L’Etat tunisien peut-il avoir un projet d’aménagement pour son territoire? Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait à ce jour? Tel est le débat d’aujourd’hui organisé par l’Observatoire tunisien de la sécurité globale OTSG.
Cela fait des décennies voire des siècles que la politique tunisienne d’aménagement est laissée pour compte. Depuis le 14 janvier, les revendications des régions déshéritées se font de plus en plus insistantes. La politique de l’aménagement du territoire se fait discrète, le projet national se disloque, l’énergie est canalisée vers la lutte contre le terrorisme. Ce qui fait, on ne songe plus à partager une croissance, mais un constat d’impuissance dans les régions déshéritées, qui sont confrontées à des réels problèmes, chômage, l’insécurité galopante.
Il est clair que vu la situation dans laquelle se trouve les régions pauvres comme celle de Jendouba, et Kasserine, par exemple, on ne pourrait être convaincu.
Avoir des politiques publiques intégrées, c’est ce qu’il faudrait pour ces régions, c’est ce qu’a annoncé Nabil Smida, chercheur politique.
Il précise: « Aujourd’hui, la politique de l’aménagement du territoire, doit être articulée aux politiques sécuritaires. Le constat qu’on observe, c’est la double fracture, là où il y a fracture d’aménagement, il y a également une fracture sociale ».
Il poursuit: « Il faut que les régions deviennent des centres d’abord de réflexion, de proposition, doter ces municipalités d’institutions qui ont une capacité de suivi, mais en termes d’encadrement institutionnel, on est absent. Les programmes de développement sont pilotés de Tunis, c’est pour cela que je le dis, il faut penser à une vraie décentralisation effective intelligente avec un financement et des moyens. Or le pouvoir local on le trouve dans la Constitution, mais il faudrait qu’on le rende effectif, cela nécessite une démarche volontariste pour asseoir des institutions, des financements, des ressources humaines ».
Intégrer les politiques d’aménagement avec les politiques sécuritaires
Mais la question que l’on se pose: « Est-ce que la politique sécuritaire elle même doit être intégrée avec la politique d’aménagement? La réponse : Il n’y a pas de développement sans sécurité et vice-versa.
Il ajoute : « Mais ce qu’il faudrait faire pour le développement régional, instaurer des parcs nationaux régionaux… Vous savez dans les autres pays, les zones montagneuses sont aménagées, et habitables, on a une ressource qui n’est malheureusement pas exploitée. Cela dit, le paysage peut être transformé en une filière économique, via le tourisme alternatif, le tourisme culturel, où ces parcs deviennent des centres touristiques, de valorisation de savoir-vivre local. Il faut que ces montagnes deviennent des centres de vie et des pôles de développement ».
D’un autre point de vue, faire des ces régions non seulement une zone de développement régional prioritaire mais également une zone de sécurité prioritaire.
Pour Jamil Sayah, professeur en droit public à l’université de Grenoble, indique: « On s’est rendu compte qu’il y a une vraie déconnexion économique et territoriale. Il faut que ces deux politiques soient articulées, notamment dans les régions pauvres qui sont les moins loties en termes de sécurité. Ce n’est pas du tout un hasard que ces régions souffrent du terrorisme, où les terroristes se sont installés quand il y a eu un vide politique, il faut réinvestir dans ces régions sur le plan économique, social, et sécuritaire et donc créer une continuité entre les territoires, une nouvelle gouvernance et une autre manière de se sentir tunisien ».
Et de poursuivre : « Les gens de Jendouba et de Kasserine se sentent abandonnés et bien qu’ils aient pris part à la révolution, ils viennent toujours après les Sawahliya. Cela dit, ce sentiment régionaliste est plus que jamais renforcé, on sent ce rejet de l’Etat, a tendance à aller vers le terrorisme et la contrebande. Aujourd’hui, le contrebandier du temps de Ben Ali s’est transformé en un salafiste et un terroriste ».
Créer un service interministériel à l’aménagement et au développement des territoires, vers une nouvelle doctrine: de la sécurité intérieure à la sécurité globale, l’élaboration de nouveaux référentiels d’action, sont les quelques propositions parmi d’autres pour enclencher de nouvelles politiques et de nouvelles pratiques dans le domaine des politiques territoriales.