Le 6 mars dernier, la BCE (Banque centrale européenne) a abaissé ses taux de 0,25 %, ramenant le taux de facilité de dépôt à 2,50 %. Dans ses nouvelles prévues, elle anticipe une croissance plus faible et une légère hausse de l’inflation, tout en maintenant son scénario d’une convergence progressive vers 2 %.
Cette fois, l’attention s’est portée sur la formulation du communiqué, notamment sur l’assouplissement du langage concernant le degré de restriction monétaire. Sans l’annoncer, la BCE semble indiquer que la fin du cycle de baisse des taux s’approche, à mesure qu’elle se rapproche du niveau jugé neutre pour l’économie. Cependant, compte tenu des dynamiques actuelles, ces prévisions paraissent déjà dépassées, rendant la BCE encore plus dépendante aux données économiques.
Avant d’examiner les récents bouleversements géopolitiques et économiques, il est essentiel d’analyser l’évolution de l’inflation. Il y a encore quelques mois, la principale inquiétude portait sur une possible spirale « prix-salaires » en zone euro, où l’inflation s’auto-alimenterait via les hausses salariales. Si les salaires ont effectivement progressé rapidement, leur rythme a ralenti depuis mi-2023, comme en témoignent les données des comptes nationaux et les négociations de branche. Des indicateurs alternatifs, tels que l’évolution des salaires sur le site Indeed ou l’ECB Wage Tracker, confirment cette tendance et permettront une nette décélération d’ici fin 2025.
L’inflation dans les services, directement influencée par les salaires, commence à refléter ce mouvement, passant de 3,9 % à 3,7 % en après plusieurs mois de stagnation. Couplée à la récente baisse des prix de l’énergie, cette dynamique laisse penser que la désinflation devrait se poursuivre.
Les récentes annonces de plans de défense et la volonté croissante des États européens de renforcer leur autonomie stratégique pourraient cependant stimuler la croissance et l’inflation à moyen terme, notamment en Allemagne et plus largement en zone euro. Ce contexte rappelle les conclusions du rapport Draghi et soulève la question de la domination budgétaire face à la politique monétaire. La forte remontée des taux d’intérêt à long terme, notamment en Allemagne, traduite à la fois une augmentation de la dette publique et des anticipations de croissance nominale plus élevées. À cela s’ajoute l’incertitude liée aux potentielles barrières tarifaires américaines, qui influencent les décisions des entreprises et des consommateurs. Le risque que la BCE ait pris du retard dans l’ajustement de ses prévisions apparaît donc significatif.
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Une autre incertitude majeure concerne le « taux neutre », défini comme le niveau optimal qui ne freine ni ne stimule l’activité économique. Ce taux, théorique et inobservable, est estimé entre 1,75 % et 3 % pour la zone euro, contraignant la BCE à envisager une pause dans la baisse des taux.
Dans ce contexte, le scénario central demeure, pour lequel les analystes avaient anticipé des baisses de taux en janvier, mars et avril 2025, suivi d’une pause. Une nouvelle réduction en avril reste possible, mais les perspectives au-delà restent incertaines. Les prévisions, qui postulent que la BCE ne descendra pas sous 2 % sur son taux de facilité de dépôt d’ici fin 2025, semblent aujourd’hui plus pertinentes que jamais. Cependant, l’année est loin d’être terminée…
à suivre… (2/2).
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)