Le commerce est l’un des moteurs du progrès, favorisant l’efficacité, la productivité et la croissance. Soutenu par des flux transfrontaliers réels, le commerce mondial est essentiel à l’intégration de tous les grands marchés, qu’il s’agisse des biens de consommation physiques, des biens d’équipement ou des intrants fondamentaux comme les matières premières et les produits de base. Ainsi, tout ce qui menace ou modifie de manière significative les flux commerciaux doit retenir l’attention des décideurs politiques, des analystes et des investisseurs.
Ces dernières semaines, le président américain Donald J. Trump a monopolisé l’actualité commerciale. Bien qu’un certain soulagement ait été ressenti après son discours d’investiture du 20 janvier, celui-ci fut de courte durée. Début février, les premières tensions commerciales ont éclaté : une menace directe d’imposer des droits de douane de 25 % sur le Canada et le Mexique, ainsi que de 10 % sur la Chine. Cela a été suivi par des discussions sur des « tarifs universels » et des « tarifs réciproques » contre tous les pays et produits, ainsi que sur des droits de douane ciblés de 25 % sur toutes les importations d’acier et d’aluminium. L’ensemble de ces mesures a considérablement accru l’incertitude liée à la politique commerciale.
Indice d’incertitude de la politique commerciale
(100 = 1 % des articles, 2014-2025)
Sources: Haver, US Federal Reserve, QNB analysis
D’après l’indice d’incertitude de la politique commerciale, qui mesure la fréquence mensuelle des articles abordant ce sujet par rapport au nombre total d’articles publiés dans les principaux journaux américains, l’incertitude commerciale est déjà plus élevée que lors du pic de la « guerre commerciale » avec la Chine sous Trump 1.0 (2017-2021).
Pour rappel, durant Trump 1.0, le tarif moyen des importations américaines est passé de 1,5 % à environ 3 %. Si les nouveaux tarifs proposés pour l’Amérique du Nord et la Chine sont maintenus, cette moyenne atteindrait 11 %, son plus haut niveau depuis la Seconde Guerre mondiale.
Bien que le Canada et le Mexique aient obtenu une suspension temporaire de ces nouvelles taxes, l’incertitude demeure. De nouvelles négociations commerciales vont être engagées avec d’autres partenaires. Des droits de douane sur l’Union européenne ainsi que des taxes supplémentaires sur la Chine devraient être annoncés prochainement, accentuant ainsi la menace du protectionnisme et des guerres commerciales, notamment en cas de représailles. Les pays et blocs affichant un excédent commercial significatif avec les États-Unis, comme la Chine, l’UE, le Mexique, le Vietnam et le Japon, sont particulièrement vulnérables aux pressions commerciales américaines.
Balance commerciale bilatérale des États-Unis
(Somme sur 12 mois, dernier relevé en milliards de dollars)
Sources: Haver, Capital Economics, QNB analysis
Il est important de noter que les droits de douane ne sont plus uniquement considérés comme des outils destinés à corriger des pratiques commerciales jugées « injustes » ou à réduire les déséquilibres commerciaux bilatéraux évoqués précédemment. Ils sont désormais perçus comme des mesures fiscales visant à générer de nouvelles sources de revenus pour le gouvernement américain. En d’autres termes, les droits de douane deviennent un instrument budgétaire, et les 4 100 milliards de dollars d’importations annuelles des États-Unis représentent une base fiscale considérable pouvant contribuer à la réduction du déficit public.
Ce point est particulièrement pertinent dans un contexte où la nouvelle équipe économique de Trump cherche des moyens novateurs pour financer des baisses d’impôts et mettre en œuvre un ambitieux plan de consolidation budgétaire, visant à réduire le déficit actuel de plus de 7 % du PIB à 3 % d’ici 2028.
Ainsi, les tarifs douaniers et les tensions commerciales joueront un rôle encore plus central sous Trump 2.0 qu’ils ne l’ont été sous Trump 1.0. À notre avis, la nouvelle administration Trump 2.0 augmentera encore davantage les droits de douane dès le premier semestre 2025, avec plusieurs implications directes et indirectes pour l’économie américaine.
Premièrement, à court terme, ces mesures créeront un choc inflationniste temporaire sur les biens et services importés, réduisant ainsi le revenu disponible des ménages et freinant la croissance. Toutefois, cet impact devrait s’atténuer en quelques trimestres, une fois les prix stabilisés.
Deuxièmement, toujours à court terme, l’incertitude commerciale risque de perturber les plans d’investissement en capital (CAPEX) des grandes entreprises et des investisseurs étrangers, qui devront repenser leurs chaînes d’approvisionnement et réévaluer leurs structures de coûts. Cette incertitude pourrait refroidir l’optimisme des marchés et entraîner une baisse des investissements.
Troisièmement, à moyen et long terme, des tarifs plus élevés favoriseraient l’industrie et les services domestiques aux États-Unis. Cependant, cette politique se ferait au détriment du pouvoir d’achat des consommateurs, introduirait des inefficacités et risquerait de réduire la croissance potentielle du PIB.
En somme, les droits de douane devraient constituer un pilier central de l’agenda Trump 2.0, bien au-delà de leur rôle sous Trump 1.0. Ils sont appelés à augmenter de manière substantielle et rapide, notamment en raison de leur utilisation probable comme outil fiscal. À court terme, cela pourrait alimenter l’inflation et peser sur les investissements, tandis qu’à long terme, cette politique devrait bénéficier aux producteurs nationaux, mais au prix d’un affaiblissement du pouvoir d’achat des consommateurs.
D’après analyse QNB