La Chambre nationale des producteurs de boissons alcoolisées a organisé aujourd’hui à Tunis une conférence de presse sur « la taxation des boissons alcoolisées après la promulgation du décret n°1768 du 10 novembre 2015 et la loi de finances 2016.
Le secteur viticole en Tunisie possède un grand potentiel de développement. Il pourrait attirer plusieurs importants investissements et créer plusieurs postes d’emploi. La Chambre nationale des producteurs de boissons alcoolisées prévoit envrion 60 à 70 jours de travail/ha/an qui comporte toutes les interventions de labeur, de traitement, d’enlèvement des sarments, de binage, de palissage en vert et récolte.
Toutefois, il y a ces dernières années des contraintes sur ce secteur. Le prix de vente a beaucoup diminué au regard des coûts de production assez élevés, ce qui a réduit la capacité des unités de production.
Cette situation s’est encore détériorée avec la promulgation du décret relatif à la taxation des boissons alcoolisées qui prévoit une baisse de 650% à 50% de la taxe imposée sur les alcools forts. Cela a eu un impact négatif sur les marchés du vin et des bières qui sont produits localement alors que les alcools forts, qui sont généralement importés, ne représentent qu’une faible part du marché.
La baisse de la taxation sur les alcools forts (liqueurs et autres) favorise les importateurs et les quatre producteurs locaux d’alcools forts au détriment des producteurs locaux de boissons alcoolisées.
C’est pourquoi, les producteurs de boissons alcoolisés considèrent ce décret comme une « mesure violente » à leur égard. « Il n’y a pas de logique dans cette loi. La lutte contre la contrebande des alcools forts, présenté comme argument pour ce décret n’est pas convaincant », a précisé Mohamed Ben Cheikh, président de la Chambre nationale des producteurs de boissons alcoolisées.
Sur le plan international, la taxation a toujours dégagé une motivation logique entre la taxation et le volume et le degré d’alcool. Pour les producteurs tunisiens des boissons alcoolisées, cette équation n’a pas été respectée. En ce sens qu’au lieu d’augmenter la taxe sur les produits à grande teneur d’alcool, la loi de finances 2016 l’a baissée en augmentant celle imposée aux boissons alcoolisées fabriquées localement où la quantité d’alcool varie entre 5% (bière) et 12% (vin).
Cette mesure pourrait, selon le président de la chambre, encourager les deux millions de consommateurs en Tunisie de migrer vers les alcools forts puisqu’ils sont moins chers. «L’approche de la taxation est fausse. Cette taxation, non conforme aux politiques de la santé publique, induira certes un changement de comportement de consommation auprès des consommateurs tunisiens. Cela explique en grande partie la baisse spectaculaire des prix des alcools forts et une hausse des ventes de ces produits d’environ 300% sur les deux derniers mois », a-t-il précisé lors de la conférence de presse.
Impact négatif sur le chiffre d’affaires des producteurs locaux et sur l’emploi
Pour expliciter la gravité des conséquences de ce décret sur les producteurs locaux de boissons alcoolisées, sur le marché de l’emploi et sur l’économie nationale, le président de la chambre n’a pas manqué de prouver par les chiffres la situation difficile du secteur. En effet, en Tunisie, la vingtaine d’entreprises de production de boissons alcoolisées assurent environ 25000 postes d’emploi directs. Les postes d’emploi indirectes sont de l’ordre de 80 000. Ce secteur fait travailler des milliers de personne entre viticulteurs (3 000 personnes), industriels et autres.
Selon les estimations présentées par le président de la chambre, la chute de la vente de la bière et du vin est d’environ 25%, ce qui impacte négativement le chiffre d’affaires des producteurs de boissons alcoolisées en Tunisie. Pour certaines sociétés, cette baisse a atteint environ 60% pour le mois de janvier dernier. Taxées à environ à 130% durant les trois dernières années, la bière et le vin génèrent à l’Etat des impôts annuels de 400 MD. Avec la baisse des ventes, l’Etat pourrait perdre 30% de ce montant. De plus, « la chute de la commercialisation des produits locaux se traduira par une mévente de la production agricole, ce qui conduira à une baisse des prix des matières premières. Je condamne la loi de finances 2016. Nous demandons au ministère des Finances la révision dudit décret», a affirmé M. Ben Cheikh.
Omar Slama, président de la Coopérative de Mornag, a de son côté, affirmé que l’entrée de ce secteur dans une crise pourrait causer à la Tunisie des pertes de parts de marché à l’export. « Ce secteur est très compétitif. La Tunisie exporte vers l’Allemagne, la Russie, la Chine… l’augmentation de la taxation sur les produits locaux n’encourage pas les investisseurs étrangers à investir dans ce secteur en Tunisie où le vin et la bière tunisienne sont considérés comme des produits culturels», a-t-il dit.
Que faire pour sauver le secteur ?
Interrogé sur les solutions possibles pour sortir de cette situation, le président de la Chambre nationale des producteurs de boissons alcoolisées a fait savoir que les producteurs mettront, après discussions, la pression sur les ministères concernés afin d’obtenir la révision du mode de taxation des produits alcoolisés. « Le ministère de la Santé devrait se pencher sur le transfert de la consommation vers les alcools forts à base d’alcool éthylique, avec toutes ses répercussions sur la santé des consommateurs, et demander la révision du décret puisqu’il met en danger la santé publique», a-t-il conclu.
Enfin, les deux parties sont tenues de trouver une solution à ce problème qui n’est pas causé uniquement par le décret en question, mais également par la la récession que connaissent certains secteurs comme le tourisme, qui constitue un débouché important pour le marché des boissons alcoolisées. De même, il n’est pas logique de continuer à taxer à 650% les alcools forts importés parce que dans certains cas le touriste constate que la bouteille d’alcool fort qu’il a payée coûte plus cher que sa chambre d’hôtel cinq étoiles !