Trump vient d’imposer des droits de douane de 28% sur les importations tunisiennes. C’est scandaleux, diront certains, mais que peut-on y faire ? On ne peut qu’avaler la couleuvre, en se félicitant de ne pas être un manchot. On parle de cet oiseau marin à la livrée blanche et noire qui vient d’être ciblé par le président Trump dans sa guerre des droits de douane. C’est véridique…
Cette déconvenue, les petits oiseaux vivant dans les climats les plus froids de la planète, la doivent surtout à une annonce de l’exécutif américain : celle d’une taxe douanière de 10% sur tous les produits importés depuis les îles Heard-et-MacDonald. Le problème est que ce n’est pas un pays… et que les seuls habitants sont des manchots de l’Antarctique. Il fallait être un manchot pour le faire, à moins d’imaginer que ces palmipèdes, bien qu’ils soient de bons pêcheurs, puissent exporter du poisson aux Etats-Unis. Ça sent le poisson pourri, à moins qu’en ce début d’avril, ça ne soit un poisson d’avril.
En tout cas, cela nous console, nous les bipèdes tunisiens. Encore mieux, cela nous fait pleurer de rire, faute de nous faire pleurer tout court. C’est déjà ça de gagné pour un peuple classé au 113e rang mondial des pays les plus heureux, sur un total de 147 pays. C’est, du moins, ce que rapporte le World Happiness Report dans son édition de 2025. Pour s’expliquer, le rapport identifie plusieurs facteurs clés influençant le bonheur, notamment le soutien social, la liberté de faire des choix de vie, l’absence de corruption, la générosité, le PIB par habitant et l’espérance de vie en bonne santé. Il paraît que pour tous ces points, on est à la traîne, mais qu’à cela ne tienne, notre bonheur à nous, c’est de rire des mésaventures des autres, même si les autres ne sont que des pingouins. Comme quoi, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et puis, c’est connu, le Tunisien est un railleur-né. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les vannes à la tunisienne dans les réseaux sociaux pour s’en convaincre.
C’est vrai qu’il n’y a pas encore une fédération sportive à ce titre, mais la « vanne » doit désormais figurer parmi les sports susceptibles de nous rapporter les médailles les plus prestigieuses. Le foot étant dans l’état de délabrement avancé que l’on connait, il serait, en effet, opportun d’investir, au moins moralement, dans ce créneau. Maintenant, il y a vanne et vanne. Il y a celle des réseaux dits sociaux et qui consiste à trouver la meilleure blague au sujet de la conduite du char de l’Etat et de la foire d’empoigne de l’ARP. Pour tous les fans de ce sport-là, on peut tout de même chercher quelques excuses dans les comportements des uns et des autres. Après tout, il vaut mieux en rire qu’avoir à en pleurer toutes les larmes de son corps. Il y a bien entendu des dépassements et des comportements schizophrènes parfois chez les « vanneurs », mais il est admis que les comportements sociaux sont désormais régulés par les pratiques banalisées par les « groupes » agglutinés autour du football. On parle des ces fans qui, contre vents et marées, défendent l’indéfendable et se mettent en mouvement pour crier au scandale à chaque fois qu’on touche à leurs idoles. L’idée est qu’on ne peut pas critiquer son équipe favorite. On peut, peut-être, le cas échéant, proposer des solutions, au lendemain des défaites.
C’est peut-être pour cela que chez nous, tout dialogue ressemble plutôt à un dialogue de sourds, bien entendu les pires des sourds, ceux-là dont on dit qu’ils ne veulent pas entendre. Cela s’entend sans dire, à moins qu’il ne s’agisse finalement que de la plus monstrueuse des vannes, celle qui consiste à mettre le pays en panne en disant chercher à progresser.
A ce propos, rien n’est plus désolant que de tendre la main à ceux qui sont plus manchots que les pingouins.
Le mot de la fin disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 917 du 9 au 23 avril 2025