Le 6 mars 2025, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une réduction de 0,25 % de ses taux directeurs. Abaissant ainsi le taux de facilité de dépôt à 2,50 %. Cette décision s’inscrit dans un contexte économique complexe. Lequel se caractérise par une anticipation d’une croissance plus faible et une légère hausse de l’inflation.
Pour la Tunisie, bien que n’étant pas membre de la Zone euro, cette évolution de la politique monétaire européenne présente des répercussions significatives qui méritent d’être examinées de manière approfondie.
Première répercussion, sur le commerce et les exportations tunisiennes

La Tunisie entretient une relation privilégiée avec l’Union européenne, qui représente de loin son principal partenaire économique, avec 80 % de ses échanges commerciaux. Ce lien est ancré dans l’histoire, puisque la Tunisie a été le premier pays du Sud à signer un accord d’association en 1995. Ouvrant ainsi la voie à un partenariat renforcé dans divers domaines, notamment le commerce, l’investissement et la coopération politique.
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Cependant, cette forte dépendance à l’égard de l’Europe expose la Tunisie à des risques économiques liés aux fluctuations de la politique monétaire européenne. Par exemple, une réduction des taux d’intérêt dans la Zone euro est généralement mise en œuvre dans le but de stimuler la consommation et d’encourager l’investissement. Bien que cette mesure puisse favoriser une croissance économique en Europe, elle ne garantit pas nécessairement une demande accrue pour les produits tunisiens.
Si la croissance attendue ne se matérialise pas en raison de divers facteurs, tels que des tensions géopolitiques, des crises sanitaires ou des variations de la confiance des consommateurs, cela pourrait entraîner une diminution de la demande pour les exportations tunisiennes.
Les entreprises tunisiennes, qui dépendent fortement de leurs ventes à l’étranger, notamment vers l’Europe, pourraient rencontrer des difficultés pour maintenir leur chiffre d’affaires dans un tel contexte. Cette situation pourrait être particulièrement préoccupante pour les secteurs clés de l’économie tunisienne, tels que l’agroalimentaire, le textile et le tourisme.
Les entreprises tunisiennes, qui dépendent fortement de leurs ventes à l’étranger, notamment vers l’Europe, pourraient rencontrer des difficultés pour maintenir leur chiffre d’affaires dans un tel contexte.
En conséquence, une baisse des exportations aurait des implications directes sur les revenus en devises de la Tunisie. Une diminution des rentrées de devises mettrait une pression supplémentaire sur le dinar tunisien, déjà affecté par les défis économiques internes. L’affaiblissement de la monnaie nationale pourrait contribuer à une hausse de l’inflation, rendant les importations plus coûteuses et exacerbant les difficultés économiques pour les ménages tunisiens.
De plus, cette dynamique pourrait engendrer des tensions sociales. Alors que la population, déjà confrontée à des défis économiques tels que le chômage et la hausse du coût de la vie, pourrait subir encore plus les effets d’une conjoncture défavorable. Dans ce contexte, la Tunisie devra diversifier ses relations économiques et explorer de nouveaux marchés pour réduire sa vulnérabilité face aux fluctuations de la demande européenne. Renforcer la compétitivité des entreprises locales et encourager l’innovation seront également essentiels pour assurer une croissance économique durable et résiliente à long terme.
La Tunisie devra diversifier ses relations économiques et explorer de nouveaux marchés pour réduire sa vulnérabilité face aux fluctuations de la demande européenne.
Deuxième répercussion, sur la dynamique de l’inflation en Tunisie

La prévision d’une légère hausse de l’inflation en Zone euro soulève des inquiétudes non seulement pour les pays européens, mais également pour des nations comme la Tunisie, qui sont interconnectées économiquement. En effet, la Tunisie dépend en grande partie de l’importation de biens, y compris des denrées alimentaires et des produits énergétiques. Ainsi, toute augmentation des prix dans la Zone euro a un impact direct sur les coûts d’importation pour le pays.
Actuellement, la Banque centrale de Tunisie (BCT) est déjà confrontée à une inflation élevée, qui constitue un véritable défi pour la stabilité économique. Les récents événements géopolitiques et les fluctuations des prix des matières premières, notamment de l’énergie, aggravent cette situation. L’instabilité des prix de l’énergie, liée à des facteurs tels que les conflits internationaux, les politiques de production des pays producteurs de pétrole et les transitions vers des énergies renouvelables, pourrait entraîner une augmentation des coûts d’importation. Cela se traduirait par une pression supplémentaire sur les prix intérieurs, rendant la lutte contre l’inflation encore plus difficile pour la BCT.
