« Au lieu de freiner le bon déroulement des administrations et de multiplier les grèves, pourquoi ne se lancent-ils pas dans l’ entrepreneuriat? ». Souvent ceux qui posent cette question ne cherchent pas de réponses objectives, mais stigmatisent et portent un regard négatif sur les grévistes, les sit-inneurs et les mouvements sociaux.
D’autre part, cette interrogation semble être légitime à plus d’un titre. En premier lieu, plusieurs jeunes se sont lancés dans l’ entrepreneuriat et ont réussi. En deuxième lieu, les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis le 14 janvier 2011 ne cessent de souligner l’importance de l’ entrepreneuriat et les avantages qu’il engendre. Et en troisième lieu, tous les économistes sont unanimes sur le fait que la fonction publique ne peut pas résorber tout le chômage, d’où l’urgence d’emprunter d’autres voies alternatives.
Cherif Khraifi, l’un des fondateurs de l’Union des diplômés chômeurs (UDC), en 2005, parle en connaissance de cause. Car au-delà de son rôle au sein de l’UDC, il est au chômage depuis 11 ans. Pour lui, le fait que les chômeurs préfèrent le chômage avec tous ses maux au lieu de se lancer dans l’ entrepreneuriat, est explicable par un certain nombre d’arguments.
Trop de papier et lenteur administrative
Cherif Khraifi pointe du doigt « la bureaucratie, la lenteur administrative et une grande quantité de documents à fournir », difficultés auxquelles les diplômés chômeurs doivent faire face au moment où ils déposent leurs demandes pour l’obtention d’un prêt. Pour lui, le discours de l’Etat sur la facilitation d’accès aux crédits n’est que théorie. « Nous avons eu des cas avec des dossiers de projets pilotes préparés par les membres de l’union et qui n’ont pas bénéficié de financement », se rappelle-t-il.
Manque d’accompagnement technique
Une autre cause de l’échec des projets et/ou du renoncement des jeunes diplômés à l’ entrepreneuriat c’est qu’il n’y a : « aucun suivi ou assistance pour le projet après son lancement », indique notre interlocuteur »; car ajoute-t-il les bureaux qui assurent le suivi et l’accompagnement sont rares. De même, il a indiqué que les organismes donateurs de crédit devraient accorder le crédit, tout en s’assurant de sa réussite et étudier tous les facteurs de risque. Le cas contraire serait une dilapidation des deniers publics.
Absence de confiance dans le climat des affaires
Si un homme d’affaires expérimenté hésite à investir, que dire alors d’un jeune diplômé qui va obtenir un crédit pour entreprendre, s’interroge le fondateur de l’Union des diplômés chômeurs. Donc plusieurs chômeurs se disent que la possibilité d’échouer dans l’entrepreneuriat n’est pas à exclure, surtout après plusieurs années de chômage, à cause de l’instabilité économique et sociale du pays.
Mais où est le délai de grâce ?!
L’union avait déjà demandé à ce que la BTS accorde un délai de grâce (deux ou trois ans) pour les jeunes entrepreneurs. Cette demande s’est soldée par un échec. Cette demande se base sur un constat pur et simple : la majorité des projets ont besoin d’une durée pour s’affirmer, ce qui justifie la mise en place d’une période de grâce.
Et ce n’est pas uniquement pas cela. En effet, notre interlocuteur demeure septique quant à l’efficacité des dernières mesures annoncées par Habib Essid. Pour lui, l’augmentation du nombre des recrutements au sein de la fonction publique intervient dans l’institution militaire et sécuritaire et ne contribuera pas à la création de richesses.
Commentant la décision de l’annulation de l’autofinancement, M. Cherif a rappelé la position de tous les économistes qui ont estimé qu’une pareille décision relève du populisme, étant donné la mauvaise situation des banques publiques. « Les banques publiques se trouvent face à deux problèmes : leur situation difficile et l’absence de l’autofinancement, ce qui risque d’aggraver leur situation », regrette-t-il.