Depuis des années, la Tunisie s’endette pour financer ses dépenses publiques, sans créer ni richesse ni croissance. Au jour d’aujourd’hui, le remboursement des dettes extérieures de la Tunisie provoque une vive polémique. La Tunisie est-elle capable d’honorer ses créanciers à temps, ou aura-t-elle recours à un autre plan de remboursement?
Pour plus de détails, contacté par leconomistemaghrebin.com, Moez Joudi, universitaire et expert en gouvernance n’a pas manqué de noter, en préambule, que jusqu’au 14 janvier 2011, la Tunisie n’était pas endettée et avait une certaine autonomie financière, enregistrant un taux d’endettement qui ne dépassait pas 39% du PIB à fin 2010.
Il a ajouté que la Tunisie est toujours arrivée à rembourser ses dettes, même par anticipation. Sachant que les dettes n’étaient pas celles de Ben Ali comme l’ont dit certains politiciens, mais bien celles de l’Etat tunisien et ont été accordées à la Tunisie sur la base d’études et de planification.
Mais le problème d’endettement a été, selon ses dires, amplifié après la révolution. Cette amplification est expliquée par trois éléments de base.
Premièrement, le taux d’endettement est passé de 39% en 2010 à 52 % en 2015 et 53% prévu en 2016, soit une hausse de 14 points durant les cinq dernières années.
Deuxièmement, les dettes de la Tunisie étaient exploitées, avant la révolution, pour les investissements et le développement. Alors qu’ à ce jour, les dettes sont consacrées aux dépenses publiques, notamment aux salaires de la fonction publique et, par conséquent, ne développent pas de création de richesses.
En troisième lieu, l’économie tunisienne passe par une période critique, avec une croissance molle, disons même une récession. «Ce qui est dangereux».
De ce fait, M. Joudi a affirmé qu’au lieu de créer un effet de levier, l’économie tunisienne subit actuellement un effet de massue, ou effet «boule de neige», qui survient lorsque le taux d’intérêt est supérieur au taux d’inflation et au taux de croissance. C’est le résultat d’un pays qui s’endette sans créer de richesse.
A cet égard, pour l’année 2016, «on craint un défaut de remboursement vu le niveau d’endettement enregistré à ce jour et l’économie tunisienne qui est en berne. Ce qui nous obligerait à demander à nos créanciers un plan de rééchelonnement des dettes», dixit l’expert, rappelant, dans le même ordre d’idées, que le recours à ce genre de solution a déjà été engagé avec le FMI, lors de la visite de sa DG en Tunisie, par le fait de demander un complément de financement pour le mois de mars 2016.
Par conséquent, notre interlocuteur a précisé que l’année prochaine sera très difficile et on craint même de toucher à la crédibilité de la Tunisie, de voir la note souveraine de la Tunisie en baisse et le coût de l’épargne nationale en hausse.
Face à cette situation, le ministère des Finances œuvre actuellement à la mise en place d’un «schéma de remboursement pour la période 2015-2025», comme l’a annoncé le ministre lors de la séance d’audition. «Cette connotation n’est qu’un langage politique, mais économiquement parlant, ce n’est qu’un plan de rééchelonnement des dettes».
Pour finir, Moez Joudi a appelé le gouvernement tunisien à organiser des états généraux et faire participer toutes les parties prenantes pour la tenue d’un dialogue national sur les dettes tunisiennes, afin de finir avec un consensus national visant à étudier l’utilisation des dettes et de leur remboursement. «Nous n’acceptons plus que la Tunisie s’endette pour financer ses dépenses, notamment les augmentations salariales, sans création de richesses et de croissance», conclut-il.