Les montagnes suisses, les vaches suisses, le fromage suisse, le chocolat suisse, les montres suisses, la ponctualité suisse, la propreté suisse, et j’en oublie, mais pas l’essentiel : le fameux système bancaire suisse qui est tout, sauf un cliché et c’est tout naturellement, que j’en arrive aux fonds placés chez nos amis helvètes, par le clan de l’ancien président Zine El Abdine Ben Ali.
Après quatre années d’attente et d’accusations à peine voilées de laxisme, voire de double langage à l’endroit des autorités helvétiques, ces fonds vont-ils enfin être restitués à l’Etat tunisien? Le bon peuple va-il enfin voir la couleur de biens mal acquis qui se chiffrent en milliards de dollars? Deux questions et non des moindres, auxquelles il va falloir trouver des réponses et vite si on veut calmer une opinion publique gonflée à bloc et qui en est toujours à se demander jusqu’à quand le clan maudit va-t-il continuer à profiter des sommes colossales volées aux contribuables?
Une grosse colère mêlée à une certaine lassitude et un message clair que le président de la République, avec le tact qu’on lui connait, a sans doute transmis à ses hôtes suisses, chez qui il était en visite d’Etat.
Aura-il réussi à faire bouger les lignes dans un dossier qui n’a pas échappé à une pesanteur bureaucratique évidente dont on peut deviner les motivations. En tout cas, on peut se réjouir, qu’après avoir longtemps affirmé que la demande d’assistance juridique fournie par la partie tunisienne était sommaire, les autorités à Berne soient revenues à des sentiments allant dans le sens de l’assouplissement et de la facilitation des procédures en cours, combien même on sait leur souci tatillon à ce sujet.
Le fait que le procureur général de la Confédération Michael Lauder ait été en 2015 dans nos murs, peut laisser supposer que la gestion du dossier des avoirs spoliés est sur la bonne voie, d’autant que ce dernier a parlé de la possibilité de restituer d’ici peu et dans un premier temps, quelque 60 millions de francs suisses appartenant à la famille élargie de l’ancien président.
Comme pour rassurer ses interlocuteurs tunisiens devenus circonspects par la force des choses, le magistrat suisse a tenu à souligner que le dossier était actuellement en phase décisive et que la progression des enquêtes était importante. On veut d’autant plus bien le croire sur parole que jusque là, c’est le langage diplomatique bien huilé qui a prévalu. Je ne sais pas, si dans la foulée, le chef de l’Etat et son ex-ministre des Affaires étrangères Taïeb Baccouche qui l’a précédé à Berne, ont réussi à convaincre leurs hôtes de la nécessité d’envoyer un signal au peuple tunisien qui attend un geste. Je ne sais pas non plus si les autorités confédérales vont tenir leurs promesses et accélérer les choses, même si on sait d’avance que la tache est rude pour déverrouiller un système bancaire dont on dit qu’il n’a pas son pareil pour accueillir et recycler à l’abri des regards indiscrets, les capitaux étrangers suspects.
Faut-il rappeler dans ce contexte qu’à l’origine, la fortune du clan déposée dans les banques suisses était estimée à environ 60 millions d’euros, un chiffre revu à la baisse pour atteindre les 43 millions d’euros, après le blanchiment par la justice suisse de certains membres de la famille?
Faut-il également rappeler que le seul pays à avoir restitué à ce jour les avoirs de la famille du président déchu (Son épouse Leila Trabelsi en l’occurrence), a été le Liban? Cela, sans oublier de mentionner que la plupart des procédures, engagées par les gouvernements tunisiens successifs, n’ont pas bougé d’un iota, ce qui décuple le mérite des autorités libanaises qui ont affiché dés le début leur entière disposition à coopérer et on a vu le résultat, même si l’ancien président provisoire Moncef Marzouki en a fait honteusement un usage détourné dans le cadre d’une mascarade qui a complément occulté le rôle de notre mission diplomatique à Beyrouth et celui de la Banque centrale, et que personne n’a oublié.
Cela dit et tout angélisme mis à part, je trouve extrêmement dommageable le fait qu’un Etat qui n’a eu cesse, et c’est à son honneur, de dénoncer avec vigueur les dérives totalitaires et mafieuses de l’ancien régime, quitte à provoquer une crise diplomatique qui a abouti à une rétrogradation du niveau de la représentation diplomatique à celui de chargé d’affaires ( Votre humble serviteur en sait quelque chose), et qui par la suite a applaudi, puis encouragé la révolution, en vienne aujourd’hui à s’embarrasser de questions procédurales pour retarder la restitution de biens spoliés, en ajoutant au ressentiment du citoyen lambda qui ne comprend pas qu’un pays démocratique comme la Suisse puisse s’en tenir à de tels scrupules.
On verra bien si après le passage à Berne du président Béji Caid Essebsi, toutes les appréhensions vont être levées ou pas.