Dans un environnement régional et international en mouvement, le théâtre litoral est au cœur des stratégies des commanditaires du »chaos constructeur » et menace directement la sécurité nationale de la Tunisie et de la rive sud méditerranéenne. Mais aussi, il offre également de nombreuses opportunités qu’il convient d’être en mesure de saisir, … encore faut-il savoir comment appréhender l’occasion et s’atteler à construire une véritable stratégie intégrant le présent mais également le moyen et le long terme. Sans stratégie audacieuse, courageuse et claire de notre avenir, aucune décision éclairée n’est possible. Pire, l’absence de décision pénalisera la Tunisie sur le long terme. Saisir les opportunités et contrer les menaces suppose une profonde connaissance stratégique de cet espace en pleine reconfiguration. Toute erreur et toute mauvaise estimation mettront en péril notre avenir et offriront autant d’opportunités à des acteurs potentiels soucieux de se positionner durablement au sein de cet espace.
L’accélération de l’histoire, l’avènement sporadique des perturbations et la fluidité du monde renversent nos manières de pensée hérités de la fin de la guerre froide devenus, face à un chaos que nul ne semble en mesure de dominer. L’ancien ordre mondial se trouve profondément bouleversé et est chassé pour être remplacé par un nouvel ordre régi par la loi du »chaos constructeur ».
Notre voisin la Libye s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos. La vaste opération militaire baptisée »Dignité » lancée le 16 mai 2014 par le Général Haftar visant à neutraliser les forces islamistes extrémistes en Cyrénaïque soulèvent de nombreuses interrogations et est de loin d’être saine. En effet, compte tenu des moyens militaires engagés, cette opération militaire ne pouvait être engagée sans le soutien de puissants appuis internes et surtout externes.
Dressons un bref état des lieux de la situation caractérisant la Libye
La Libye s’érige en foyer terroriste doublé d’un sanctuaire pour les terroristes qui menacent ouvertement la sécurité de la Tunisie. Suite à l’opération »Dignité », les miciles terroristes armées se sont regroupées, opérant un repli stratégique, dans le sud libyen. La problématique terroriste n’a été que déplacée, ouvrant la voie à une reconfiguration de la région pour une longue période d’instabilité. Le désert libyen est livré au chaos et à la loi de milices en rivalité pour le contrôle des armes et des trafics. Outre les jihadistes du nord du Mali, repliés vers le sud libyen, les faits vécus ont révélé l’existence d’une synergie avec des groupes essentiellement composés de vétérans du Groupe Islamique des Combattants Libyens basés en Cyrénaïque. De même, de nombreuses sources confirment la multiplication de camps d’entraînement disséminés entre Derna, au Nord, et le grand sud. Ce couloir constitue l’un des axes empruntés par les trafiquants de drogue pour rejoindre les rivages européens, notamment italiens.
Ainsi, l’opération »Dignité » a provoqué une réorientation du trafic de drogue en provenance d’Amérique latine, essentiellement de cocaïne, suivant un axe Nigéria-Niger-Libye, évitant le Mali étroitement surveillé. Ainsi, à partir du nord du Nigéria avec Boko Haram jusqu’à Benghazi et Derna, tout le trafic, dont celui de la drogue et celui des migrants, est désormais contrôlé par les »groupes islamistes », qui n’ont rien à voire avec notre sainte réligion. La Libye s’érige ainsi en épicentre de la menace terroriste et criminelle menaçant directement la sécurité nationale tunisienne.
Le danger doit être évalué à sa juste mesure
Aujourd’hui, à l’image de l’Irak, la Libye se trouve brisée fracturée et divisée. Elle mène une lutte acharnée pour maintenir son unité. Le pays traverse subit des guerres régionales, tribales, religieuses et mafieuses nourrissant l’instabilité régionale et l’entrainant aux fonds des ténèbres du chaos. L’exacerbation des tensions et des conflits entre milices visant à s’assurer le contrôle des richesses du pays, des trafics et du pouvoir politique sur fond de sécessionnisme et de montée en puissance des »groupes islamistes » radicaux et du terrorisme menace durablement l’unité de la Libye et la stabilité de la Tunisie, notamment des régions frontalières aux équilibres ethniques et sécuritaires fragiles.
