A toute chose malheur est bon : le projet américain totalement loufoque visant à déplacer les Palestiniens de Gaza vers l’Egypte et la Jordanie a eu, a contrario, le mérite de réunir l’ensemble du monde arabe, dans une opposition farouche contre les velléités de Donald Trump.
Chaque jour, le monde se réveille en se demandant ce que le fantasque président américain Donald Trump lui prépare comme coup tordu. N’avait-il pas depuis son installation à la Maison Blanche le 20 janvier menacé publiquement d’acheter le Groenland, récupérer le canal de Panama ou encore faire du Canada le 51ème Etat américain?
Entre temps, le milliardaire américain est passé à l’acte en retirant les Etats-Unis des accords de Paris sur le climat et de l’Organisation mondiale de la santé. Et ce, avant de démanteler l’agence d’aide au développement international USAID, d’amorcer une guerre commerciale avec la Chine, de brandir des droits de douane contre ses voisins canadien et mexicain et, enfin, de relever les taxes sur l’acier et l’aluminium importés aux Etats-Unis.
Crime contre l’humanité
Et ce n’est pas fini. Lors d’une conférence de presse avec le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, mardi 4 février, le locataire de la Maison Blanche suggéra- à la sidération de son interlocuteur qui ne s’attendait pas autant de largesses- que les États-Unis « prennent le contrôle de la bande de Gaza » pour en faire la « Côte d’Azur » du Moyen-Orient. Rien de moins que cela !
Et que faire de deux millions de Palestiniens de Gaza? Dans un éclair de génie, Trump propose de les déplacer vers d’autres pays comme la Jordanie ou l’Égypte ! Il fallait y penser.
Sauf que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans son article 7, qualifie « la déportation ou le transfert forcé de population » de « crime contre l’humanité. Plaçant ainsi le 47ᵉ Président des États-Unis dans l’illégalité.
Le roi Abdallah II dans ses petits souliers
Et c’est le tollé dans le monde arabe- lequel, dans une rare unité, a affiché son hostilité au projet du président américain. Sachant que même les amis les plus proches de Washington, en l’occurrence l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar se sont farouchement opposés au projet trumpien ; tant la question palestinienne est sensible et trop importante pour leurs opinions publiques.
Mais, faisant fi de 473 millions d’habitants, Donald Trump « convoqua » le roi Abdallah II de Jordanie, mardi 11 février à la Maison Blanche, pour le convaincre du bien-fondé de son projet.
Or, Interpelé lors d’une conférence de presse conjointe par les journalistes pour savoir si la Jordanie était prête à accueillir sur son sol une partie de la population palestinienne, le monarque hachémite- manifestement soucieux de ne pas mécontenter son terrible hôte, les yeux agités par des tics de nictation- botta en touche en proposant de prendre dans l’immédiat 2 000 enfants « atteints de cancer ou très malades ».
« Je dois penser à ce qui est dans l’intérêt de mon pays », a-t-il affirmé. Sachant qu’il avait déjà rejeté auparavant tout déplacement de Palestiniens. Mais devant les caméras, il s’est gardé d’aborder frontalement le sujet en présence de Donald Trump.
Toutefois, pour sortir de l’impasse, le roi de la Jordanie s’est refugié derrière l’Egypte en annonçant que le Caire est en train d’élaborer « un plan de coopération avec Donald Trump qui ferait l’objet de discussions en Arabie saoudite ».
Le Caire se rebiffe
En effet, dans la soirée du mardi 11 février, jour de la visite du roi Abdallah II à Washington, le ministère égyptien des Affaires étrangères a fait savoir que le Caire entendait « présenter une vision globale pour la reconstruction » de la bande de Gaza, « qui garantit que le peuple palestinien reste sur sa terre, et en conformité avec les droits légitimes et légaux de ce peuple ».
En effet, se rebiffant contre la menace du président américain de lui couper l’aide des États-Unis si elle refusait, tout comme la Jordanie, d’accueillir sur son territoire les Palestiniens de Gaza, l’Égypte a adopté la position la plus déterminée contre la proposition de Trump. Réussissant ainsi du coup à unir le monde arabe pour empêcher un tel dessein qualifié de « ligne rouge » et de violation des droits des Palestiniens.
Dans la foulée, l’Égypte a annoncé la tenue d’un sommet arabe extraordinaire au Caire à la fin du mois. Et ce, après avoir également obtenu un accord de principe pour la tenue d’une réunion ministérielle d’urgence de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) après le sommet.
L’unité arabe retrouvée ?
Rappelons à cet égard que l’Arabie saoudite, qui a participé à des pourparlers sous l’égide des États-Unis en vue d’une normalisation des relations avec Israël, a également adopté une ligne dure. Le ministère des Affaires étrangères du royaume a réitéré l’engagement de Riyad en faveur d’un État palestinien et dénoncé toute tentative de « déraciner les Palestiniens ». Pour sa part, le prince héritier Mohammed ben Salmane a clairement indiqué que tout accord de normalisation avec Israël dépendait de la création d’un État palestinien.
Les Émirats arabes unis, qui ont signé un accord de normalisation avec Israël en 2020, ont rejoint le camp des opposants au projet en rejetant tout « compromis » sur les « droits aliénables du peuple palestinien » et toute tentative de le déplacer.
Bahreïn, un autre pays du Golfe ayant normalisé ses relations avec Israël, a appelé à « l’établissement d’un État palestinien doté d’une pleine souveraineté d’une manière qui permette une coexistence pacifique avec Israël ».
Enfin, le président syrien par intérim Ahmad al-Chareh, qui a besoin de l’appui américain pour lever les sanctions frappant son pays depuis des années, a également qualifié le projet de Donald Trump de « crime très grave qui ne peut pas se produire ».
In fine, selon les observateurs, l’Égypte qui manque de levier économique, a vraiment besoin du soutien des Arabes, notamment les pays du Golfe, pour adopter une position arabe unifiée afin de contrecarrer l’exode forcé d’environ deux millions de Palestiniens.