La France s’attendait à une attaque terroriste sur son sol. Mais l’attaque du vendredi 13 novembre à Paris a dépassé en sauvagerie le pire scénario qu’on puisse imaginer. En quête de sécurité, les touristes français ont déserté les plages tunisiennes et égyptiennes et sont rentrés au pays en attendant des jours meilleurs. Les terrifiantes attaques de vendredi dernier perpétrées par les soldats des ténèbres contre la Ville des Lumières vient de prouver de manière déconcertante que nul n’est désormais en sécurité. Sur une plage tunisienne ou sur une terrasse de café à Paris ou dans le train Amsterdam-Bruxelles, un terroriste peut surgir à tout moment, actionner son arme de guerre ou faire sauter sa ceinture d’explosifs au milieu de la foule d’innocents.
Face à cette généralisation de la menace terroriste, face à l’impossibilité absolue de protéger les citoyens contre l’attaque d’un kamikaze anonyme déterminé à mourir violemment au milieu de la foule, les Etats petits et grands, faibles et puissants, paniquent et ne savent pas trop que faire pour juguler ce fléau dont la gravité est sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Comment en est-on arrivé là ? Comment a-t-on pu atteindre des sommets d’irresponsabilité au point de mettre en danger la vie des citoyens innocents dans quelque pays où ils se trouvent ?
La source du mal remonte à la chute du mur de Berlin en 1989, et même plus loin, en 1980, quand les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, avec la coopération active du Pakistan, avaient entrepris de recruter des milliers de terroristes qu’ils appelaient « combattants de la liberté », à les entrainer, à les armer et à les financer avant de les envoyer combattre l’armée rouge dans l’objectif hautement stratégique d’épuiser l’Union soviétique et de provoquer son écroulement.
Mais ne remontons pas aussi loin. Ne remontons pas non plus à la guerre désastreuse de Bush II contre l’Irak qui constitue, de l’avis de tout le monde, le point de départ de l’expansion dévastatrice du terrorisme aveugle et sanguinaire dans le monde. Contentons-nous dans cette brève analyse des quatre dernières années et remontons au mois de mars 2011, date des premières manifestations en Syrie qui allaient évoluer en drame biblique, provoquant la mort de centaines de milliers de personnes, condamnant des millions de citoyens syriens à l’exil et transformant une grande partie du pays en ruines.
A l’époque, une bonne partie de l’intelligentsia française, guidée par Bernard Henri Lévy, et une bonne partie de la classe politique dirigée par Sarkozy remuaient ciel et terre pour que la machine de guerre occidentale intervienne en Libye pour briser les reins de Kadhafi, et en Syrie pour débarrasser le monde de Bachar al Assad.
Le tandem Levy-Sarkozy avec, à l’autre côté de l’Atlantique, Mme Hillary Clinton, alors Secrétaire d’Etat, avaient réussi à convaincre le réticent Obama à dire oui au bombardement de la Libye. Le sort du régime de Kadhafi était scellé et le pays, surarmé mais sans Etat ni gouvernement était livré à l’anarchie. C’est ainsi que la Libye devint une pépinière pour terroristes, menaçant l’Europe au nord, la Tunisie et l’Algérie à l’ouest et les pays africains au sud.
Alors que l’anarchie battait son plein en Libye, le nouveau président François Hollande, le nouveau Premier ministre Laurent Fabius et l’indétrônable Bernard Henri Lévy s’activaient à faire subir à Bachar al Assad et à son régime le même sort subi par Kadhafi et sa Jamahirya.
Entre temps, les paumés, les repris de justice et les trafiquants de drogues de différents pays, y compris la France, reconvertis via internet au djihadisme dans sa version la plus abjecte, affluaient par milliers en Turquie où le régime islamiste d’Erdogan facilitait leur passage en Syrie et leur intégration aux groupes terroristes, en particulier à Daech.
