Nous publions la deuxième partie de l’analyse sur « Le Gaz de Schiste et la colère des Algériens ».
Nous partageons avec nos voisins Algériens (et Libyens aussi) deux bassins géologiques importants:
- D’abord nous partageons le même bassin pétrolier, nommé bassin de Ghadames en Tunisie (Sud) et bassin de Berkine en Algérie (Sud-Est), prolifique en gaz et pétrole conventionnels et qui renferme des géants tels les champs d’El Borma, Hassi Messaoud et Hassi R’mel. Cette province pétrolière renferme deux roches-mères argileuses (schistes dans le langage populaire) particulièrement prolifiques, d’âges Dévonien et Silurien, qui se sont déposées durant la période 370 à 445 millions d’années et qui sont à l’origine des énormes quantités d’hydrocarbures découverts jusqu’à présent. Ces roches-mères n’ont pas tout livré ; elles ont gardé pour elles (et pour nous) des quantités importantes de pétrole et de gaz, que les technologies actuelles permettent de découvrir et d’exploiter de façon commerciale.
D’après une étude de l’EIA (Energy Information Administration, US), le bassin de Ghadames-Berkine recèlerait environ 8 600 Gm3 de gaz et 6 Gb de pétrole, dont 648 milliards de m3 de gaz, et 1.5 milliard de barils seraient dans la partie tunisienne ! En tenant compte de la production actuelle, et si ces ressources étaient confirmées, elles représenteraient l’équivalent de 100 ans ou plus, de production gazière, et de 60 ans environ de production pétrolière !
- Ensuite, la Tunisie partage avec ses deux voisins une énorme nappe aquifère, relativement profonde, d’âge Crétacé inférieur, dénommée « le Continental Intercalaire » en Tunisie, et « Nappe de l’Albien » en Algérie. Ce bassin couvrirait une surface totale d’environ 600 000 km², soit plus de trois fois la surface de la Tunisie, et recèlerait un impressionnant volume d’eau douce, estimé entre 49 000 et 50 000 milliards de m3 ! Cette nappe est encore très partiellement exploitée en Tunisie, soit par l’agriculture dans la zone du Djérid, soit par l’activité pétrolière « conventionnelle » dans la région d’El Borma. Il semblerait qu’elle soit surexploitée en Libye, surtout par l’ancien régime (le Fleuve Vert ) en alimentant la ville de Tripoli et ses environs d’eau potable. Il est clair que si l’activité « Gaz de Schiste » se développe dans ces trois pays, qu’il faut optimiser l’exploitation de cette ressource précieuse et non renouvelable, et veiller à la préserver de tout risque de pollution ou de surexploitation. Il est donc recommandé, pour ce faire, de mettre en place un ‘Comité Tripartite de l’Eau’ entre les trois Pays, en vue d’une exploitation optimisée de cette nappe aquifère.
Mis à part ces deux éléments communs entre la Tunisie et l’Algérie, la politique énergétique et les besoins en hydrocarbures des deux pays sont bien différents. L’Algérie, membre de l’Opep, est l’un des plus grands exportateurs de gaz et de pétrole en Afrique et dans le monde, et dispose encore de réserves appréciables, alors que la Tunisie dispose de réserves conventionnelles très modestes, et présente un bilan énergétique déficitaire depuis 2000, et ce déficit s’amplifie d’année en année pour atteindre 13.5 Millions de barils équivalent pétrole (Mbep) en 2013 et dépasser les 15 Mbep en 2014. Son impact sur la balance commerciale et la Caisse de compensation devient alarmant. Il est donc urgent, voire vital pour l’économie tunisienne et du bien-être de nos concitoyens, d’envisager sans plus attendre l’exploration de ces ressources en pétrole et gaz de schiste, et si confirmées en réserves, ce qui est à notre avis, fort probable, de procéder à leur exploitation, sachant qu’il faut un minimum de cinq à six ans entre la phase exploration-évaluation et la phase production !
Mais pour avoir cette « Autorisation d’y aller », et éviter la colère des Tunisiens, il est recommandé de :
- Communiquer avec toutes les parties prenantes, en mettant en place un débat national, en impliquant les Elus du Peuple à l’ARP, la Communauté scientifique, la société civile (ONGs), les associations écologistes et les communautés locales.
