Les pays des « Printemps arabes » ou ceux qu’on appelle dans le langage des institutions internationales les pays en transition (Maroc, Tunisie, Lybie, Egypte, Yémen et Jordanie) ne sont plus au centre de l’actualité internationale comme ils l’étaient il y a quelques années au moment des révolutions de 2011. Pourtant, le flux de réfugiés a imposé un retour sous les feux de l’actualité de ces pays afin de maîtriser ces flux qui ont été au centre d’importants conflits politiques entre les pays européens.
Ainsi, plusieurs réunions ont regroupé les différents protagonistes, notamment les grandes puissances et les pays du G7, ont eu lieu ces dernières semaines pour aborder ces questions. Ces réunions ont pris un aspect politique et un consensus a été trouvé sur l’importance de renforcer la lutte contre les troupes de l’Etat islamique ou Daesh considéré par beaucoup comme à l’origine de l’instabilité croissante dans la région et de ces flux d’immigrés qui arrivent désespérément en Europe au péril de leur vie.
Mais, en dépit de ce consensus et de l’entrée en lice de la France et de la Russie pour combattre les troupes de l’Etat islamique, l’instabilité politique et la violence ont beaucoup pesé sur la situation économique dans les pays arabes et ont surtout fortement réduit les dynamiques de croissance.
A l’occasion de la tenue de ses Assemblées annuelles avec la Banque mondiale, le FMI a publié son rapport sur la situation économique des pays arabes en transition. Ce rapport a mis l’accent sur l’amélioration de la situation macroéconomique de la plupart des pays avec une réduction des déficits budgétaires et la baisse des déficits de la balance courante. Cette amélioration s’explique par la baisse des cours du pétrole et des produits agricoles dont ces pays sont de nets importateurs. Ces baisses ont réduit la facture d’importation de la plupart d’entre eux et ont également été à la baisse des subventions accordées par les différents pays pour maintenir des prix bas pour les consommateurs.
Mais, c’est le front de la macroéconomie qui a connu la seule embellie. En effet, la croissance dans la plupart des pays est restée faible. Certes, une divergence commence à apparaître entre d’un côté le Maroc et l’Egypte dont les projections de croissance en 2015 sont proches de 4% et la Tunisie et la Jordanie de l’autre où la croissance est beaucoup plus faible et qui ne sera pas éloignée de zéro. Cette divergence s’explique par le démarrage et l’accélération des investissements publics dans les premiers pays avec notamment la construction de la seconde voie sur le Canal de Suez.
Mais, cette croissance reste en dessous de celle enregistrée durant la période 2000-2010 qui se situait autour de 5%. Aussi, ces dynamiques de croissance sont faibles en création d’emplois et ne contribuent pas au règlement du problème lancinant du chômage et particulièrement des jeunes diplômés.
La détérioration de la situation politique, l’aggravation des conflits armés et le développement de la menace terroriste ont beaucoup pesé sur la situation économique et particulièrement sur un certain de nombre de secteurs qui jouent un rôle essentiel dans les dynamiques de croissance de ces pays notamment le tourisme. Ainsi, la montée de l’insécurité a été à l’origine d’une baisse importante des flux de touristes, notamment en Tunisie après l’attaque terroriste de Sousse, et la crise majeure de ce secteur a été à l’origine d’importantes baisses de revenus et d’une perte d’emplois.
Cette instabilité politique et ces conflits sont au cœur de ces vagues de réfugiés syriens ou irakiens que le monde semble découvrir aujourd’hui lorsqu’ils ont cherché au péril de leur vie à rejoindre l’Europe. Or, l’essentiel des flux de réfugiés est accueilli par les pays de la région comme c’était le cas pour la Tunisie au lendemain de la révolution libyenne. Par ailleurs, les pays limitrophes de la Syrie, notamment la Jordanie et le Liban accueillent l’essentiel des réfugiés syriens et irakiens. Un ministre jordanien avait indiqué que les réfugiés représentaient 20% de la population totale de son pays ce qui représenterait 13 millions pour le Royaume-Uni. Cette importante présence de réfugiés, en dépit du devoir de solidarité de ces pays vis-à-vis de leurs voisins, a d’importants coûts financiers qui pèsent sur les grands équilibres économiques de ces pays.
Les économies des pays arabes en transition, en dépit des efforts effectués pour consolider les grands équilibres, subissent les effets de l’instabilité politique et de la violence armée. Plus que jamais le retour de la croissance, de l’investissement et de l’emploi dépendra de la capacité des politiques à rétablir la paix et la sécurité.