Tel-Aviv « s’engage auprès de nos frères druzes en Israël à faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que leurs frères druzes en Syrie ne subissent des préjudices ». C’est ce qu’a déclaré le ministre israélien de la Défense, Israël Katz. Une empathie tout intéressée.
Diviser pour régner. Tel semble être la devise de l’Etat hébreu. En effet, celui-ci, depuis la chute du régime d’al-Assad, cherche à profiter des tensions confessionnelles en Syrie pour remodeler à son profit la carte du Proche-Orient. Et ce, afin de réaliser, enfin, son dessein diabolique : celui de créer les conditions adéquates pouvant conduire à la partition et à la balkanisation de l’ancien Bilad al-Cham. Un carrefour de civilisations et de grandes religions monothéistes qui englobait autrefois sous l’Empire ottoman la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine. Sachant qu’historiquement, certaines parties de la Turquie (sud-est, notamment autour d’Antioche) et de l’Irak (ouest) étaient également incluses dans des définitions plus larges du Bilad al-Cham.
Une politique de fragmentation pratiquée d’ailleurs par les grandes puissances coloniales à l’instar de la Grande-Bretagne et la France après la Première Guerre mondiale dans le but sournois de manipuler les minorités pour diviser les sociétés arabes et renforcer leur contrôle. Les Français n’avaient-ils pas divisé la Syrie en entités confessionnelles prétendument autonomes, en créant des États druzes et alaouites? Ce qui leur a permis d’affaiblir les élans nationalistes syriens. De même, qu’ils s’étaient alliés aux maronites pour créer le Grand Liban?
Les Druzes, alliés potentiels?
Israël semble s’inspirer de ces faits historiques. Ainsi, après avoir sévèrement affaibli le Hamas à Gaza, coupé les ailes du Hezbollah chiite au Liban et élargi ses positions sur le plateau du Golan. Mais aussi après avoir détruit entre 70% à 80% des capacités militaires de la Syrie en ayant mené environ 480 frappes en 48 heures qui ont visé des navires de guerre, des batteries antiaériennes, des aérodromes et des dizaines de sites de production d’armes, à Damas, Homs, Tartous, Lattaquié et Palmyre afin de créer « une zone tampon dans le sud de la Syrie. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui compte bien ne pas s’arrêter là, a prévenu que Tsahal maintiendrait sa présence dans les positions qu’elle occupe en territoire syrien « dans un avenir prévisible ».. Tout en exigeant une « démilitarisation totale » de tout le sud de la Syrie, qui pourrait s’étendre sur une profondeur de 60 km.
Or, il se trouve que les Druzes sont principalement établis au sud de la Syrie où ils occupent notamment la zone montagneuse du Hawran, connue sous le nom de djebel Druze, ainsi qu’au nord d’Israël, en Galilée et sur le plateau du Golan. Alors, pourquoi ne pas en faire un potentiel allié contre le régime islamiste des nouveaux maîtres de Damas?
Ainsi, Tel-Aviv fera d’une pierre deux coups : tenter de créer un rempart contre cette influence chiite représentée par l’Iran et son bras militaire, le Hezbollah; affaiblir le régime syrien en favorisant une certaine autonomie des Druzes; enfin, assurer la stabilité de sa frontière nord en établissant de bonnes relations avec les Druzes du sud de la Syrie.
Solidarité très intéressée
C’est sans doute pour cette dernière raison que le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré le 1er mars que Tel-Aviv « s’engage auprès de nos frères druzes en Israël à faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que leurs frères druzes en Syrie ne subissent des préjudices » ? Ajoutant que son pays « ne permettra pas au régime terroriste de l’islam radical en Syrie de nuire aux Druzes » ?
Pour sa part, la semaine dernière, après que des combats eurent éclaté dans la banlieue de Damas, à Jaramana, peuplée principalement de druzes et de chrétiens, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé qu’Israël interviendrait pour protéger les Druzes, si les forces gouvernementales les attaquaient.
Une minorité à part
En vérité, le boucher de Gaza, Benyamin, s’adresse principalement aux quelque 130 000 Druzes israéliens, qui contrairement à la minorité des Arabes israéliens, effectuent leur service militaire au sein de Tsahal. Les Druzes étant intégrés de gré ou de force depuis la création de l’État d’Israël, en 1948, dans l’armée israélienne.
Cependant, la majorité des Druzes syriens est historiquement restée fidèle à Damas. Pendant des décennies- cette communauté ethno-religieuse monothéiste et ésotérique, qui adhère à l’islam mais qui intègre aussi des éléments du néoplatonisme, du gnosticisme, du christianisme et d’autres traditions philosophiques et mystiques- aura bénéficié d’une relative autonomie sous les Assad père et fils, qui l’a protégée en échange de sa loyauté. Mais la guerre civile a rabattu les cartes géopolitiques et bouleversé ce fragile équilibre.