En bref, de nos jours, la situation en libye se présente comme suit :
- Soutiens divers de groupes terroristes libyens ou réfugiés en territoire libyen à des mouvements radicaux tunisiens, base de repli, d’entraînement et d’organisation pour des groupes terroristes tunisiens,
- infiltration d’éléments terroristes, d’armes et de trafics divers,
- implosion de la Libye se traduisant par une guerre civile engendrant un vaste mouvement de réfugiés vers le territoire tunisien,
- connexions avec les différents foyers embrasant le flanc sud litoral,
Tout cela pourrait être à l’origine de l’exportation des combats entre différentes factions libyennes en Tunisie à la faveur des Libyens résidant en Tunisie constituent autant de danger auxquels est confrontée de nos jours la Tunisie.
L’implantation du mouvement terroriste de Daech et l’embrasement de plus en plus évident en Libye, la Tunisie se retrouve menacée et nous devons réagir. L’urgence ne doit pas empêcher un certain pragmatisme nécessaire à une réaction claire et efficace. Les moyens militaires du pays sont relativement rustiques, et le chaos régnant en Libye depuis 2011 est un trop gros enjeu à gérer pour notre pays.
L’évidence, comme dans bien des cas, est de faire appel aux Etats-Unis, pour solliciter l’aide. Je ne suis pas sûr !
Le prix à payer est exhorbitant !
Une base militaire permanente sur notre sol, et »pourquoi pas » un bout de notre souveraineté, … je voulais dire beaucoup de notre souveraineté, afin de parfaire l’assise américaine sur le continent africain, pourrait-elle présenter une solution à nos soucis ? Sommes-nous réellement obligés de choisir entre la peste ravageuse, et le choléra faiblissant ?
Rappelons nous le rôle joué par les Etats-Unis dans le drame actuel en Libye. C’est à eux, comme dans bien des cas, que l’on doit la démise brutale du régime Kadhafi, et ce même à travers l’armement de djihadistes terroristes, installant ainsi un chaos de fait, là où régnait une paix relative.
D’autres exemples de « diffusion de la démocratie » ont touché la terre arabo-musulmane, et causé d’innombrables pertes, aux seuls profits économiques et politiques de l’élite mondialiste.
C’est le nouvel ordre mondial, régi par la loi du »chaos constructeur » : plonger les peuples dans le désordre, laisse mûrir jusqu’à la fabrication et la manipulation du consentement des forces politiques et finalement venir à leur secours, … mais avec des conditions et des prix très exhorbitants. C’est aussi simple que cela !
Il suffit de voire ce qui se passe au Moyen Orient et en Afrique depuis des années, on perpétue le cycle d’un chaos contrôlé, dont les peuples sont les éternelles victimes. C’est la stratégie du pompier pyromane mise en place par les Etats-Unis.
Ainsi, faire appel aux Etats-Unis pour protéger nos frontières, et se charger du chaos libyen reviendrait tout simplement à demander au renard de garder le poulailler.
Que pourrions nous faire ?
Après l’assassinat de Chrétiens coptes égyptiens, l’armée égyptienne a répliqué par des frappes aériennes pour sanctionner les forces de Daech en Libye. J’espère qu’il s’agit d’un début de réveil de la conscience arabo-musulmane.
Faire appel au pays frère l’Algérie s’aprète à présenter une excellente option pour notre pays qui nous permettra de sauvegarder notre souveraineté. La puissance militaire algérienne est parmi les plus développées d’Afrique, et les intérêts sécuritaires de l’Algérie convergent avec ceux de la Tunisie, l’Egypte et la Libye.
L’intrusion de Daech en Tunisie constituerait un risque majeure pour l’Algérie, qui serait prête à déployer ses forces aériennes pour éviter que cela n’arrive. L’Algérie et l’Egypte pourraient agir ensemble de manière à neutraliser le terrorisme en Libye.
Plutôt que de faire appel aux forces d’une autre civilisation, dont l’humanisme n’est qu’un mensonge et un prétexte à l’exploitation, nous devrions demander l’aide de nos semblables aux moyens avancés, et dont la proximité produit des intérêts communs pour une lutte authentique contre le terrorisme.