Le 5 février, Donald Trump proposait un marché à Kiev : un accès aux terres rares contre la poursuite de l’aide militaire américaine. Un marché de dupes ?
Promoteur immobilier dans l’âme, Donald Trump fonctionne dans le cercle d’une logique transactionnelle. Une illustration de cet état d’esprit mercantile du dirigeant le plus puissant de la planète ? Les fameuses terres rares dont regorge le sous-sol ukrainien.
Alors que l’administration Biden se targuait d’aider l’Ukraine face à l’agression de l’ogre russe au nom des valeurs d’humanité et de liberté, le nouveau locataire de la Maison Blanche n’a cure des grandes idées, fussent-elles le combat d’un peuple pour la liberté. Pour lui, tout a un prix, tout est négociable.
En effet, tout est parti d’une idée soufflée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky : l’Ukraine pourrait garantir l’argent et les armes que lui fournissent les États-Unis avec les fameuses terres rares qui contiennent des métaux précieux -indispensables aux technologies de pointe, notamment la transition écologique et le développement du numérique dont l’Amérique a besoin pour se libérer de sa dépendance vis-à-vis de la Chine qui domine le marché mondial.
26 000 milliards de dollars sous les pieds
Lithium, graphite, cérium, titane, uranium… le sous-sol ukrainien regorge de minerais qui servent à fabriquer des téléphones portables, des écrans, des éoliennes, des drones ou encore des batteries de voitures électriques.
Pour sa part, un grand cabinet américain le chiffre à 26 000 milliards de dollars de réserves dans les sols ukrainiens. Une estimation qui inclut le gaz et le charbon.
Et ce n’est un secret pour personne qu’investir en Ukraine permettrait ainsi aux États-Unis de diversifier et de sécuriser leurs sources d’approvisionnement. Mais le hic, c’est que ces gisements de terres rares se situent dans le centre de l’Ukraine ainsi que dans le Donbass, dont une large partie est contrôlée par l’armée russe. Certaines mines, parmi les plus importantes du pays, sont menacées par l’avancée des troupes de Moscou, en particulier le gisement de lithium du village de Chevtchenko.
Parfum de deal
Sachant que dans son « plan de victoire » présenté en octobre 2024, Kiev mentionnait déjà la possibilité d’un accord pour permettre à ses alliés d’exploiter les ressources de l’Ukraine. Une proposition qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, puisque le 5 février, le 47e président américain sauta sur l’occasion en proposant un « deal » à Kiev : la poursuite de l’aide militaire américaine contre un accès privilégié à ces terres rares.
Une proposition qui sonne comme un parfum de deal qui a immédiatement reçu le feu vert de Volodymyr Zelensky. « Je voudrais que les entreprises américaines développent ce secteur ici », a-t-il suggéré lors d’une conférence de presse.
Dos au mur
En acceptant ce deal, Zelensky est-il en train de brader les joyaux de la couronne en miroitant aux Américains la richesse du sous-sol ukrainien ?
La réalité est plus complexe. Affaibli par trois ans de guerre et en mauvaise position notamment dans le Donbass, à la peine face à l’avancée de l’armée russe qui continue de grignoter du terrain, subissant les missiles sur les villes ukrainiennes, constatant que l’aide de l’Europe se tarit comme une peau de chagrin, conscient de la complicité manifeste entre le maître du Kremlin et le milliardaire républicain, le président ukrainien est acculé à mettre sur la table de futures négociations de paix ses précieuses terres rares convoitées par le président Donald Trump. D’autant plus qu’un accord issu de ces négociations impliquerait nécessairement des garanties de sécurité pour l’Ukraine. Et ce, pour que les gisements de minerais ne tombent pas entre les mains des Russes. La politique du moindre mal.
Faut-il rappeler à ce propos que Volodymyr Zelensky a longtemps rejeté la possibilité de négociations avec Moscou, convaincu de pouvoir résister à la Russie sur le terrain militaire, avant de prendre acte du fait accompli. « Le président Trump a partagé les détails de sa conversation avec Poutine. Personne ne souhaite plus la paix que l’Ukraine », a-t-il déclaré, fataliste, après un appel téléphonique avec son homologue américain.
Enjeu stratégique
À noter que quelques semaines avant son retour au pouvoir, Donald Trump avait exprimé sa volonté de mettre fin à la guerre d’Ukraine « le plus tôt possible ». Quitte à offrir des concessions territoriales à Moscou ?
C’est la grande appréhension du président ukrainien qui soupçonne les deux grandes puissances d’engager des pourparlers bilatéraux en le tenant à l’écart des discussions déterminantes pour son pays ; notamment la reconnaissance de l’annexion de la Crimée et le contrôle des régions du Donbass.
En effet, le Donbass, contrôlé par les sécessionnistes avec l’aide informelle de la Russie, recèle depuis toujours d’importantes richesses minérales. En 1982, lors d’une campagne de cartographie des ressources, les géologues soviétiques y découvrent un gisement de 40 hectares regorgeant de lithium, de césium, de tantale, de niobium, de béryllium et d’autres terres rares. Or, le lithium représente aujourd’hui un enjeu stratégique crucial car cet « or blanc » est essentiel pour les batteries des véhicules électriques et le stockage des énergies renouvelables.
Les négociations bilatérales entre Trump et Poutine, avec peut-être un strapontin pour le président ukrainien, sont inévitables. Alors, place au business ?