Si les massacres israéliens commis contre les Palestiniens de Gaza ont été marqués par l’impuissance (plus ou moins volontaire) des pays arabes, ils signent aussi la mort d’une certaine idée de l’Occident.
La question palestinienne et l’ambivalence des Etats arabes
Les scénarios de sortie de crise mobilisent des puissances régionales traditionnelles que sont l’Arabie saoudite et l’Egypte. Leur capacité d’influence sera jugée à l’aune d’une proposition alternative et viable au plan de nettoyage ethnique du couple Trump-Netanyahou. Leur engagement plonge ses racines dans la persistance de la question palestinienne dans le cœur et l’esprit des opinions publiques arabes.
Les peuples arabes demeurent particulièrement sensibles au sort du peuple palestinien. Les images du génocide à Gaza et de la colonisation en Cisjordanie habitent les consciences, par-delà les classes sociales et les générations.
Or, la tragédie en cours a été révélatrice du cynisme mêlé d’indifférence de certains Etats arabes, et de l’impuissance d’autres. Les professions de foi pro-palestiniennes des discours officiels ne résistent pas à la Realpolitik. L’unité panarabe au nom de la « cause palestinienne » est purement rhétorique.
Historiquement, les régimes autocratiques n’ont pas hésité à l’instrumentaliser dans leur confrontation avec Israël, pour asseoir leur leadership régional ou renforcer leur légitimité interne. L’absence ou l’inefficacité de la solidarité arabe a nourri le sentiment d’abandon des Palestiniens exprimé par cette interpellation populaire : « Wen Al-‘Arab ? ». Pire, faut-il le rappeler, les Palestiniens ont été victimes de massacres – en Jordanie (« Septembre noir », 1970) et à « Sabra et Chatila » au Liban (1982), perpétrés par des soldats ou miliciens arabes. Ils ont été l’objet d’expulsions de pays arabes (du Golfe en 1991, de Libye en 1995). Leur simple présence dans des pays arabes, comme réfugiés (Liban, Syrie, Jordanie) ou immigrés (dans les pays du Golfe) est source de tension.
Il n’empêche, sur le plan diplomatique et historique, les Etats arabes ont porté la cause palestinienne. Ainsi, au début des années 70, Yasser Arafat s’engage dans une campagne de reconnaissance et de légitimation internationale, démarche qui sera couronnée de succès.
Après la guerre israélo-arabe de 1973, l’OLP est reconnue par tous les États arabes comme « le seul et légitime représentant du peuple palestinien » (Sommet arabe de Rabat tenu en octobre 1974).
Puis, à l’invitation de 105 États, le chef de l’OLP prononce son célèbre discours à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies (13 novembre 1974). L’organe onusien reconnaît alors le droit des Palestiniens « à la souveraineté et à l’indépendance nationale ».
Sur le plan régional, le Conseil européen adopte une résolution affirmant que le « peuple palestinien doit exercer son droit à l’autodétermination » et que « l’OLP doit être associée à toute négociation » (13 juin 1980), tandis que le « plan Fahd » (1982), soutenu par la Ligue arabe, approuve le principe d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967. Une reconnaissance d’un Etat palestinien qui n’est toujours pas à l’ordre du jour de la majorité des pays occidentaux.
La question palestinienne et la fin d’une certaine idée de l’Occident
Si des régimes autoritaires contestent l’humanisme et l’universalisme qui inspirent le droit international hérité de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les démocraties occidentales contribuent elles-mêmes à les discréditer au regard de leur discours ou silence sur les crimes commis à Gaza. L’inconstance des discours occidentaux en la matière est le signe d’un double standard. Particulièrement patente dans le conflit israélo-palestinien, cette duplicité occidentale contribue in fine à saper la crédibilité de leur posture morale et à affaiblir leur poids international.
Cette perte des repères est source d’inconsistance. L’évolution, voire l’incohérence, du discours de la France est significative. Mais au-delà de la France, ces confusions et contradictions ne font que nourrir le déclin relatif de l’Occident, la contestation de son hégémonie et de son magistère moral.