Je ne sais pas si les victimes militaires de la tuerie de la caserne de Bouchoucha sont mortes pour la patrie ou pas. Je ne sais pas non plus s’il va falloir les assimiler à des martyrs tombés au champ d’honneur ou pas. Je ne sais même pas si, en ces heures troubles que traverse le pays, il faut oui ou non en parler. Par contre, je sais que les victimes sont tombées sous les balles assassines d’un des leurs. Je sais aussi que le meurtrier a été abattu à bout portant, alors qu’on aurait pu le laisser en vie pour les besoins de l’enquête.
L’effet surprise aidant, ce sont les réflexes d’autodéfense qui ont fini par prendre le dessus. On peut le comprendre. Comme vous le voyez, l’affaire est compliquée, et le sujet est d’une extrême délicatesse. L’aborder dans ces conditions, serait comme ajouter un problème supplémentaire à un environnement qui n’en manque pas déjà. Je laisserai donc le soin à d’autres que moi qui seraient sans doute mieux avisés et plus inspirés de cogiter là-dessus, étant convaincu que l’essentiel est dans cet ailleurs beaucoup plus terre à terre, beaucoup plus matériel, parce qu’en relation directe avec cette chose qui peut paraitre tabou au vu de la spécificité des faits et qui s’appelle tout simplement argent.
Donc, pendant que l’on continuera à s’interroger sur les véritables mobiles qui ont poussé une personne de l’Armée, perturbée semble-t-il par ses démêlés avec son ancienne épouse, à commettre l’irréparable, et pendant que l’on continuera à disserter sur une éventuelle piste terroriste, je voudrais revenir pour ma part sur la question de l’argent de l’indemnisation des victimes, en posant une question simple : où en est-on concrètement ? Comment va-t-on procéder pour évaluer les sommes à payer, car il va bien falloir fixer un prix, puisque même la mort a un prix. Tout cela peut paraitre indécent, mais on n’échappe pas à ces considérations.
Secrétaire d’Etat en charge du dossier, Majdoline Cherni assure que les familles des martyrs et des blessés de la révolution seront indemnisées avant fin août 2015. Je veux bien la croire. En tout cas, je la tiens au mot. Mieux, je lui suggère ceci : en plus de la commission nationale créée à cet effet et qui est déjà à pied d’oeuvre, pourquoi ne pas envisager la mise en place d’un fonds de compensation des victimes ? Je pense qu’une telle initiative ne pourra que rendre les choses plus claires et mieux structurées. Ceci dit, j’ose espérer que l’on saura faire preuve de générosité en pensant aux familles des victimes dont la plupart sont de condition très modeste. Des décorations posthumes, c’est bon pour le moral des vivants, mais pas plus.