A la clôture du 17ème Forum de l’Economiste Maghrébin, Moez Labidi, Professeur en sciences économiques et consultant en économie monétaire et financière, a présenté une synthèse des travaux du Forum qui se décline en quatre axes, à savoir le financement bilatéral, le financement multilatéral, les IDE et les Fonds d’investissement, ainsi que le recours au marché obligataire international.
Sur le plan du financement bilatéral, le professeur a rappelé qu’il est souvent lié à des projets de réformes, aussi bien économiques que politiques, ainsi qu’à des projets de développement régional. Néanmoins, cette conditionnalité est confrontée à de multiples contraintes, notamment le déficit d’identification et de démarrage de ces projets. Toutefois, pour le cas européen, la priorité accordée aux questions sécuritaires et géostratégiques, et les menaces déflationnistes qui pèsent sur la zone risquent de limiter le montant des fonds alloués au développement économique de la Tunisie dans le cadre du financement bilatéral.
Pour y remédier, M. Labidi a signalé que les intervenants ont souhaité davantage de mobilisation pour multiplier les opérations de conversion de dette, d’œuvrer pour arracher un moratoire avec certains pays amis, de soutenir la Tunisie pour qu’elle puisse activer les clauses de sauvegarde et de reprendre le projet d’une banque Euroméditerranéenne.
S’agissant du financement multilatéral, notre interlocuteur a précisé qu’il est lié à des réformes incontournables même si elles seront parfois douloureuses, exigeant un gouvernement courageux. La conditionnalité est étouffante si le courage politique est défaillant et le climat social est miné. Par contre, elle est incontournable si la vision stratégique et l’audace politique seront au rendez-vous. Mais au regard de l’hésitation ou même l’arrêt du niveau d’avancement de ces réformes, un mauvais signal a été partagé avec les autres bailleurs de fonds. Ainsi, le coût de ce retard exige une détermination politique et un renforcement de l’assistance technique.
Au niveau des IDE et des Fonds d’investissement, Moez Labidi a rappelé que la Tunisie a affiché des IDE de faible niveau. Ces IDE restent à un niveau marginal par rapport au montant des flux à destination du monde émergent. Ces capitaux, non créateurs de dette, n’ont pas été suffisamment créateurs d’emplois à cause de la domination de l’hydrocarbure, qui est une industrie très capitalistique.
De même, pour les fonds d’investissement la Tunisie souffre d’un manque d’attractivité. Même des fonds d’investissement dirigés par des Tunisiens ne sont pas séduits par le site Tunisie. La sensibilité de ces flux aux problèmes sécuritaires locaux et régionaux explique en partie ce manque d’attractivité de la Tunisie. De même, les contraintes réglementaires découragent les fonds d’investissement à privilégier la Tunisie.
Cependant, un pays comme la Tunisie devrait se méfier des investisseurs courts (les requins de la finance) qui de par leur comportement sur les marchés, peuvent déstabiliser des parités et du coup provoquer une crise de change.
Pour faire face, il faut, selon ses propos, gagner la bataille de l’investissement local, diversifier les IDE, parachever le nouveau code des investissements, alléger la réglementation sur l’investissement de portefeuille, donner plus d’intérêt aux investissements à long terme, et dynamiser le marché financier local.
Au niveau du marché international des capitaux, M. Labidi a déclaré que le coût de l’emprunt obligataire demeure élevé compte tenu de la dégradation du rating de la Tunisie et de la hausse de la prime de risque qui en résulte. Le marché des Sukuks islamiques se présente comme un marché porteur pour les Tunisiens. Toutefois, ce marché demeure sensible au cycle financier mondial. La baisse du prix du pétrole et la normalisation de la politique monétaire américaine (hausse des taux de la Fed) pèsent sur la liquidité disponible sur le marché des sukuks.
De ce fait, il est primordial de privilégier des sorties avec garantie, choisir le bon timing pour sortir, dynamiser le marché obligataire domestique. Le cadre réglementaire des sukuks devrait être plus étoffé et la politique de communication rénovée.
Au terme de son intervention, Moez Labidi a rappelé que les paiements extérieurs de la Tunisie resteront sous pression:
- Tant que le virus de la main tremblante continue de frapper l’action gouvernementale,
- Tant que le virus du populisme domine le discours d’une partie de l’opposition,
- Et tant que le virus des revendications excessives conditionne l’action syndicale.
Bref, la Tunisie est à la recherche d’un gouvernement audacieux, d’une opposition pragmatique et d’un syndicalisme responsable, pour pouvoir enclencher une dynamique de réforme capable d’améliorer les fondamentaux de l’économie et de générer un processus de désendettement débouchant sur la soutenabilité de la dette.