Parfaite illustration de la logique transactionnelle et mercantile de M. Trump. Soit vous lui fournissez la moitié des minerais stratégiques de l’Ukraine, soit il vous coupe l’accès à internet par satellite fourni par Starlink. Un service d’internet détenu par son vice-président de facto : Elon Musk!
Le réveil est brutal. En ces temps d’incertitude géopolitique, et alors que l’administration américaine ne semble éprouver aucun scrupule à sacrifier le Vieux continent sur l’autel de son rapprochement contre-nature avec Moscou, les Européens, et notamment les Ukrainiens découvrent avec amertume combien ils sont vulnérables, car fortement dépendants de la technologie américaine.
Chantage
Les USA utilisent tous les leviers dont ils disposent pour peser dans les futures négociations sur la paix en Ukraine. Il en va ainsi de la proposition américaine transmise mercredi dernier aux Ukrainiens par le secrétaire américain au Trésor Scott Bessent. Celle-ci est relative à un sidérant projet d’accord prévoyant que les Etats-Unis prennent le contrôle de la moitié des minerais stratégiques du pays, les fameuses terres rares dont regorge la région du Donbass actuellement occupée par la Russie. Et ce, en contrepartie de l’aide militaire qui a été déjà distribuée par Washington à Kiev. Tandis que l’administration américaine a menacé l’Ukraine de lui couper l’accès à internet par satellite, fourni par Starlink, un service du géant Space X détenu par…l’inévitable Elon Musk!
L’armée ukrainienne dans le noir
Cette information dévoilée par Reuters a été démentie samedi 22 février par le multimilliardaire et bras droit du président américain en qualifiant cet article de « faux ». L’agence londonienne a toutefois maintenu ses informations.
Si l’information se révélait authentique, la menace de couper l’accès à Internet aurait de nouveau été agitée jeudi 20 février lors de réunions entre Keith Kellogg, l’envoyé spécial américain pour l’Ukraine, et Volodymyr Zelensky. Elle serait d’une extrême gravité pour ce pays en guerre contre la Russie depuis trois années. Car, afin de remplacer les services de communication détruits par la Russie après son invasion lancée en février 2022, Starlink fournit une connexion Internet qui fonctionne grâce à une constellation de satellites orbitant à basse altitude. Et ce, afin d’assurer une connexion Internet sans faille aux forces ukrainiennes. En effet, environ 42 000 terminaux Starlink sont opérationnels dans les hôpitaux, les entreprises et l’armée en Ukraine.
Pour rappel, ce réseau, une technologie clef indispensable pour la conduite de la guerre moderne, permet notamment le partage d’images de drones en temps réel ainsi que la communication dans les zones où les combats ont interrompu les services de téléphonie mobile.
Notons que dès les premières semaines de l’invasion, les infrastructures télécoms ukrainiennes ont été ciblées par les forces russes, menaçant la capacité du pays à coordonner ses défenses. Mais, l’arrivée de Starlink a permis aux forces armées ukrainiennes de rétablir rapidement des communications stratégiques, facilitant ainsi la transmission d’informations cruciales entre les différents théâtres d’opérations. Les soldats ukrainiens utilisent Starlink pour coordonner leurs mouvements, contrer les attaques ennemies et partager des renseignements en temps réel.
Or, d’après le commandant d’une unité de drone posté dans la région de Kharkiv et interrogé par le Washington Post, les communications de Starlink ont été complètement coupées, affirme l’agence Reuters; plongeant ainsi les forces ukrainiennes dans le noir.
Représailles
Au final, comment expliquer que l’imprévisible Elon Musk soit disposé à rompre un contrat commercial avec Kyiv pour satisfaire les desiderata de son mentor et alter ego, le 47e président des Etats-Unis?
Certainement pour « punir » le président Volodymyr Zelensky « coupable » d’avoir rejeté une proposition faite le 12 février par le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent.
Une sidérante proposition qui vise à donner aux entreprises américaines la propriété de 50 % des gisements de terres rares d’Ukraine, soit 500 milliards de dollars de richesses minières, afin de rembourser au pays son aide militaire. Sachant que le sous-sol de l’Ukraine qui regorge de lithium, de césium, de tantale, de niobium, de béryllium et d’autres terres rares, intéresse l’administration Trump à cause de l’actuelle domination chinoise sur le marché. En effet, la Chine contrôle 70 % de la capacité mondiale d’extraction des terres rares et 90 % de la capacité de traitement.
« Je n’ai pas laissé les ministres signer un accord pertinent parce qu’à mon avis, il n’est pas prêt à nous protéger, à protéger nos intérêts », a déclaré le président ukrainien lors de la conférence sur la sécurité de Munich qui s’est tenu du 14 au 16 février. Tout en estimant que ces propositions « étaient trop axées sur les intérêts américains et manquaient de dispositions susceptibles de contribuer à dissuader une future agression russe ».
Faut-il rappeler à cet égard que le président ukrainien ne fut même pas invité à participer aux pourparlers de paix menés par les Etats-Unis et la Russie mardi 18 février en Arabie saoudite.
Pis, Donald Trump aura qualifié, mercredi 19 février son homologue ukranien de « dictateur sans élection »; après l’avoir accusé, la veille, d’avoir été à l’origine de la guerre dans son pays. « Un dictateur sans élection, Zelensky, devrait se dépêcher ou il ne va pas lui rester de pays », a déclaré le président des Etats-Unis sur sa plateforme Truth Social. « J’adore l’Ukraine, mais Zelensky a fait un boulot épouvantable », a-t-il ajouté.
Le président américain, qui n’a aucun problème à tordre le coup à la vérité, avait déjà décrié l’absence d’élection en Ukraine depuis le début de l’invasion russe, en février 2022. En oubliant au passage que l’Ukraine n’a pas organisé de scrutin du fait de la guerre et de la loi martiale. Alors que des millions d’Ukrainiens ont fui à l’étranger et que 20 % du territoire est sous occupation russe.
Ce n’est ni la première, ni la dernière fois que M. Trump assimile une contrevérité avérée comme véridique.