La logistique a pour objet de satisfaire des demandes ou des commandes qui portent sur la gestion de marchandises et des flux d’informations associés. Elle est en charge de la gestion des moyens qui permettent d’atteindre cet objectif et mobilise des ressources pour y parvenir.
Le réseau logistique est synonyme du réseau Internet, mais »physique ». Internet permet de fédérer, grâce à une norme commune, tous les ordinateurs et tous les réseaux de communication, et permet la communication de n’importe quel ordinateur avec n’importe quel autre ordinateur par tout moyen de communication, à moindre coût et en toute sécurité. Par analogie, »tout moyen de communication » correspond à »tout mode de transport » en logistique, »à moindre coût’‘ correspond tout simplement au coût de la logistique qui doit être maîtrisé et réduit.
Ainsi, le réseau logistique prend en charge l’ensemble de la gestion des flux de marchandises. Pour ce faire, il gère les activités concernées en vue de maîtriser les flux et stocks de produits, les ressources, les équipements nécessaires à la réalisation de la prestation logistique, les fournitures, les services et finalement les systèmes d’information.
En Tunisie, le coût de la logistique pèse lourd sur la compétitivité du commerce extérieur. Le nouveau contexte mondial et régional, caractérisé par l’exacerbation de la concurrence, nous impose de passer au stade de l’excellence car la bataille sera gagnée par celui qui se montre le plus rapide et le plus performant.
Une étude de la Banque mondiale a révélé que le coût de la logistique en Tunisie reste élevé. Il représente, en effet, 20% du PIB, soit un montant de 10 milliards de dinars en 2013, contre 15% du PIB en 2007. Pour les pays européens, le coût de la logistique représente entre 7 et 10% du PIB. Les entreprises nationales affirment, selon une enquête, réalisée par le Centre de Promotion des Exportations (CEPEX), que la logistique coûte de plus en plus chère en Tunisie. Elles déplorent, aussi, la longueur des délais, le manque de transparence au niveau de l’environnement administratif de la logistique, l’organisation «peu efficiente» de la chaîne, une concurrence réduite et une infrastructure logistique inadaptée.
Les coûts de la chaîne logistique
Gérer la logistique, c’est fluidifier les flux en optimisant autant que possible les coûts, qui sont les coûts de conception des produits ; les coûts de production ; les coûts d’approvisionnement ; les coûts d’immobilisation ; les coûts d’acheminement ; les coûts de rupture de stocks et les coûts d’assurance.
Les indicateurs de performance
Les indicateurs doivent au moins permettre de mesurer la performance des différentes fonctions logistiques. On peut recenser plusieurs indicateurs de performance mesurables, parmi lesquels je cite :
a) Indicateurs de performance relatifs aux stocks : évolution de la couverture des stocks ; évolution de l’obsolescence des stocks ; évolution de la démarque.
b) Indicateurs de performance relatifs à l’approvisionnement : délai de livraison ; fiabilité de la planification ; taux de service ; évolution du nombre de commandes ; taux de disponibilité.
c) Indicateurs de performance relatifs à la fonction entrepôt : évolution du volume traité dans chaque processus de l’entrepôt ; suivi de l’utilisation des capacités ; productivité de chaque processus ; taux de service de chaque processus ; suivi de l’absentéisme ; coût par unité d’œuvre de chaque processus.
d) Indicateurs de performance relatifs à la fonction transport : taux de service ; suivi du coût par unité de transport; suivi de l’utilisation des capacités ; taux de débarqué.
e) Indicateurs de performance relatifs à la logistique des retours : taux de service ; taux de retour ; coût du flux des retours par rapport au flux global.
En Tunisie, la gestion du processus de la chaîne de la logistique est assurée par plusieurs départements ministériels : le ministère du Transport, le ministère du Commerce, le ministère des Finances, le ministère de l’Agriculture, le ministère de l’Industrie, le ministère des Domaines de l’Etat, … . Cette dilution contribue massivement à la dégradation des performances de la logistique. Les indicateurs de performance ne peuvent pas être calculés rigoureusement, ni maîtrisés et ne permettent pas par la suite de maîtriser et de réduire les coûts liés à la logistique.
