Elles sont femmes entrepreneures, ambassadrices, potières et elles étaient présentes, dans la journée consacrée à » l’autonomisation des femmes en Tunisie” au cours de laquelle on a remarqué une grande participation non seulement des femmes de tous les secteurs, mais également des femmes paysannes.
La femme est reconnue comme vecteur de rentabilité économique, et pourtant l’inégalité homme-femme persiste. Même si on voit de plus en plus de femmes chefs d’entreprise contrairement aux hommes de plus en plus orientés vers les postes de décision.
Qui dit autonomisation des femmes, dit également processus de changement personnel et social à travers lequel les femmes acquièrent non seulement du pouvoir, mais des perspectives d’être les décideurs de leur choix. Autour de ce thème, plusieurs réflexions ont été débattues, sur la définition de l’autonomisation de la femme tunisienne et surtout sur les avancées qu’elle a acquises. Quatre ans après la révolution, qu’en reste-t-il ?
Quand on parle du principe de l’autonomisation, on parle également de donner aux femmes les moyens de participer pleinement à la vie économique dans tous les secteurs.
Depuis des décennies, la Tunisie est considérée comme l’un des pays les plus performants dans le monde arabe. En effet, les femmes ont joué un rôle éminent dans la vie active et cela remonte à l’indépendance, où les femmes ont acquis des droits tels que le droit à la santé, à l’éducation, à des emplois rémunérés, ou celui de l’égalité des sexes.
Cependant, d’après une étude récente, présentée par le projet de l’Institut britannique indépendant ODI, les mesures suivantes sont visées : comprendre et présenter où et comment des progrès ont été réalisés en matière de développement. Cette étude montre que le nombre de femmes dans la fonction publique a considérablement augmenté. Sur le plan parlementaire, après les élections 2011, seules 27% des femmes sont à l’Assemblée nationale constituante, puis 31% à l’ARP.
Pour la directrice de coopération italienne au développement, Christina Natoli : “Plus la participation de la femme est importante, plus le développement économique est soutenu”, indique-t-elle. Et de poursuivre : “ Il faudrait favoriser le rôle de la femme et éviter de la cantonner dans des rôles marginalisés. Que ce soit en Tunisie ou en Italie, nous avons les mêmes problématiques. Ceci nous donne un autre point à analyser, et un bon motif pour casser ce plafond de verre qui empêche la progression des femmes”.
Elle s’appelle Khalti Jomaâ, elle a 78 ans et nous parle de son expérience : “Depuis mon enfance, à l’âge de 6 ans, je ne sais faire que de la poterie. Dans les années 70, j’ai commencé à vendre mon produit. Je fabrique des poupées, des oiseaux en argile etc. La vie est de plus en plus difficile depuis la révolution, les temps ont changé, aucun touriste ne vient nous voir depuis les attaques terroristes du Bardo et de Sousse. Je suis malade et je n’ai pas les moyens de me soigner. Cela dit, je n’ai pas non plus de couverture sociale, parce que là où je suis, on ne reçoit aucun appui social ni du gouvernement et encore moins de la délégation. Ce que je souhaite est que l’Etat se décide à venir constater notre condition de vie« .
Pour Sabiha, potière, âgée de 51 ans, célibataire elle nous confie : “ J’ai commencé à zéro, je vivais dans une cabane, je forme d’autres filles pour ce travail. Je n’ai trouvé aucun soutien de la part du gouvernement. Personnellement, je suis responsable de mes neveux, leur papa est mort, il m’a laissé ses quatre enfants à prendre en charge, que ce soit dans leur éducation ou autre. J’ai à ma charge ma mère qui est une femme âgée, et voilà je suis à la fois la femme et l’homme dans cette maison. J’essaie de subvenir à leurs besoins, chose qui n’est pas facile, surtout à la rentrée des classes qui a nécessité des dépenses insupportables. Vous savez quoi, je continue à lutter pour eux, parce que je veux que mes neveux deviennent des grands hommes responsables. Ce que j’aimerais voir ici, c’est un espace culturel où nous pourrions exposer nos produits et non d’aller à Tunis “.
Et de continuer : “ Vous savez, quand nous voulons exposer, on nous demande 1000 dinars et ce pour avoir seulement un stand de12 m². Comment faisons-nous pour gagner notre vie ? Aujourd’hui, je suis là rien que pour gagner 20 dinars, pour les frais du transport pour mon neveu. Je vous raconte une chose, depuis la révolution, plusieurs associations nous ont utilisées pour délier les cordons de la bourse des bailleurs de fonds sans nous soutenir financièrement. »
Elles sont plus de 60 femmes potières de Sejnane, elles ont toutes quelque chose en commun, un savoir-faire, un patrimoine hors pair, mais la vie est de plus en plus dure pour elles.
Femmes et postes de décision
Quant aux postes de décision, les femmes en sont pratiquement absentes sur le plan politique, économique, affirme Vikki Chambers, Research officer politics and governance, soulignant : « L’autonomisation de la femme, c’est une question qui se pose à tous les pays. Mais est-ce que les 31% de ces députés femmes, dans le cas de la Tunisie, ont-elles un réel pouvoir pour agir ou simplement c’est juste l’apparence qui compte ? Prenons le cas de la Norvège où les femmes sont représentées à 41%, au Rwanda elles sont à 51%, je pense qu’en Angleterre, c’est beaucoup moins, on parle de 25%. »
Pour elle, ce qui prime ici c’est la substance : « J’ajouterais que ce n’est pas une question de présence physique, c’est la susbstance qui compte. Il s’agit de savoir ce que peuvent réaliser ces femmes concrètement. Il faut éviter les comparaisons, se dire que rien n’est acquis et que l’on doit avancer contre vents et marées. En Angleterre on parle de vous comme représentants de l’Arab Spring (printemps arabe) parce que vous n’avez pas reculé devant les difficultés »
A travers ce thème, chacune de ces femmes fait le bilan du parcours de sa vie, il y en a celles qui ont su faire face à plusieurs défis, d’autres qui continuent encore, mais une chose est sûre, rien n’est acquis, le combat continue pour ces femmes et les citoyennes du monde.