En marge du lancement, le 4 février à Sousse, du projet d’amélioration du site de gestion des déchets d’oued Laya par l’utilisation du gaz biométhane pour les énergies renouvelables, nous avons rencontré M. Takeshi Osuga, ambassadeur du Japon en Tunisie, dont le pays est le principal bailleur de fonds. Le geste a valeur de symbole et vaut tout autant par ce qu’il promet et promeut. Quant à l’engagement du pays du soleil levant au bénéfice de la Tunisie, l’ambassadeur s’est fait fort de l’annoncer avec force conviction. Il en ressort une interview durant laquelle nous avons évoqué avec lui le projet en question et les projets similaires en vue, ainsi que sur la coopération tuniso-japonaise d’une manière générale. Ce fut aussi l’occasion de revenir sur l’actualité internationale, notamment l’occupation israélienne des territoires palestiniens et la récente élection de Trump aux Etats-Unis.
Quels sont, Monsieur l’Ambassadeur, les projets privés ou en PPP (partenariat public-privé) que la TICAD a promus en Tunisie ou en Afrique via la Tunisie ?
Concernant les projets privés, lors de la TICAD 8 Business Forum, 92 protocoles d’accord ont été signés entre les entreprises japonaises d’un côté, et les autorités ou les entreprises africaines de l’autre. Je ne me rappelle plus le nombre exact signé par la Tunisie. Pour moi, ce qui compte, ce ne sont pas les documents signés, mais les mesures concrètes prises pour la coopération ou l’investissement. Je cite quelques exemples.
-La compagnie japonaise « G Cube » et UNIMED, qui ont créé une nouvelle entreprise, une joint-venture qui s’appelle NIPPOMED, à Sousse, pour fabriquer et vendre des kits de test de grossesse et de maladies infectieuses. Le contrat a été signé lors de la TICAD 8 et l’usine a été inaugurée en septembre 2023. -La société japonaise SUMITOMO ELECTRIC BORDNETZE Tunisia (SEBN-TN), qui est engagée dans la production de câbles automobiles en Tunisie depuis 2011 et qui a décidé de construire une nouvelle usine à Jendouba. Cette usine sera la deuxième dans le gouvernorat. Je pense qu’elle est actuellement en pleine construction.
-YKK, leader mondial pour la fabrication de fermetures éclair. Elle a inauguré une nouvelle usine à Monastir en octobre 2023.
– La société SARAYA, connue au Japon pour les produits d’hygiène et de santé. Elle a inauguré à l’occasion de la TICAD 8 sa première usine de produits cosmétiques « SARAYA Natural Products Tunisia » à La Manouba. Depuis, une deuxième usine a été construite pour le conditionnement et la mise en bouteille de l’huile d’olive. SARAYA a investi également dans des startups tunisiennes dans le domaine de « Smart-City » etc. En ce qui concerne les projets en PPP, il n’y a pas de sociétés/entreprises créées sous la forme de PPP en tant que telles, mais il y a des efforts qui impliquent les sociétés japonaises et le secteur public des deux pays en faveur du développent de la Tunisie. Deux exemples récents :
-La construction de la station de traitement avancé des eaux usées à Gabès, que j’ai déjà citée, sera mise en œuvre par une société japonaise pour produire des eaux réutilisables à des fins industrielles, plus précisément pour alimenter les usines du Groupe Chimique Tunisien (GCT), situées juste à côté de la station d’épuration. Ce projet profitera à tous, le GCT, l’ONAS, la société japonaise et l’environnement.
-Deux stations photovoltaïques à Sidi Bouzid et à Tozeur de 50 MW chacune. Elles vont être construites par le consortium Aeolus, filiale du groupe japonais Toyota-Tsusho, et Scatec, une compagnie norvégienne. Dans le cadre du Mécanisme d’échange de crédits carbone (MCC), Aeolus bénéficiera d’une subvention du Gouvernement du Japon d’environ 80 millions de DT au total.
Enfin et concernant les projets en Afrique via la Tunisie, je noterais que j’attends personnellement que la Tunisie joue un rôle important en tant que pays hôte de la TICAD 8 pour promouvoir le développement africain. Depuis son indépendance, la Tunisie est un pays avancé sur le continent africain en matière de ressources humaines, et elle continuera de l’être. Nous voulons être du côté de ce rayonnement de la Tunisie envers l’Afrique. Pour cela, la JICA organise beaucoup de programmes triangulaires, à savoir les programmes de formation financés par la JICA pour les Africains, et surtout dans les pays francophones, organisés en Tunisie par les autorités tunisiennes en coordination avec la JICA. Deux exemples pour illustrer mon propos:
-Projet de formation au « KAIZEN », mis en œuvre par le ministère de l’Industrie et les entreprises tunisiennes qui appliquent la méthode KAIZEN. KAIZEN est un mot japonais qui signifie « amélioration ». Cette méthode vise à renforcer la productivité grâce à de petites améliorations en continu à l’endroit même de la production. La Tunisie est un pays modèle pour l’application de KAIZEN dans le secteur industriel. Les 28-29 octobre dernier, elle a organisé la 9ème conférence annuelle de KAIZEN Afrique (AKAC, Africa Kaizen Annual Conference). Des prix KAIZEN (KAIZEN Awards) ont été octroyés aux entreprises africaines sélectionnées comme les meilleures praticiennes du KAIZEN.
-Dans le domaine de la gestion des déchets, la JICA collabore avec le CITET, Centre international des technologies de l’environnement de Tunis, pour organiser chaque année un programme de formation pour une dizaine de pays africains francophones.
De manière plus globale, comment jugez-vous le niveau de la coopération tuniso-japonaise ?
En un mot, ma réponse est « excellent ». Nos échanges ne se limitent pas au domaine économique et de développement durable. En juillet dernier, le 4ème Sommet universitaire Japon-Afrique du Nord a eu lieu à Tunis. Les présidents et vice-présidents des universités japonaises ont participé à cet évènement. Du côté africain, en plus de nombreux hauts représentants d’universités tunisiennes, les représentants des universités d’Algérie, d’Égypte, du Maroc et du Nigeria y ont participé. L’évènement a démontré l’importance des échanges académiques pour promouvoir la coopération nippo-africaine dans le domaine de la science et de la technologie.
Extrait du grand entretien qui est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 913 du 12 au 26 février 2025