Cet article est la deuxième partie du « note de politique économique » qui fait partie d’une série réalisée dans le cadre de NABES Lab destinée à enrichir le débat économique en Tunisie. Ces notes sont basées sur les meilleures recherches économiques disponibles et les auteurs sont des chercheurs universitaires. Les points de vue présentés sont ceux des auteurs et ne représentent aucunement ceux de NABES. NABES est la North Africa Bureau of Economic Studies Intl, une institution d’études et de recherches économiques dirigée par Mustapha K. Nabli.
Réduire l’asymétrie des échéances (maturity mismatch)
Du côté du passif, ce dynamisme favorise les émissions d’obligations des banques et contribue au renforcement de leurs ressources stables. Du coup, ces émissions réduisent la forte dépendance des établissements du crédit, observée depuis le choc de la révolution, au refinancement auprès de la Banque centrale et sur le marché monétaire.
Du côté de l’actif, avec le développement du marché obligataire, et notamment du compartiment secondaire de ce marché, les prêts accordés par les banques à moyen et long terme peuvent être indexés sur les taux longs au lieu de se contenter d’un taux fixe, ou d’être systématiquement « benchmarkés » au TMM. Ainsi, la faible volatilité des taux longs pourrait pousser les banques à retenir le taux des bons du Trésor comme référence pour les opérations de crédits et du coup à réduire leur exposition au TMM. Au total, ce dynamisme permettrait ainsi d’améliorer la performance bancaire. Le renforcement des ressources stables serait déterminant pour réduire l’asymétrie des échéances (maturity mismatch) entre les éléments du passif et ceux de l’actif.
Améliorer les ratios de solvabilité
Grâce au développement du marché obligataire, les banques peuvent multiplier les émissions des titres subordonnés et Super subordonnés. Rappelons que ces titres hybrides, non dilutifs, classés sur un plan comptable en dette, sont retenus comme des fonds propres par les régulateurs. D’ailleurs, depuis 1998, le Comité de Bâle, a officiellement autorisé l’intégration d’un maximum de 15% de titres de dettes présentant un dégrée levé de subordination dans les fonds propres de base des établissements de crédit appelés Tier 1.
Plus récemment, le dispositif réglementaire de Bâle III fait appel aux titres Super subordonnés à durée indéterminée (TSSDI) pour le Tier1 et les titres subordonnés à durée illimitée (TSDI) pour le Tier 2. Notons que les produits subordonnés n’exigent pas une grande technicité pour leurs émissions. Par contre, ils trouvent leurs place surtout auprès des institutionnels.
Améliorer les ratios de liquidité
De même la refonte du ratio de liquidité (Liquidity coverage ratio, LCR), en conformité avec les exigences de Bâle III, encourage les banques à détenir les obligations souveraines dans le Niveau 1 du numérateur du ratio (sans aucune limite), les obligations émises par des organismes publics et des établissements financiers dans le Niveau 2 (avec un plafond de 40% du total des actifs liquides de haute qualité) et les autres obligations (avec un plafond de 15% du même total).
Alléger le coût des opérations de recapitalisation
Une fois le débat sur le renforcement des capitaux propres des banques déclenché, la créativité du monde de la finance ne s’est pas faite attendre pour assouplir les nouvelles exigences réglementaires de Bâle III. Du coup, une nouvelle forme de titres hybrides, à mi chemin entre les actions et les obligations, appelés les obligations convertibles contingentes (coco’s), ont émergé. Seul un marché obligataire mature pourrait offrir une diversité de titres de dette. De ce fait, nous pouvons imaginer la négociation des obligations convertibles contingentes sur le marché obligataire tunisien. En cas de déclenchement du seuil de stress financier, les coco’s se transformeraient automa-tiquement en titre de propriété, renforçant de ce fait les fonds propres des banques, et desserrant les contraintes de financement qui pèsent sur le budget de l’Etat, pour satisfaire les exigences de recapitalisation des banques publiques. Un produit innovant très bénéfique pour la solvabilité des banques. Il exige uniquement des techniciens de marché pour définir le seuil de stress pour chaque banque, et des souscripteurs professionnels, notamment les institutionnels, pour la gestion du portefeuille.
Au terme de cette analyse, nous estimons que le dynamisme du marché obligataire serait déterminant pour renforcer la solidité et la performance du secteur bancaire. Le développement du marché obligataire pourrait épauler le secteur bancaire dans les opérations de financement des entreprises. L’émergence d’une courbe de rendement pourrait moderniser la gestion du risque de taux, et du coup favoriser une gestion active du portefeuille obligataire.
Les émissions obligataires des banques, sur des maturités longues, contribuent d’une part, au renforcement des ressources stables, ce qui est de nature à tempérer l’asymétrie des échéances. Et d’autre part, elles seront d’une grande utilité pour accroitre le ratio de solvabilité, à travers la multiplication des émissions d’obligations subordonnées.
Enfin, l’innovation financière sur ce marché s’avère d’une grande ingéniosité. Le recours à des émissions d’obligations convertibles contingentes pourrait contribuer à l’allègement du coût des opérations de recapitalisation.
Il est certain que les banques seront concurrencées par le développement des emprunts obligataires. Mais les dividendes récoltés par ces banques grâce au dynamisme du marché obligataire dépassent largement les pertes encaissées sur le marché du crédit.
Toutefois, le développement du marché obligataire et plus précisément du compartiment secondaire de ce marché demeure tributaire de la volonté des autorités de régulation :
- à appliquer fermement les textes réglementaires. Les autorités réglementaires doivent veiller au respect du cahier de charge des SVT, pour les forcer à afficher aux guichets des banques des cotations comparables à celles des devises ;
- à assouplir les procédures d’émission (rating, prospectus, ..) et de souscription (investisseurs étrangers) des emprunts obligataires ;
- et à introduire plus de flexibilité dans la rémunération des professionnels de haut niveau afin qu’ils puissent moderniser leur mode de gestion et du coup doper la performance de leur portefeuille obligataire.