Si les mouvements sociaux ne se sont pas arrêtés c’est parce qu’il y a une marginalisation de la question sociale par tous les gouvernements de l’après 14 janvier 2011, explique Hamza Meddeb chercheur au Centre Carnegie du Moyen-Orient ( Beyrouth), en revenant sur les dernières émeutes de Kasserine. Et de rappeler que la question sociale a été l’élément déclencheur de la révolution tunisienne. Cependant : « Les réponses qui ont été apportées aux demandes de la justice sociale et l’inclusion économique n’étaient pas adéquates ».
Il a critiqué les mécanismes d’emploi précaire à l’instar du Mécanisme 16, de la prime Amal et des travailleurs surchantiers : « Ce ne sont pas des mécanismes pour la création de l’emploi, mais juste pour l’achat de la paix sociale. Il ne s’agit pas d’une réponse solide pour résoudre la problématique de l’emploi ». Pour lui, il ne s’agit pas de mesures, mais de mesurettes qui visent à résorber le mécontentement social.
Revenant sur le rôle du gouvernement, M. Meddeb a regretté le fait que malgré sa légitimité et le fait qu’il soit bien appuyé, il n’a rien fait concernant la question sociale : « Il suffit de voir la loi de finances 2016 et les privilèges qui ont été donnés aux hommes d’affaires au détriment des autres classes sociales ».
Interrogé sur le fait de savoir pourquoi les jeunes chômeurs ne se lancent pas dans de petits projets et empruntent la voie de l’entrepreneuriat, Hamza Meddeb a estimé qu’il n’existe aucun accompagnement pour les chercheurs d’emploi et les jeunes qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat, notamment des bureaux d’emploi « qui sont complètement dépassés par les besoins du marché du travail, surtout il existe un grand décalage entre l’économie tunisienne et le système éducatif ».
80% des employés tunisiens n’ont pas dépassé le niveau du bac. Pour lui, cela veut dire que l’économie tunisienne est structurellement incapable d’intégrer des diplômés étant donné qu’elle s’appuie essentiellement sur des secteurs à faible contenu technologique et qu’elle n’est pas suffisamment compétitive».
Par ailleurs, le chercheur a indiqué que pour que les crédits de la BTS et de la BFPME soient efficaces et créateurs d’emploi, encore faut-il qu’ils soient accompagnés par un effort de la part de l’Etat visant à accorder des mesures préférentielles à ces entreprises sur les marchés publics afin de leur permettre de grandir et de se consolider. « Tous les gouvernements sont restés dans la perspective des mesurettes, or la crise est structurelle et nécessite des décisions courageuses et une restructuration de toutes les institutions qui s’occupent de l’emploi », conclut-il.