Créer une Agence de gestion et de coordination des actions d’amélioration de la compétitivité de la logistique, (AGC2ACL), qui se charge de fédérer et gérer les tâches et prérogatives affectées à chaque département ministériel, pourrait être une solution pour l’amélioration des indicateurs et la réduction des coûts liés à la logistique. L’idée a été développée en 2014, par le ministère du Transport en collaboration avec les départements ministériels concernés. Cette agence doit jouer le rôle de la locomotive pour l’instauration d’un système logistique performant qui permettra à la Tunisie de s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales.
Les attributions de l’AGC2ACL
L’AGC2AC doit prouver quelle stratégie logistique doit être définie par la Tunisie à l’échelle nationale, avant de mettre en exergue les défis posés à la logistique urbaine par l’organisation actuelle de la distribution, le développement parfois anarchique des villes dans des pays en forte croissance et la cohabitation entre la ville et son port. L’AGC2ACL doit constater que si les infrastructures et les problèmes fonciers sont un facteur clé pour une logistique efficiente et durable, le travail sur la gouvernance est primordial. Une stratégie nationale logistique doit être très ambitieuse et jouer un rôle stratégique pour la compétitivité nationale.
La logistique, les technologies de l’information et de la communication (TIC), et les transports constituent un ensemble perçu comme stratégique pour le tissu économique tunisien qui, dans le cadre de la mondialisation, nécessite une mise à niveau des entreprises, des infrastructures et des institutions et la rationalisation de la gestion industrielle et des services. Afin de consolider le processus de renforcement de la compétitivité de l’économie tunisienne, à l’export et à l’import, la Tunisie doit fixer comme objectif et priorité la compétitivité logistique des entreprises, avec aussi pour objectif de positionner la Tunisie comme le hub logistique entre l’Europe et l’Asie d’une part et l’Afrique subsaharienne, d’autre part.
Un plan national logistique pour le développement de la compétitivité logistique doit être élaboré,pour la période 2016 – 2020. Pour la mettre en œuvre, l’AGC2ACL doit être créée ; ceci afin d’assurer la coordination et la mise en œuvre au niveau national des importants projets structurants prévus, qui pourraient pâtir de la multiplicité des intervenants et de leurs prérogatives (administrations, collectivités locales, acteurs économiques, ...).
Ce plan nationae logistique vise à réduire les coûts logistiques de la Tunisie, accélérer la croissance du PIB par l’augmentation de la valeur ajoutée induite par la baisse des coûts logistiques et faire du secteur logistique un acteur du développement durable du pays, à travers la réduction des nuisances (baisse du nombre de tonnes/kilomètres, réduction des émissions CO2, décongestion des routes et des villes).
Au moins … cinq axes de progrès pour la filière logistique tunisienne
Le point clé de la stratégie nationale logistique est le développement d’un réseau national intégré de Zones d’activités logistiques multi-flux (ZALMF) à travers la mise en place d’un Plan national intégré, qui correspond à une une cartographie régionale des Zones d’activités logistiques, (ZAL), regroupant plusieurs types de plateformes : conteneurs, distribution et sous-traitance logistique, l’agro-alimentaire, les matériaux de construction, les plateformes céréalières, le phosphate, le ciment, … . Il est à noter qu’à terme, la création de ces nouvelles ZAL permettra la relocalisation des entrepôts des centres villes, la réduction de la congestion, le développement durable des régions démunies, la création de l’emploi, la création de la richesse …
L’optimisation et la massification des flux de marchandises doivent aussi être encouragées, via notamment la signature de contrats sectoriels (céréales, flux énergétiques, agriculture, phosphate, ciment, …). Au vu des données actuelles, sont aussi souhaitées la mise à niveau et l’incitation à l’émergence d’acteurs logistiques tunisiens performants via une restructuration du transport routier de marchandises, le transport maritime et aérien par l’émergence de prestataires intégrés et la mise à niveau des donneurs d’ordre.
