En dépit des turbulences sur les marchés financiers internationaux, le président américain Donald Trump reste fermement attaché à sa politique douanière.
Des tentatives de négociations en coulisses cherchent à atténuer les conséquences de ces nouvelles mesures, mais Trump continue d’accuser la Chine d’avoir réagi sous l’effet de la panique. « La Chine a mal joué. Ils ont paniqué — une erreur qu’ils ne pouvaient pas se permettre », a-t-il publié en lettres majuscules sur Truth Social, avant de se rendre à son club de golf en Floride.
Au nom d’une « urgence nationale » pour réduire le déficit commercial des États-Unis, l’administration a menacé d’augmenter les surtaxes douanières si leurs partenaires répondaient par des mesures similaires. Pékin a déjà annoncé qu’à partir du 10 avril, une nouvelle taxe de 34 % serait appliquée sur les produits américains.
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Cette escalade a provoqué une réaction vive des marchés. Wall Street a enregistré une perte de près de 6 % vendredi, effaçant plus de 6 000 milliards de dollars en capitalisation boursière en seulement deux jours. Les marchés asiatiques et européens ont également été affectés, tout comme les prix du pétrole, qui ont chuté de 7 %, signalant des inquiétudes quant à la croissance mondiale.
L’intransigeance de Trump
Donald Trump, peu impressionné par ces événements, a réaffirmé sa position : « Je ne changerai jamais de politique. C’est un moment propice pour s’enrichir comme jamais auparavant ! », a-t-il écrit sur Truth Social. Il a également insisté sur le fait que les grandes entreprises étaient prêtes à s’adapter, convaincues de la durabilité de ces droits de douane.
Il a en outre appelé la Réserve fédérale à baisser ses taux d’intérêt, arguant d’une récente baisse des prix de certains produits. Cette déclaration a été immédiatement contredite par le président de la Fed, qui a évoqué des risques accrus d’inflation, de ralentissement économique et de hausse du chômage. À partir de samedi, la plupart des biens importés aux États-Unis seront soumis à une taxe minimale de 10 %, ajoutée aux droits existants. Dès le 9 avril, les pays affichant un excédent commercial avec Washington verront leurs produits davantage taxés : +54 % pour la Chine, +20 % pour l’Union européenne, +46 % pour le Vietnam et +24 % pour le Japon.
Ces hausses viennent s’ajouter aux taxes déjà en vigueur, comme les 25 % sur l’acier, l’aluminium et les voitures importées.
Avertissements du président de la Fed
Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine, a déclaré le 4 avril que les droits de douane instaurés par Trump pourraient entraîner une croissance réduite, une inflation accrue et une augmentation du chômage aux États-Unis. Dans un discours à Arlington, en Virginie, il a souligné que « l’impact des taxes sur les produits importés sera probablement bien plus large que prévu » et que les « répercussions économiques » le seraient aussi, indiquant des risques d’inflation plus élevée et de croissance ralentie.
C’était la première déclaration publique de Powell depuis l’impact significatif des annonces de Trump sur l’économie mondiale. Peu avant son discours, Trump avait appelé Powell à abaisser les taux d’intérêt, affirmant que des avancées notables avaient déjà été réalisées en matière d’inflation depuis son retour au pouvoir en janvier. Cette relation entre Trump et Powell a été marquée par des tensions, Trump ayant nommé Powell en 2017.
« Ce serait le moment idéal pour Jerome Powell de diminuer les taux d’intérêt. Il est toujours en retard, mais il pourrait changer cela rapidement. Les prix de l’énergie, les taux d’intérêt et même le prix des œufs sont en baisse, et les créations d’emplois augmentent – une grande victoire pour l’Amérique. RÉDUISEZ LES TAUX D’INTÉRÊT, JEROME, ET ARRÊTEZ DE FAIRE DE LA POLITIQUE ! », a écrit Trump sur Truth Social.
