La confiscation des biens du Président Ben Ali était une décision politique qui est intervenue irrévocablement après le 14 janvier. Mais quatre ans plus tard, la décision de la 11 ème chambre du Tribunal administratif du 8 juin annulant le décret loi n 2011-13 promulgué le 14 mars 2011 par l’ancien président Foued Mebazzaa qui a permis la confiscation des biens du président déchu Ben Ali ainsi qu’une centaine de personnes parmi ses proches et membres de sa famille.
leconomistemaghrebin.com a contacté l’avocat et ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, Chawki Tabib lequel a fait le point de la situation actuelle, et ce qu’elle pourrait engendrer.
Il a déclaré que la raison essentielle de cette décision porte sur le fait que ce décret-loi n’a pas été approuvé après sa promulgation ni par l’ANC ni par l’actuelle ARP.
Selon lui, il s’agit d’une décision défendable juridiquement, courageuse et grave de conséquences en même temps ajoutant : “ Défendable car elle a été prise en parfaite application de la loi, en l’occurrence la Constitution de 1959 considérée encore en vigueur à cette date, d’une part, ensuite parce qu’elle impose et étend le contrôle du juge administratif sur les décisions de l’exécutif y compris en matière de décrets- lois.”
Et de poursuivre :” Courageuse car elle va à l’encontre de l’opinion générale qui considère que la confiscation des biens de Ben Ali and co est un acte justifié et légitime en raison notamment des origines illicites de ces biens, mais un magistrat est tenu de veiller à la bonne application de la loi concernant la forme tout d’abord et sur le fond ensuite même si sa décision va à l’encontre de l’opinion générale.”
Interrogé sur la gravité de cette décision et de son impact, M. Tabib a répondu : “ Cela met en cause tout un édifice juridique et politique qui s’est construit après le 14 janvier en usant – et peut être aussi en abusant- de cet outil législatif d’exception qu’est le décret-loi.”
Cependant, la remise en question de ces textes promulgués sous la forme de décrets-lois va mettre en cause tout un édifice avec des conséquences lourdes impactant à la fois la situation économique et politique.
“ Pour s’en convaincre il suffit de rappeler que les élections de la Constituante ont été tenues suite à un décret-loi ainsi que l’organisation de la vie associative, des partis politiques, de la presse et médias…Pour notre part en tant que Barreau, notre profession a été également réorganisée sur la base du décret-loi du 20 août 2011. Donc il est pratiquement hors de question de remettre en cause toutes ces situations.”, a-t-il commenté.
Que faire maintenant pour y remédier? La solution selon maître Chawki Tabib: “ Il faut tout d’abord interjeter appel de cette décision afin de suspendre son application et procéder à la constitution d’une équipe de défense – digne de ce nom – chargée de bien préparer le dossier en appel ( certains affirment qu’en première instance l’Etat n’était même pas représenté lors des plaidoiries et que la décision a été rendue en son absence ) .”
Enfin, il conclut en affirmant : “Susciter une levée de boucliers au sein du gouvernement et au niveau de l’Assemblée des représentants du peuple afin de rectifier cette situation juridique en procédant à l’approbation des décrets-lois promulgués. Toutefois, il faut s’attendre à un nouveau round de tractations politiques qui risque d’être long et pénible en raison notamment de cette ambiance malsaine qui hante notre vie politique”.