Plus de 80 % des entreprises que compte la Tunisie opèrent dans le secteur informel et réalisent un chiffre d’affaires dont le montant avoisine 8 fois le budget de l’Etat tunisien, en 2015 ! Au regard de ces données, l’économie tunisienne ne serait qu’une économie sous-développée, ‘’une économie pré-marché, voire une économie de niveau féodal’’. Pourquoi le capitalisme triomphe-t-il en Occident et échoue-t-il partout ailleurs ? Pourquoi les entrepreneurs informels refusent-ils ou à la limite, trouvent-ils des difficultés pour accéder légalement à la propriété ?
La révolution tunisienne a été déclenchée par ceux qui étaient acculés à travailler dans l’informel, par des micro-entrepreneurs, comme le défunt Mohamed Bouazizi, qui avait consenti le sacrifice suprême par crainte d’être exproprié d’un espace qu’il occupait sans avoir le droit de le posséder.
Ces informels ne disposaient pas et continuent à ne pas disposer des instruments légaux pour protéger leurs biens et s’associer en vue de se développer, le secteur dans lequel ils évoluent étant par définition un secteur où prévalent l’anonymat, l’anarchie, l’inexistence de documents de propriété, l’inexistence de traçabilité, l’absence de transparence, les transactions en cash, l’évolution dans des sphères de non-droit et de fraude fiscale.
Trois causes sont à l’origine du désespoir du défunt Mohamed Bouazizi :
- Il a perdu l’espoir de bénéficier du droit d’accéder un jour à la propriété légale.
- Il a perdu l’espoir de vendre sa marchandise achetée à crédit et étant informel c’est à dire illégal, ne pouvait pas bénéficier des lois sur la faillite.
- Il a perdu l’espoir de fournir une garantie à ces créanciers. Ainsi, il ne pouvait pas convertir, en titre foncier, le terrain que lui avait légué son père car ce terrain était squatté et non enregistré.
Autres révélations graves, à la date d’aujourd’hui rien n’encourage les informels à intégrer le secteur formel ! Quel rôle peut jouer l’accès à la propriété dans l’émancipation et l’enrichissement des populations défavorisées ?
Les habitants des régions défavorisées sont détenteurs d’un ‘’capital mort’’, un capital qui ne fructifie pas et qu’ils ne peuvent mobiliser faute d’un système de droit de propriété efficace, équitable et démocratique.
L’économie informelle n’aide pas au développement et ne crée pas la richesse. Elle n’est qu’un palliatif au chômage et constitue, en conséquence, un problème grave au regard de son illégalité, la démolition de l’économie tunisienne, l’abolition de la souveraineté de l’Etat, la non-standardisation des règles qui y prévalent et par l’aliénation extrême et l’opacité de ses acteurs, les informels.
L’arsenal législatif qui a été prévu dans la nouvelle Constitution tunisienne, quand sera-t-il mis en place pour permettre une émancipation de l’individu par rapport à la communauté, la garantie de la propriété, la généralisation et la standardisation des titres de propriété, le droit à une vie respectable et digne … ?
A suivre …