Les premiers éléments de l’enquête entreprise en France après les attaques du 13 novembre prouvent qu’au moins un des ces repris de justice français qui avaient « fait » la Syrie, était revenu à Paris pour participer au massacre…
Et pourtant, alors que la racaille de Tunisie, de Libye, d’Egypte, de France, de Grande Bretagne et d’ailleurs se précipitait en Syrie via la Turquie pour gonfler les rangs des organisations terroristes, pas un mot prononcé, pas une crainte exprimée, pas une question posée par l’intelligentsia et la classe politique françaises au sujet de ce rassemblement, entrainement et radicalisation de ces milliers de jeunes paumés.
Tous les efforts étaient alors orientés vers une cible unique : Bachar Al Assad et son régime. François Hollande était aussi impatient de célébrer la chute du président syrien que l’était son prédécesseur Nicolas Sarkozy de célébrer celle du dirigeant libyen. Son impatience était à la mesure de sa frustration qu’il avait du mal à cacher quand, en août 2013, et alors que les aviateurs français se préparaient à aller bombarder Damas, Obama changea d’avis et accepta le marché proposé par Poutine.
Il est extraordinaire que la terrible anarchie qui sévissait alors et qui sévit toujours en Libye n’avait ni refroidi les ardeurs ni altéré l’impatience de ceux qui en France et ailleurs étaient obsédés par le désir ardent de voir Bachar al Assad et son régime sombrer.
Il est extraordinaire qu’après quatre ans d’enfer pour le peuple libyen et quatre ans de guerre atroce en Syrie, Bernard Henri Lévy défende toujours les mêmes idées destructrices qu’il défendait en 2011. A la question « pensez-vous que la France puisse retrouver sa splendeur d’antan ? » que Le Figaro lui a posée le 3 juillet 2015, Lévy répondit : « Elle l’a eue quand elle a, sous Sarkozy, fait la guerre en Libye et arrêté le massacre à Benghazi. Elle l’a eue quand elle est, sous Hollande, intervenue au Mali et en Centrafrique. Elle l’aurait eue si Barack Obama ne l’avait pas stoppée dans son élan, le 29 août 2013, quand les avions français s’apprêtaient à aller détruire l’armement chimique de Bachar al-Assad. Il y a des moments où la France est grande. D’autres où elle l’est moins – ou plus du tout. »
Il est vrai qu’il y a des moments où la France est grande. Mais elle ne l’était sûrement pas quand elle était poussée par le président Sarkozy et le « nouveau philosophe » Lévy à aller détruire un pays et plonger un peuple dans une anarchie destructrice d’où il n’arrive pas à sortir.
Une chose est certaine, la politique de la France sous Sarkozy en Libye et sous Hollande en Syrie a contribué assez substantiellement à l’expansion du terrorisme. Et cette politique, combinée à celle des Etats-Unis et de leurs alliés dans le Golfe, n’est pas sans rapport avec les centaines de victimes innocentes tombées au nord et au sud de la Méditerranée.
Cela dit, la scène mondiale ressemble beaucoup aujourd’hui au théâtre de l’absurde. Prenez la réunion du G20 du 15 novembre à Antalya en Turquie par exemple. A voir la photo de groupe et les professions de foi antiterroristes proférées avec ardeur, on reste pantois. On reste bouche-bée de voir que ceux qui ont financé et facilité le passage des terroristes en Syrie, ceux qui ont aidé volontairement ou involontairement à l’expansion et à l’explosion du terrorisme dans le monde, sont devenus subitement ses pourfendeurs les plus virulents. Notre consolation est qu’il y a parmi eux, même s’ils sont peu nombreux, de vrais ennemis du terrorisme et qui, comme le président russe Vladimir Poutine, le combattent sincèrement et efficacement. Notre souhait est que la mort de tant d’innocents en France, en Tunisie, au Liban et ailleurs provoque le choc salvateur par lequel le monde se décide enfin à arrêter les dégâts provoqués par les sponsors étatiques du terrorisme et se résolve à leur demander des comptes.