Au-delà de son caractère imprévisible et irrationnel, le président américain D. Trump s’inscrit dans un mouvement historique qu’il tend à symboliser jusqu’à la caricature. On pense notamment à la personnalisation de la politique à l’ère du buzz et clash par réseaux sociaux et médias interposés, mais pas seulement. Plus largement, son nationalisme et son protectionnisme traduisent la perte d’attractivité des modèles du libre-échange et de la démocratie libérale.
La remise en cause du modèle de libre-échange
Le libre-échange fait partie des fondements de l’ordre international moderne. Il est à la base du droit du commerce international, historiquement mû, non pas par la volonté de supprimer toute barrière, mais de les encadrer et de les réduire.
Outre ses sources coutumières, des traités bilatéraux et multilatéraux (à l’échelle internationale ou régionale) organisent ainsi la libéralisation des échanges.
Le multilatéralisme commercial renforcé depuis la fin de la guerre froide est à l’origine de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), créée en 1995. Celle-ci a accompagné une expansion inédite du commerce international, en fluidifiant les échanges grâce à la baisse des barrières douanières, à la réduction des obstacles non tarifaires et à la convergence des normes entre les Etats.
Trump semble prêt à instrumentaliser les droits de douane comme d’une arme de guerre commerciale, y compris au mépris du droit international. Les alliés stratégiques et/ou historiques des Etats-Unis n’échappent pas à cette nouvelle donne.
Méprisant le système commercial multilatéral (incarné sur le plan institutionnel par l’OMC), conjuguant protectionnisme et unilatéralisme, D. Trump bouleverse l’ordre commercial mondial. Il semble prêt à instrumentaliser les droits de douane (il a évoqué un tarif de base universel de 10% sur toutes les importations américaines) comme d’une arme de guerre commerciale, y compris au mépris du droit international. Les alliés stratégiques et/ou historiques des Etats-Unis n’échappent pas à cette nouvelle donne.
Le néo-nationalisme qui traverse les démocraties occidentales vise une mondialisation perçue comme une source de dépendance, de menace identitaire et d’inégalités sociales. La fragilisation des classes populaires/moyennes par la fermeture d’usines, la destruction d’emplois ont nourri le rejet de la mondialisation de plus en plus perçue par les opinions publiques occidentales comme une source de risque, de vulnérabilité et de creusement des inégalités. Ces sociétés développées se caractérisent à la fois par la dégradation de la condition des classes moyennes inférieures et l’enrichissement des 1% les plus riches (qui ont connu une forte croissance de leurs revenus).
La remise en cause du modèle de démocratie libérale
Non seulement la dynamique de « démocratisation du monde » née après la guerre froide s’est affaiblie, mais les démocraties occidentales elles-mêmes sont frappées (à des degrés divers) de désenchantement, de fatigue, « d’illibéralisme ». Les régimes politiques occidentaux cèdent (à des degrés divers) à des tendances autoritaires, sécuritaires et nationalistes.
Traversant un moment de doute existentiel et de vulnérabilité, les régimes politiques occidentaux connaissent des tensions internes et des formes de polarisation qui se cristallisent autour de tendances autoritaires, sécuritaires et nationalistes. Sous l’influence de mouvements-facteurs internes et externes, des « démocraties illibérales » ou « post-libérales » émergent en Occident.
La rhétorique trumpienne « America first » est aussi significative aux Etats-Unis que le succès électoral des partis d’extrême-droite en Europe, symptômes de la montée d’un national-populisme sur fond de défiance politique, de désenchantement démocratique, de pulsions identitaires et de frustrations sociales provoquées notamment par la mondialisation néolibérale.
La rhétorique trumpienne « America first » (déclinée en « Britain first » durant la campagne pour le Brexit) est aussi significative aux Etats-Unis que le succès électoral des partis d’extrême-droite en Europe, symptômes de la montée d’un national-populisme sur fond de défiance politique (qui peut basculer dans la violence contre les institutions, comme en témoigne l’attaque contre le Capitole par les partisans de Donald Trump, le 6 janvier 2021), de désenchantement démocratique, de pulsions identitaires et de frustrations sociales provoquées notamment par la mondialisation néolibérale.
L’horizon démocratique qui était promis au nouveau siècle s’est largement obscurci face à la montée d’un autoritarisme multiforme.