La Tunisie accueille depuis le déclenchement de la révolution libyenne, le 17 février 2011, un grand nombre de Libyens (plus d’un million). Certains viennent pour se soigner, d’autres fuient le chaos qui s’éternise chez eux. Une question coule de source : Comment se passe la cohabitation ?
Cette cohabitation prolongée a fait qu’une majorité de Libyens se considèrent chez eux, estimant qu’ils ne sont pas des réfugiés, mais des invités. Tels étaient les avis de certains d’entre eux rencontrés à Cité Ennasr où des immeubles entiers leur ont été loués à des prix souvent exorbitants.
Il s’appelle Tarek Cherif, Libyen, selon lui : “ La relation entre les deux pays est une relation d’amitié qui date depuis des années. Le comportement du Tunisien vis-à-vis du Libyen n’a pas changé que ce soit avant ou après la révolution. Certes il y a un intérêt commun et partagé, particulièrement économique,d’autant que la plupart des Libyens viennent en Tunisie pour se soigner. Mais cela ne veut pas dire que tout est rose. En effet, il y a ceux qui profitent de cette situation, par exemple, pour louer un appartement à la journée, à des prix exorbitants : on passe de 30 dinars à 200 dinars ou même plus. Idem pour les taxistes pour un court trajet qui ne devrait pas dépasser les 7 dinars, le Libyen se trouve obligé de payer la course 60 dinars.”
Et de poursuivre: “ Les torts sont partagés en quelque sorte car certains Libyens ont une réputation de mauvais garçons qui, lors des soirées arrosées deviennent grossiers voire insultants envers les filles.” ( La défenestration des deux Tunisiennes en 2013 est toujours dans les mémoires.)
Un peu plus loin, un autre libyen nous déclare: “ Pour moi, nous n’avons pas un problème de cohabitation, la relation est naturelle, mais certains médias véhiculent de fausses nouvelles qui laisseraient croire à l’existence d’une polémique, mais tout ceci n’est pas vrai. Le plus important pour nous, c’est de lutter ensemble contre notre ennemi commun : le terrorisme”, confie-t-il.
Ali Abdallah Belaïd, jeune Libyen, raconte: “ Je suis arrivé il y a dix jours, je viens ici pour la première fois et la relation avec les Tunisiens est “ mia bil mia” ce qui veut dire tout va bien”. Mohamed Chebib, Tunisien, déclare : “ Je ne regarde pas la nationalité, je regarde la personne en tant qu’être humain. Mais sur le plan général, je constate que le Tunisien se considère supérieur et a un ego surdimensionné”.
“Il a y une réelle distance entre le Tunisien et le Libyen”, déclare Fourat, “parce qu’il y a tellement de préjugés ».
Pour sa part Najla, rencontrée à l’avenue Habib Bourguiba, déclare: “ Nous avons des amis libyens, mais le problème vient de nous, nous n’acceptons pas l’autre, même entre nous. ”, confie-t-elle.
Zohra Ben J. nous confie : “ Nous étions solidaires avec eux, mais voilà comment ils nous récompensent. Tout a basculé après la révolution, ils nous déprécient et on ne sait pas pourquoi! Est-ce que le problème réside dans le fait que nous avons réussi notre révolution contrairement à eux! Je ne sais pas! “, renchérit-elle.
De son côté Marouane estime que “ ghalaw 3alina il khobza (ils ont fait flamber les prix), que ce soit les loyers, les aliments, même l’alcool, de telle sorte que nous n’arrivons plus à subvenir à nos besoins. La production a baissé prenons l’exemple de l’huile. Je suis en colère qu’ils prennent nos ressources. C’est un cumul de quatre ans, le déclin total. il y a de bons Libyens et des mauvais Libyens comme partout dans le monde. Je suis commerçant à la Médina, et je les rencontre tous les jours, ils s’imaginent que les gens sont à leur service, ils n’en ont cure. En 2011, on les a soutenus, et voilà comment ils nous traitent.
Wissal pour sa part déclare “sincèrement, je ne les aime pas parce qu’ils ont tendance à vouloir acheter les gens”. Quand je rencontre un Libyen dans la rue, je change de direction, surtout la mauvaise réputation des garçons, ce qu’ils font aux filles tunisiennes, voilà ce qui me dérange le plus”, dit-elle.
Depuis plus de quatre ans des ressortissants libyens viennent chaque semaine en Tunisie, leur flux ne cesse d’augmenter, la coexistence entre les peuples devrait inspirer un meilleur « vivre ensemble » mais ce n’est pas toujours le cas.