Une baisse de la consommation affecterait les entreprises locales, aggravant ainsi le cycle économique négatif. De plus, les segments les plus vulnérables de la population, tels que les ménages à faibles revenus, seraient les plus touchés par cette hausse des prix
Une inflation persistante et croissante risque de réduire le pouvoir d’achat des Tunisiens. Les ménages, déjà frappés par des niveaux de vie en déclin, pourraient voir leurs économies s’éroder davantage. Ce qui pourrait entraîner un recul dans la consommation. Une baisse de la consommation affecterait les entreprises locales, aggravant ainsi le cycle économique négatif. De plus, les segments les plus vulnérables de la population, tels que les ménages à faibles revenus, seraient les plus touchés par cette hausse des prix, conduisant à une augmentation des tensions sociales.
Face à cette situation, il est judicieux que la BCT réagisse de manière proactive. Une réponse serait adéquate via des ajustements de taux d’intérêt pour contenir l’inflation, une politique monétaire plus flexible, ainsi que des mesures pour stabiliser les prix des produits de première nécessité. En outre, la Tunisie pourrait explorer des initiatives pour diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie et réduire sa dépendance aux importations.
Pour autant, la hausse de l’inflation en Zone euro représente un signal d’alerte pour la Tunisie. La manière dont la BCT et le gouvernement gèrent cette dynamique sera déterminante pour préserver le pouvoir d’achat des Tunisiens et soutenir la relance économique dans un contexte déjà marqué par des défis structurels profonds. Une approche coordonnée et anticipative est essentielle pour naviguer à travers les tempêtes économiques et sociales.
Troisième répercussion, sur le climat des affaires, les investissements et la croissance
Les dernières mesures prises aux États-Unis ont des répercussions significatives sur la dynamique économique mondiale. Dans ce contexte, la confiance des investisseurs étrangers en Tunisie pourrait être mise à mal. Les événements géopolitiques actuels, en créant un climat d’instabilité, influencent non seulement les marchés financiers, mais également les perceptions des risques liés à l’investissement dans des pays comme la Tunisie (cf. nos publications antérieures).
La guerre en Ukraine, par exemple, a eu des effets dévastateurs sur l’économie mondiale, entraînant une volatilité des prix des matières premières, notamment de l’énergie et des denrées alimentaires. Ces fluctuations rendent les projections économiques plus incertaines. Décourageant ainsi les investisseurs qui privilégient des environnements plus stables et prévisibles pour placer leur capital. De même, les tensions commerciales entre les États-Unis et d’autres grandes économies peuvent créer des répercussions en chaîne sur les chaînes d’approvisionnement, augmentant les coûts et compliquant les opérations commerciales internationales(cf. nos publications antérieures).
Malgré ces défis, les estimations des comptes nationaux trimestriels révèlent que le Produit Intérieur Brut (PIB) en volume de la Tunisie a enregistré une augmentation de 2,4 % sur une année, lors du quatrième trimestre de 2024. C’est une indication d’une certaine résilience de l’économie tunisienne dans un contexte difficile. De plus, la progression de 0,9 % du PIB en volume comparé au troisième trimestre de 2024 montre une dynamique positive à court terme. Cette croissance de 1,4 % pour l’ensemble de l’année 2024 suggère que, malgré les incertitudes environnementales, des secteurs de l’économie tunisienne continuent de se développer.
Si les investisseurs perçoivent la Tunisie comme une destination risquée en raison de facteurs externes, ils pourraient faire preuve de prudence et réduire leurs engagements financiers dans le pays. Cela aurait pour conséquence de retarder les projets d’investissement qui sont essentiels pour la croissance économique et l’amélioration des conditions d’emploi.
Cependant, cette croissance pourrait être mise en péril par une perception d’instabilité croissante au sein de la Zone euro et sur le plan géopolitique. Si les investisseurs perçoivent la Tunisie comme une destination risquée en raison de facteurs externes, ils pourraient faire preuve de prudence et réduire leurs engagements financiers dans le pays. Cela aurait pour conséquence de retarder les projets d’investissement qui sont essentiels pour la croissance économique et l’amélioration des conditions d’emploi.
Au final, les investissements étrangers contribuent fortement au développement économique, car ils apportent non seulement des capitaux, mais aussi des technologies, des compétences et des opportunités d’emploi. Une diminution des flux de capitaux pourrait freiner l’innovation, limiter les capacités de production et affecter le potentiel de croissance à long terme de l’économie tunisienne.
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