- Préparer les avenants nécessaires au Code de hydrocarbures et renforcer tous les éléments relatifs au respect de l’environnement, à la gestion des eaux et des produits chimiques, à favoriser les nouvelles technologies utilisant peu ou pas d’eau (fracturation sèche), et mettre en place un ‘Observatoire des Hydrocarbures non Conventionnels’ qui sera indépendant, et qui s’assurera de la transparence des activités des compagnies pétrolières, de leur respect de l’environnement et de la règlementation en vigueur.
- Faire inclure dans les budgets annuels des compagnies pétrolières, un pourcentage (1% à 2%, avec un minimum de un (1) million de Dollars) qui sera alloué au développement de la Communauté locale et de la région (écoles, hôpitaux,infrastructure…) et ce, à toutes les phases de leur activités (exploration, développement et exploitation). Un pourcentage supplémentaire des revenus de la production, leur sera alloué durant la phase de production du pétrole et/ou du gaz.
- Favoriser chaque fois que c’est possible, les industries nationales, ainsi que les compétences des ingénieurs, cadres et travailleurs tunisiens.
En guise de conclusion et de recommandations…
Nos voisins et frères Algériens ont poussé un coup de colère car, à mon sens, ils veulent plus de participation et de communication avec les organismes décisionnels de leur pays (gouvernement, administrations, etc), surtout dans des domaines aussi stratégiques et aussi vitaux que celui des Hydrocarbures et de l’Energie.
Certains parmi les mécontents ajoutent que, pour préparer un avenir meilleur pour les futures générations, il ne faut plus vivre sur la rente pétrolière (seulement), mais ‘utiliser la rente pour sortir de la rente’ et diversifier l’économie algérienne ! Je pense qu’un terrain d’entente est en train de remplacer le ‘dialogue de sourds’ qui prévalait jusque-là, et c’est tant mieux.
Pour ce qui est de la Tunisie, notre machine économique est certes bien diversifiée, mais elle manque cruellement de carburants ! Notre production de pétrole et de gaz conventionnels est en baisse substantielle, alors que notre consommation d’énergie est en constante augmentation. Notre importation de gaz et de produits pétroliers au prix fort, et en constante augmentation, affecte dramatiquement le budget de l’Etat et la Caisse de compensation, ainsi que notre pouvoir d’achat (augmentations successives des coûts de l’électricité, du gaz, des carburants, du transport, etc).
Plusieurs études montrent que la Tunisie dispose d’ingrédients nécessaires pour inverser la tendance, devenir un pays auto-suffisant en matière d’énergie, voire même un pays exportateur, et ce grâce au pétrole et gaz de schiste. Toutes les études publiées ou non, indiquent que des ressources importantes existent dans notre sous-sol, non seulement au Sud, comme l’a indiqué l’étude de l’EIA, mais aussi dans d’autres régions du pays. Nous ne pouvons pas « nous payer le luxe » de les ignorer, sous prétexte que ceci présente des risques pour l’environnement ! D’autant que ces risques sont maintenant bien maitrisés par l’industrie pétrolière.
Bien sûr, le développement des énergies renouvelables, décidé par le gouvernement est une excellente initiative, mais elle ne pourra pas suffire aux besoins du pays, loin de là. Les deux types d’énergie sont donc complémentaires et nécessaires.
A notre avis, moyennant une législation adéquate, un suivi et un contrôle rigoureux en matière d’environnement, ainsi que l’implication de la société civile et des communautés locales, à toutes les étapes de cette activité, la Tunisie pourra bénéficier de cette (deuxième) révolution, celle du « Schiste »’ celle-là, tout en garantissant un environnement sain et durable pour nous et pour les générations futures. Pour y parvenir, certaines idées ont été émises dans cette publication, d’autres émergeront certainement lors du débat national, qui j’espère, sera initié dans les plus brefs délais. « Pressons-nous lentement » comme disent certains responsables, mais pressons-nous quand même !
L’ènergie renouvenable en Tunisie ne manque pas, en l’occurence le Soleil, je trouve que le gouvernement tunisien doit obliger les hotels d’opter pour l’energie du Soleil au lieu du pétrole !l’argent du pétrole , la Tunisie peut s’en servir pour autre chose , et c’est moins polluant !