Lotfi Azzouz, directeur du bureau de Tunis d’Amnesty International, a dévoilé dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com les résultats du rapport de l’organisation intitulé «Les victimes accusées: violences sexuelles et violences liées au genre en Tunisie».
Ce rapport est le résultat d’un travail mené par l’organisation pendant 2014 et 2015 suite à des rencontres avec plus de 40 victimes de violence sexuelle, médecins-légistes, psychologues, spécialistes en santé, ministère de l’Intérieur et ministère de la Femme : « Suite à ces rencontres, nous avons senti que les responsables sont dérerminés à mettre fin à la violence sexuelle et nous considérons que le contexte est propice pour honorer les engagements de la Tunisie sur ce volet surtout qu’il y a une Constitution garante des droits de la femme et que la Tunisie n’a plus de réserves sur la convention Sedaw », indique-t-il
Pour notre interlocuteur, malgré l’existence d’une certaine évolution, il estime cependant que le code pénal n’a pas connu d’évolution et plusieurs vieilles pratiques ont encore de beaux jours devant elles. A propos du Code pénal, Lotfi Azzouz a indiqué qu’il faut revoir la définition du viol : « Le viol conjugal n’est pas considéré un crime dans le Code pénal, donc nous demandons à ce que la définition du viol soit revisité tout en prenant en considération la loi internationale », explique-t-il.
Le rapport a recommandé la tenue d’un Conseil ministériel pour l’adoption du projet de loi global de lutte contre la violence contre la femme. Lotfi Azzouz a indiqué que le projet de loi a déjà été préparé en 2014 par le ministère de la Femme et a estimé qu’il contient plusieurs aspects positifs.
Sur un autre volet, notre interlocuteur a indiqué que le rapport recommande d’abolir la loi 230 du Code pénal et de dépénaliser les rapports sexuels entre les adultes consentants.
Le rapport s’est focalisé aussi sur le manque de soutien et d’encadrement pour les victimes des agressions sexuelles. A cet effet, il a indiqué l’existence d’un seul centre pour le soutien des victimes de la violence sexuelle à La Rabta. « Nous recommandons de généraliser ce service à d’autres centres dans les régions », dit-il.
Concernant le sujet de l’avortement, Lotfi Azzouz a indiqué qu’il ressort que plusieurs sages-femmes font de leur mieux pour dissuader les femmes désireuses d’avorter.
Sur un autre volet, notre interlocuteur a indiqué que dans les postes de police environ 80% des conflits familiaux se règlent sans faire l’objet de poursuite. Cependant certains dépassements sont signalés : » A propos des travailleuses du sexe et la communauté LGBT, elles se trouvent confrontées à des problèmes quand elles portent plainte au poste de police , d’après les témoignages que nous détenons », indique notre interlocuteur.
Répondant à une question posée par leconomistemaghrebin.com au sujet de ses attentes de la part de l’ARP après la publication du rapport, Lotfi Azzouz a indiqué « qu’en ce qui concerne le projet de loi globale de lutte contre la violence contre la femme, le viol conjugal, l’abolition de la loi permettant au violeur d’épouser sa victime, nous estimons qu’il est possible que ces demandes soient prises en compte, car plusieurs députés y sont favorables. Mais il n’en n’est pas de même pour l’article 230 du Code pénal, raison pour laquelle nous allons nous tourner vers le gouvernement à travers la société civile pour l’abolition de cette loi qui entre dans le cadre des libertés individuelles protégées par la Constitution », conclut-il.