La Tunisie ne s’endette pas seulement de l’extérieur pour son appui budgétaire. Elle le fait aussi dans le cadre de projets d’investissements et en faveur des entreprises publiques. En 2024, la dette contractée et affectée à des projets a totalisé 2 129,1 millions de dinars (MTND). Il s’agit du montant le plus élevé depuis des années. S’il y a un embargo officieux sur les emprunts orientés à l’appui budgétaire, ce n’est pas le cas pour les projets.
Et il y a aussi des crédits obtenus par l’Etat, mais qui sont par la suite rétrocédés aux entreprises publiques. En d’autres termes, les autorités se portent garantes du remboursement futur. En 2024, ces prêts étaient de 953,1 MTND. La part de l’Office des céréales est de 753,1 MTND. Sur la période 2021-2024, ces crédits se sont élevés à 7 386,6 MTND, dont 2 182,5 MTND à l’Office.
L’Office bénéficie aussi de l’appui de la BNA (Banque nationale agricole). Fin juin 2024, l’encours de crédits accordés est de 5 518,9 MTND, intégralement garanti par l’Etat. La structure, qui joue un rôle clé en matière de sécurité alimentaire nationale, bénéfice de tous les leviers pour qu’elle puisse assurer sa mission. Toutefois, nous pensons qu’il est temps de réformer l’Office de sorte que sa dette soit soutenable et qu’il fonctionne d’une manière fluide et durable.
Le bon moment
Le contexte actuel est particulièrement bon. Les marchés internationaux ne sont pas tendus. Le dernier Bulletin de la FAO sur l’offre et la demande de céréales a fourni des prévisions actualisées sur le marché mondial des céréales. Ainsi, la production mondiale de céréales en 2024 était de 2 841 millions de tonnes. Soit un recul de 0,6 % en glissement annuel. Les prévisions mondiales concernant l’orge et le blé ont également été légèrement réduites. Et ce, compte tenu des dernières données en provenance de l’Australie et de l’Union européenne qui indiquent une récolte plus faible que prévu.
La saison 2025 se déroule convenablement et la première partie, qui s’est achevée en janvier, a montré de bons signes. Les prix devraient rester stables, et il n’y a aucun risque à moyen terme pour des mouvements haussiers.
C’est donc le bon moment pour lancer une opération d’assainissement financier de l’Office des céréales. Comment le faire? Notre idée est articulée sur trois axes.
Les trois axes
Le premier est que la transformation doit s’étaler sur plusieurs années et en douceur. Il ne faut pas choquer un système en place depuis des décennies et dans un secteur sensible. Nous nous rappelons tous des épisodes de rupture de stocks de la farine subventionnée qui ont irrité la population, deux ans auparavant. Ce plan prendra le temps qu’il faut et si les marchés internationaux se retrouvent perturbés, l’Etat pourra reprendre les devants provisoirement pour gérer une telle période.
Le deuxième axe est l’implication des opérateurs privés. Ces derniers importent les céréales selon un cahier de charges strictes, au profit de l’Office. Lequel assure un rôle de contrôle à tous les niveaux. Ces privés doivent stocker les importations de manière à ce que ce fardeau ne soit pas supporté par la structure publique, contre une rémunération convenue. De plus, l’Etat pourra exiger la constitution de stocks stratégiques chez ces privés. Créant ainsi un matelas de sécurité à même de nous servir en cas de moments difficiles.
Quant au troisième axe, il est une révision des prix de vente de la farine subventionnée et de la baguette. Ajouter les 10 millimes au prix du pain, que personne n’est en train de percevoir, est important. Les Tunisiens consomment en moyenne huit millions de baguette par jour. Une simple multiplication nous donne 29,2 MTND. C’est de l’argent qui passe dans la poche des boulangers, alors que sa place est dans les caisses de l’Etat.
Il faut oser ce type de manœuvre. L’expérience a montré qu’il n’y a aucune croissance espérée si le budget reste en proie aux obligations sociales. Nous devons affronter nos difficultés de sorte à assainir nos entités publiques vitales et offrir la possibilité d’investir.