L’interminable crise interne à Nidaa Tounes suscite une fois de plus des réactions, concernant la démission des 32 députés du groupe parlementaire à l’ARP. Mais la question que l’on se pose est la suivante: quel serait le sort du gouvernement actuel, sachant que le nombre des députés du groupe Nidaa passerait de 86 à 55 ? Ce qui laisserait entendre que le mouvement Ennahdha serait ainsi le premier groupe parlementaire de l’Assemblée avec 69 députés.
Pour comprendre ce qui se passe et ce qu’est la réalité dans le paysage politique, Mme Salsabil Klibi, enseignante en droit constitutionnel à la faculté des Sciences juridiques, membre de l’Association tunisienne de droit constitutionnel, apporte un éclairage à la scène politique du moment.
Pour sa part, cette démission a pour première conséquence de modifier les équilibres politiques au sein du parlement, parce qu’elle permet d’ouvrir la voie à un éventuel vote d’une motion de censure contre le gouvernement.
Interrogée sur l’éventuel retrait de la confiance au gouvernement, elle répond: « Le retrait de la confiance au gouvernement reste très hypothétique. D’abord parce que la Constitution en a rendu la concrétisation difficile, puisque selon l’article 97 de la Constitution, le vote de cette motion (vote qui doit se faire à la majorité absolue des membres de l’assemblée, c’est-à-dire à 110 voix) doit s’accompagner impérativement d’une proposition d’un nouveau chef de gouvernement. Ensuite parce que les députés qui se sont retirés du groupe Nidaa ont affirmé qu’ils continueront à soutenir l’actuel gouvernement ».
Et de poursuivre: « Quoiqu’il en soit et même si les députés qui sont restés dans le groupe Nidaa décidaient, quant à eux, avec leurs alliés politiques (Nahdha, Afek, ULP), ou certains d’entre eux, de faire tomber l’actuel gouvernement, il n’y aurait pas de vacances au niveau de la présidence du gouvernement, pour la simple raison qu’ils doivent nécessairement proposer un nouveau candidat à la présidence du gouvernement au même moment où la motion est votée. »
Ce qui serait à craindre …
Ce qui est à craindre cependant, c’est que le nouveau Chef de gouvernement n’obtienne pas le vote de confiance du parlement une fois qu’il aura constitué son gouvernement. Mais cette hypothèse est difficilement concevable. Car supposons que la majorité a donné sa confiance au candidat au poste de chef de gouvernement, elle n’a pas de raison de ne pas la donner à toute l’équipe qu’il aura constituée. Mais les nouveaux équilibres dans la coalition parlementaire, fragilisés par ces retraits peuvent conduire à des conflits sur la répartition des portefeuilles, conflits que nous avons déjà connus à l’occasion de la formation du gouvernement Essid et peuvent donc faire échouer le vote de confiance.
Dans ce cas de figure, le président de la République devra désigner une personnalité qu’il jugera, après négociation avec les différents partis représentés au parlement, susceptible d’obtenir leur accord.
Cette personnalité, à son tour, sera appelée à constituer un gouvernement qu’elle soumettra à l’assemblée pour un vote de confiance, sauf que, cette fois-ci, si la nouvelle équipe n’obtient pas la confiance du parlement, le chef de l’Etat sera amené à dissoudre le parlement et appellera à des élections législatives anticipées.
Y aurait-il un vide institutionnel?
La première chose à savoir, c’est qu’il n’y aura dans aucune des hypothèses évoquées de vide institutionnel au niveau du gouvernement, puisque la constitution a prévu que tout gouvernement sortant continuera à gérer les affaires courantes jusqu’à ce que le nouveau prenne ses fonctions.
Mais ce qu’il faut aussi savoir, c’est que l’état du pays, aussi bien économique que sécuritaire ne peut souffrir davantage d’incertitude concernant le sort du gouvernement, ni encore moins d’être dirigé par une équipe qui a une simple mission de gestion des affaires courantes.
En conclusion?
L’actuel gouvernement, qui se démène comme il peut pour sortir le pays de l’enlisement et pour asseoir son autorité a, aujourd’hui plus que jamais, besoin d’un appui solide du parlement. Il est donc impérieux que ce conflit interne à Nidaa le reste et ne déteigne pas sur les rapports entre le parlement et le gouvernement.