés par le manque de volume sur le marché officiel, qui ne permet pas de couvrir les besoins. Nous estimons que le marché a besoin de 80 000 voitures au total.
En ce qui concerne le marché des voitures utilitaires, 12 900 VU ont été immatriculées en 2023 – quelque 14 793 voitures cette année. Ce qui fait qu’effectivement, là aussi, c’est un marché qui stagne. Il y a une demande que, malheureusement, nous n’arrivons pas à couvrir. Au total, entre véhicules particuliers et véhicules utilitaires, le marché est d’environ 51 000 voitures à fin novembre 2023, et en 2024, sur la même période, on est à 52 000 voitures. Comme je le disais, nous sommes sur un marché qui stagne et qui ne répond pas à la totalité des besoins. Conséquence : une augmentation du marché des ré-immatriculations (marché parallèle), qui était de 15 000 voitures en 2023 et qui est passée, à fin décembre 2024, à 20 000 voitures. Autrement dit, une voiture sur trois vendues et immatriculées sur le marché parallèle. Nous estimons également nécessaire le renouvellement du parc, qui est vieillissant, car plus de 50% des voitures ont plus de 15 ans. Auparavant, on parlait de 50% de voitures de plus de dix ans… Et le phénomène ne touche pas uniquement les particuliers ou les entreprises, il touche également les professionnels tels que les loueurs de voitures qui ont besoin de renouveler leur parc, et surtout les taxis, les louages, c’est-à-dire tout ce qui a trait au transport individuel et collectif des citoyens. Malheureusement, là aussi, nous constatons une forte demande que nous n’arrivons pas à satisfaire complètement. Donc, voilà pour l’état du marché.
Le marché tunisien compte combien de marques et combien de concessionnaires les commercialisent ?
Le marché tunisien compte aujourd’hui plus de 59 marques, qui sont distribuées par pas moins de 36 concessionnaires. Nous constatons que le nombre d’acteurs sur le marché a augmenté, particulièrement ces dix dernières années, et cette augmentation du nombre d’acteurs et du nombre de marques rend le phénomène de pénurie dont je parlais et de manque de volume d’importation encore plus important. Cela accentue la pression sur le marché, puisque certains concessionnaires ont une demande qu’ils n’arrivent pas à satisfaire, et pour certains d’entre eux, je dirais que cela provoque même des difficultés pour leur développement. A noter que le principe établi pour les nouveaux entrants est le suivant : le ministère du Commerce leur accorde un volume de 300 voitures pour la première année, de 400 pour la deuxième année et de 500 pour la troisième année, hors PGI (progiciel de gestion intégré). Donc, cela ne rentre pas dans la répartition faite entre les concessionnaires. Sauf qu’à partir de la quatrième année, ils rentrent dans le pot commun. Ce qui met davantage de pression, puisque chacun veut avoir sa part du gâteau. Nous espérons que pour cette année (2025), le volume sera supérieur afin de pouvoir satisfaire les besoins des concessionnaires et surtout ceux des citoyens et des entreprises. Nous avons eu une réunion avec Monsieur le ministre du Commerce et nous attendons, dans les prochains jours, voire les prochaines semaines, une confirmation du volume global des importations 2025. A partir de là, les concessionnaires pourront se réunir en Assemblée générale pour pouvoir faire des propositions au ministère du Commerce par rapport au programme général des importations.
Extrait de l’interview disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 912 du 29 janvier au 12 février 2025