Lors de la première journée du Forum du Futur, organisé les 24 et 25 février à Tunis, ayant pour thème «Les choix fondamentaux économiques et sociaux en vue de consolider la démocratie en Tunisie», Mohamed Haddar, président de l’Association des Économistes Tunisiens (ASECTU), a annoncé que pour une économie plus inclusive et équitable, un système productif créant suffisamment de richesses et d’emplois pour les différentes franges de la société s’impose.
Ainsi, la réforme du système fiscal et des dépenses publiques est primordiale, car elle va permettre de corriger les inégalités et favoriser des transferts sociaux ciblés.
Dans le même sillage, la réforme du système de sécurité sociale est incontournable afin de pouvoir continuer à protéger les citoyens de certains risques tels que le chômage, la maladie, la vieillesse, la vulnérabilité et la marginalisation.
«En Tunisie, ces facteurs de progrès de l’inclusion et de l’équité ont été handicapés par la superficialité des réformes engagées durant ces cinq dernières années. D’ailleurs, il est paradoxal que les politiques et programmes n’aient subi pratiquement aucune remise en cause sérieuse depuis une longue date, alors que le contexte a évolué depuis fort longtemps. Si bien qu’on a gardé un système de transferts tous azimuts et donc, inefficient, et une répartition inéquitable de la charge fiscale», a précisé M. Haddar.
Et d’ajouter qu’à cet égard, un certain nombre de choix fondamentaux sont à définir et qui détermineront dans quelle mesure les objectifs d’inclusion et d’équité peuvent être atteints.
Il s’agit, en premier lieu, de la création d’entreprises et d’emplois. Au-delà des politiques, au niveau national, qui visent l’accélération du rythme de création d’entreprises et d’emplois de meilleure qualité, quelles politiques spécifiques doit-on envisager pour inclure dans le circuit économique aussi bien les jeunes que les femmes? L’inclusion de ces deux composantes de la société n’est pas uniquement, selon ses dires, une question d’équité sociale, mais aussi une question de mise en valeur d’un capital humain accumulé et une ouverture des opportunités aux jeunes et aux femmes pour la réalisation de leur potentiel.
Au volet de la fiscalité, le président de l’ASECTU a précisé que comparativement à des pays similaires et concurrents, en Tunisie, «le taux de pression fiscale de près de 20-22% est jugé relativement élevé, et la répartition de l’impôt est inacceptable et inégalitaire. D’ailleurs, l’impôt direct sur le revenu provient à raison de 81% des impôts sur les salaires. De même, l’impôt sur les sociétés est supporté à hauteur de 80% par seulement 5% des entreprises tunisiennes. Le régime forfaitaire ne représente, quant à lui, qu’environ 0,2% du total des recettes fiscales. Certains estiment la fraude fiscale à environ 30% des recettes fiscales avant la révolution et il est fort probable qu’elle se situe actuellement à un niveau supérieur».
Pour revenir au système de protection sociale, Mohamed Haddar estime que les déséquilibres croissants des régimes de sécurité sociale constituent un risque pour la pérennité de cet acquis social. «Le taux de couverture sociale des salariés assujettis aux régimes gérés par la CNSS est faible. Le taux effectif de la couverture est, pour sa part, considérablement moins élevé pour les catégories à faible revenu. Les programmes d’aide aux familles nécessiteuses (PNAFN) et d’aide médicale gratuite (AMG1) souffrent d’un problème de ciblage, de problèmes d’accessibilité aux soins et d’absence d’approche participative qui permettrait de mieux lutter contre la pauvreté en favorisant la transparence.
Face à ces lacunes, il importe de concilier urgemment les objectifs de couverture généralisée de la sécurité sociale et les politiques audacieuses à mettre en oeuvre pour le financement des régimes de retraite et de santé.