Depuis son indépendance, la Tunisie a réalisé des progrès considérables en matière d’égalité hommes-femmes, réformant en profondeur le droit de la famille et résorbant progressivement les discriminations fondées sur le genre dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi. Cinq ans après la révolution, le système politique tunisien a connu d’importants changements. En effet, le libéralisme politique a non seulement entraîné une amélioration des libertés politiques, mais s’est également accompagné de l’émergence d’idées plus conservatrices au sujet des femmes, mettant à risque les acquis de la femme tunisienne insufflés par la promulgation du code du Statut personnel du 13 août 1956.
Dans ce cadre, l’Initiative Méditerranéenne pour le Développement (connue sous son acronyme anglais MDI) organise le 2 octobre prochain, conjointement avec la Konrad Adenauer Stiftung (KAS), une conférence sur « L’autonomisation des femmes en Tunisie » pour discuter le rapport de l’ODI (Overseas Development Institute) intitulé «Building Momentum – Women’s Empowerment in Tunisia», débattre des défis que rencontrent les femmes au quotidien en général, ainsi que dans leurs activités économiques et entrepreneuriales, et proposer ainsi une série de recommandations, programmes et activités en collaboration avec le gouvernement tunisien et les bailleurs de fonds.
L’étude de l’ODI financée par la Fondation Bill Gates aborde deux questions principalement: quelle forme les progrès de l’autonomisation des femmes prennent-ils en Tunisie ? Quels facteurs expliquent ces avancées ? Elle sera présentée lors de la conférence par la responsable du projet, Victoria Chambers.
Cette étude s’inscrit dans le projet Development Progress de l’ODI où l’autonomisation des femmes désigne un processus de changement personnel et social à travers lequel les femmes acquièrent du pouvoir, de véritables choix et la maîtrise de leurs propres vies.
La conférence verra notamment la participation de la députée finlandaise Heli Jarvinen qui parlera de l’expérience de la Finlande qui est devenue un modèle en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, et en termes d’éducation. Le «modèle finlandais» est devenu célèbre à la suite des premières enquêtes Pisa (portant sur le niveau des élèves de 15 ans), en 2000, de l’OCDE. La Finlande – petit pays nordique de 5,2 millions d’habitants – se place en tête dans quasiment tous les domaines étudiés : lecture, maths, sciences.
Deux ateliers animeront la conférence. Le premier verra les femmes potières de Sejnane. Elles exposeront les objets de poterie fabriqués avec des méthodes traditionnelles ancestrales héritées de mère en fille depuis l’Antiquité. La poterie de Sejnane est la fierté du patrimoine archéologique préhistorique et romain de la région de Kroumirie. C’est un art primitif et naïf qui consiste à modeler des pâtes de différentes couleurs et qualités issues de l’exploitation de la diversité des sols formés de calcaire, de grès, d’argile de couleur rouge et blanche.
Aujourd’hui, ces potières ont adhéré à un projet de groupement d’intérêt économique (GIE) qui veille à préserver leurs intérêts économiques en les aidant à s’adapter à la nouvelle économie domestique de la population rurale qui devient dépendante des circuits de commerce, et leur permet de donner libre cours à leur créativité artistique tout en préservant la mémoire d’un savoir-faire traditionnel de leurs ancêtres berbères.
Un deuxième atelier verra les jeunes femmes codeuses avec le programme « Digigirlz Tunisia » de Microsoft. Ce sera une opportunité pour les Tunisiennes d’apprendre à développer une application mobile sans écrire une ligne de code. Cet atelier sera animé par la communauté partenaire de Microsoft (MSP Tunisia – Microsoft Student Partners). Le but est de combiner la motivation, l’innovation et la créativité des jeunes filles pour créer leur propre application mobile. Ou quand la technologie devient une passion.
Ces deux ateliers illustrent bien une Tunisie profondément ancrée dans ses traditions et résolument tournée vers l’avenir. En choisissant ces deux thèmes qui semblent a priori en contraste, nous avons voulu souligner la similitude des défis et des difficultés que rencontrent en Tunisie aussi bien la femme rurale que la femme moderne.
Le reste de la conférence visera à promouvoir l’autonomisation des femmes et leur plus grande implication dans le développement socioéconomique tunisien. Ainsi, le nouveau modèle de développement économique et social de la Tunisie passe par un appui vigoureux du gouvernement à l’économie numérique et au développement technologique, avec une participation accrue des femmes. Une condition sine qua none pour la réussite de cette politique est la révision totale du système d’éducation tunisien et l’amélioration de la formation, et des compétences des jeunes tunisiens et tunisiennes. La Tunisie ne parviendra à atteindre cet objectif que si l’éducation est replacée au coeur de son projet de société. Il s’agit là sans doute de la principale leçon que la Tunisie pourrait tirer de la réussite finlandaise.
Par ailleurs, les Nations unies viennent de lancer un nouveau slogan pour un monde 50-50 en 2030, où la totalité des femmes et des filles disposeront d’opportunités et de droits égaux. « Franchissons le pas » demande aux gouvernements de prendre des engagements nationaux destinés à combler les inégalités entre les sexes – à travers un ensemble de mesures allant des lois et des politiques jusqu’à des plans d’action et des investissements appropriés dans un cadre national. C’est le moment aussi en Tunisie: franchissons le pas MAINTENANT !