De plus, partant de l’importance de la disponibilité des compétences tunisiennes pour accompagner le développement du secteur logistique national et renforcer sa capacité d’attraction des investissements, la composante ressources humaines est un axe fort de la nouvelle stratégie. En effet, le marché de l’emploi se caractérise actuellement par une inadéquation entre l’offre et la demande en termes de profils, en particulier pour les métiers des opérateurs. De plus, la modernisation du secteur logistique tunisien crée une demande de profils nouveaux, parfois très spécialisés et peu disponibles sur le marché national. D’où la programmation et mise en œuvre d’une stratégie intégrée de formation dans le domaine de la logistique touchant l’ensemble des niveaux de qualification : opérateurs spécialisés, techniciens spécialisés, ingénieurs et managers. Cette stratégie de formation s’articule autour de deux points clés :
- une stratégie de formation pré-embauche ciblant les profils de l’équivalent bac à bac+5, basée sur la mise en place de nouvelles filières pour accompagner la croissance du secteur du transport et de la logistique autour des nouveaux projets (ZALMF Rades, Zarzis, Enfidha, etc.), opérant une rupture à plusieurs niveaux : qualité, quantité et ciblage des formations ;
- une stratégie de formation post-embauche d’assistance technique aux profils existants : mise en place de programmes de mise à niveau de l’existant.
En matière de formation pré-embauche souhaités, les chiffres indiquent qu’il faut un agent par 100 m² ZAL. Imaginez le nombre d’emplois créés !
Enfin, la mise en œuvre de cette ambitieuse stratégie nécessite un effort cohérent, s’inscrivant dans le temps, et des arbitrages complexes à opérer sur des domaines ne relevant pas nécessairement des prérogatives d’un seul ministère. Le dernier axe de cette stratégie consiste à mettre en place un cadre de gouvernance pour le secteur, et ce, avec l’AGC2ACL .
Véritable main de fer du gouvernement, elle sera assistée, pour les missions de veille, de suivi et de mesure de la performance du secteur de la logistique, de l’Observatoire de la compétitivité logistique, piloté par un sous-comité public-privé (Partenariat public-privé), avec une gestion autonome au sein de l’AGC2ACL.
L’AGC2ACL constitue le levier de l’État pour la mise en œuvre du plan national intégré de développement de la compétitivité logistique de la Tunisie, dont la concrétisation constitue un défi important au regard de la multiplicité des intervenants et de leurs prérogatives (plusieurs départements ministériels, administrations, collectivités locales, acteurs économiques, UTICA, …), et de l’importance des efforts de gestion du programme national ambitieux de développement des Zones d’Activité Logistiques.
L’AGC2ACL doit être un établissement à participation publique dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, avec pour principales missions de réaliser les études stratégiques et les plans d’action visant le développement de la logistique, d’élaborer le plan directeur des Zones d’Activités Logistiques, de mener les études relatives aux projets de Zones d’Activités Logistiques et de rechercher et d’identifier l’assiette foncière pour le développement des Zones d’Activités Logistiques.
Elle a également pour mission de créer et développer des Zones d’activités logistiques, de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière de promotion de l’émergence d’opérateurs intégrés de la logistique, de participer à l’élaboration des plans de formation dans les domaines de la logistique et d’assurer le suivi et la mesure du niveau d’efficacité et de performance des services logistiques. L’AGC2ACL est également chargée de présenter au gouvernement des propositions pour l’amélioration des textes législatifs et réglementaires à même de promouvoir l’offre nationale dans le secteur des activités logistiques et d’organiser la profession d’opérateur logistique. L’AGC2ACL doit être gérée par un directeur général et administrée par un conseil d’administration composé en plus des représentants de l’état, du président et des représentants de l’UTICA, du président de la Fédération des chambres de commerce et de l’industrie et des services et des représentants de l’état connus par leur compétence dans le domaine de la logistique et émanant des départements ministériels concernés.