Nidaa Tounes vit une grave crise politique. Le recours à la milice pour bloquer la réunion de son bureau exécutif, dimanche 1er novembre, atteste que les frondeurs ont traversé le Rubicon. Un retournement de situation, digne des fictions hollywoodiennes, serait à l’ordre du jour des contestataires. Le déroulement des faits laisse supposer l’existence d’un ou même de plusieurs chefs d’orchestre. Cette transgression des usages démocratiques et cette remise en cause de l’idéaltype politique, institué par la « révolution » tunisienne, surprennent et inquiètent. Il faut prendre la mesure du malaise, du désarroi et de l’angoisse des adhérents et des partisans de Nidaa Tounes. Comment sortir de la crise? Comment d’abord la décrypter et la définir?
En l’absence de leadership charismatique, depuis l’élection de Béji Caïd Essebsi à la présidence et sa démission, en conséquence du parti qu’il a fondé, les dirigeants de Nidaa Tounes se livrent à une « guerre de positionnement ». Les réunions officielles du bureau exécutif de Tunis, et de Gammarth, celles de Sousse, Kairouan, et Djerba des frondeurs et le recours à la milice à Hammamet traduisent ces enjeux. Au-delà de la partie de dés qui se joue, les analystes évoquent volontiers, une lutte pour le leadership, une guerre de succession, des prétentions d’évidence et du grave non-dit.
D’ailleurs, le concours de circonstances, ne s’explique pas par des oppositions idéologiques, ou la définition des programmes socioéconomiques. Ce qui relativise les tensions. Le différend actuel concerne essentiellement l’organisation du congrès. Alors que le comité exécutif met à l’ordre du jour un congrès électif, les opposants souhaitent un congrès constitutif, c’est-à-dire par une désignation consensuelle de dirigeants, qui leur serait favorable. Triste éventualité, qui remet en cause l’habilitation citoyenne.
L’affirmation de l’enracinement de Nidaa Tounes, illustré par la formation en son sein, de la fondation Bourguiba (16 octobre 2015) et dont les acquis sont enrichis par les contingences de la démocratie, font valoir le discours fondateur de ce grand rassemblement. L’élaboration de ses programmes s’inscrit dans la conjugaison des acquis et le traitement des attentes, en relation avec les doléances. La crise actuelle risque de provoquer l’implosion de Nidaa Tounes et de mettre en cause « le vivre ensemble », ou plutôt la coexistence de ses différentes composantes idéologiques (destouriens, gauche, syndicalistes etc.), sinon leur fusion, à plus ou moins long terme.