Effet de la stratégie du chaos, mise en œuvre par des acteurs agissant dans l’underground, la Syrie, l’Irak, le Yémen et la Libye sont l’objet d’un risque d’implosion, ou du moins d’une guerre civile. L’Egypte et la Tunisie, qui ont sauvegardé leur régime de l’Etat-nation vivent une conjoncture sécuritaire, ainsi d’ailleurs que la France, affectée par les attaques de Paris et les pays du voisinage, vu leurs effets d’entraînement. Les autres pays arabes partagent leurs inquiétudes et se montrent vigilants et en état d’alerte.
Les priorités sécuritaires conditionnent la vie économique, l’investissement et par conséquent le développement et affectent le quotidien des citoyens. Transgression de la peur, la vulnérabilité prend le relais et institue une situation de confusion et de mal-être. Ne perdons pas de vue la différence de nature entre ces deux états de blocage, différenciés par l’analyste Denis Kessler : On a peur face à un risque qu’on voit. On a peur de quelque chose que l’on peut identifier. Par contre, » la vulnérabilité, c’est étymologiquement, le sentiment de pouvoir être blessé, sans savoir d’où peut venir la blessure, l’attaque ». Dans la vulnérabilité, chacun peut se représenter comme victime, à un moment donné. Or, » l’impact politique, social et économique de ce sentiment de vulnérabilité est le plus puissant, le plus déstabilisateur, et le plus confondant » (Denis Kessler, « Les assureurs travaillent sur les risques d’hyperterrorisme », Le Monde, 19 novembre 2015).
La vie économique est confrontée, selon le jargon des assureurs, par exemple, par trois genres de risque qui la mettent à l’épreuve : Act of God, les risques naturelles, Act of men, les risques technologiques et Act of devil, actes du diable, les destructions volontaires, intentionnelles des richesses et des hommes (Ibid.). Confronté à ces risques, les politiciens ont volontiers recours à des expédients : fermeture de frontières, contrôle des passagers etc. En France, l’extrême-droite a choisi comme expédients : la critique du processus de Schengen, la culpabilisation des migrants et les velléités de sortir de l’euro etc. Est-ce à dire qu’on doute de la capacité des politiques à résoudre le problème ?
La conjoncture sécuritaire remet à jour ou plutôt révise la hiérarchie des priorités. Des experts seraient plus en mesure d’apprécier les mesures prises, en Tunisie. Mais le tournant sécuritaire nous invite à engager une réflexion globale :
1 – Une plus grande prise en compte des attentes assurerait les conditions sine qua non de la mobilisation citoyenne. Les efforts pour le développement régional, la précarité et le chômage devraient être poursuivis et accentués. Dans ce cadre, la mise en place d’un programme spécial pour employer les jeunes dans les régions frontalières, notamment dans les régions montagneuses, a été une décision gouvernementale opportune.
2 – Le traitement de la question de « l’insécurité culturelle » : Une révision des programmes des ministères de l’Education et de la Culture contribuerait à faire face au déracinement et au vide culturel et à mettre en échec l’esprit d’inquisition. Cela permettrait d’assurer davantage l’investissement des valeurs de la République. Nous y reviendrons.
3 – L’application de l’idéaltype de la révolution tunisienne et la prise en compte des exigences de l’heure nécessiteraient davantage le recours aux compétences. Le fait majoritaire assure certes la stabilité gouvernementale recherchée. Mais une mobilisation des compétences, sans exclusion servirait notre pays mis à l’épreuve. Dans ces conditions, le gouvernement tunisien aurait besoin d’un appel d’air.
4 – Ultime exigence, définissant notre sursaut politique, économique et sécuritaire, il faudrait toujours, – ne serait-ce que dans les périodes critiques -, faire valoir la raison sur l’émotion.