Powell a également précisé qu’il était « trop tôt pour déterminer la politique monétaire adéquate », suggérant qu’il n’était pas prêt à modifier les taux en ce moment. Il a averti que les droits de douane augmentés allaient influencer l’économie et pourraient faire grimper l’inflation dans les mois à venir.
« À l’avenir, l’incertitude diminuera. Actuellement, beaucoup d’incertitude demeure quant aux résultats de cette situation… Mais d’ici un an, nous devrions avoir une vision plus claire », a-t-il ajouté lors d’une session de questions-réponses. Interrogé sur la sécurité de sa position, Powell a affirmé qu’il avait « l’intention de mener à bien son mandat », qui se termine en mai 2026.
Les marchés boursiers de New York ont connu une nouvelle chute après les déclarations de Powell sur les droits de douane, certains indicateurs signalant une croissance affaiblie, une inflation croissante et un chômage en hausse. Vers 15h25 UTC, le Dow Jones affichait une baisse de 3,39 %, le Nasdaq perdait 3,81 % et le S&P 500 reculait de 3,90 %. À la clôture, Wall Street enregistrait une chute de près de 6 % suite aux commentaires du président de la Fed.
Réactions internationales et tensions commerciales
Dans ce climat de tensions croissantes, Trump a annoncé une « discussion très productive » avec le dirigeant vietnamien To Lam, affirmant que Hanoï pourrait réduire à zéro ses droits sur les produits américains, suggérant une ouverture aux négociations.
L’Union européenne, par la voix de Maros Sefcovic, s’est déclarée prête à engager des discussions sérieuses tout en restant vigilante quant à ses propres intérêts.
Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la CNUCED, a alerté sur le fait que l’augmentation des droits de douane, initiée par Trump, risquait de toucher de plein fouet les populations les plus vulnérables. « Le moment est venu pour la coopération, non pour l’escalade », a-t-elle insisté, soulignant que les règles du commerce international doivent s’adapter aux enjeux contemporains tout en mettant au centre la prévisibilité et le développement, afin de protéger les plus fragiles.
La CNUCED rappelle que, sur près de 200 partenaires commerciaux des États-Unis, une dizaine seulement représentent environ 90 % du déficit commercial américain. Cependant, les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement, responsables respectivement de 1,6 % et 0,4 % de ce déficit, sont également pénalisés par la vague de nouveaux droits de douane annoncée le 2 avril, souvent très élevés et basés sur des calculs contestables selon de nombreux économistes.
Ces pays pauvres « ne permettront ni de rééquilibrer le déficit américain, ni de générer des recettes substantielles », selon l’agence onusienne.
La CNUCED s’inquiète également de la « tempête parfaite » qui frappe les économies à faible revenu, confrontées à une combinaison de chocs extérieurs, à des niveaux d’endettement insoutenables et à un ralentissement de la croissance domestique.
Plus largement, l’organisation met en garde contre les risques systémiques pour l’économie mondiale. « Dans un contexte de faible croissance et d’endettement généralisé, la montée des barrières douanières pourrait freiner les investissements et les échanges, aggravant l’incertitude dans un climat déjà instable », poursuit le communiqué. Cela pourrait, selon la CNUCED, « miner la confiance, dissuader l’investissement et mettre en péril les acquis du développement, en particulier dans les économies les plus fragiles ».
Dans ce climat tendu, la Chine a annoncé vendredi l’imposition de droits de douane supplémentaires de 34 % sur les produits américains à partir du 10 avril, en plus des taux existants. L’Union européenne, de son côté, n’a pas encore réagi à la menace de surtaxes de 20 % brandie par Washington, mais a réaffirmé sa volonté d’engager des « négociations sérieuses ».
Parallèlement, les marchés financiers mondiaux ont continué de chuter pour la deuxième journée consécutive, illustrant l’inquiétude croissante des investisseurs face à cette nouvelle escalade commerciale.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)