Cinq ans après son déclenchement, le Printemps arabe n’a pas réalisé ses promesses et la transition économique peine à se réaliser. Et pourtant, les indicateurs économiques avant le printemps arabe étaient performants.
« Le Printemps arabe, cinq ans plus tard », tel est l’intitulé de l’étude réalisée conjointement entre la JICA et l’institution de Brookings, par le chercheur non résident à l’institution de Brookings et le vice-président de la Banque mondiale.
Cette étude essaie de tirer les leçons économiques du Printemps arabe et de présenter des recommandations pour le futur, d’après le professeur qui a pris soin de présenter les résultats de l’étude, lors d’un séminaire sur le développement régional inclusif et durable en Tunisie organisé par la JICA, hier, 16 mars à Tunis.
Il suffit de regarder la situation économiques dans les pays qui ont connu le Printemps arabe « pour comprendre que la période qui l’a précédé était une période de bonne croissance qui s’est accélérée juste avant le déclenchement des soulèvements arabes », indique-t-il.
En Tunisie, le taux de croissance d’avant la révolution était de 1991 à 1994 (4.6%), de 1995-99 (5.2%), de 2004-2004 (4.5%) et 2005-2010 (4.4%). Pour le cas de l’Egypte et pour les mêmes périodes, selon les estimations de l’auteur les taux de croissance en moyenne ont atteint 2,4%, 5.8%, 3.9% et 5.9%. Ainsi, pour le professeur ce n’est pas le manque de croissance qui a généré la révolution.
Et pourtant les données de l’enquête mondiale sur les valeurs (World Values Survey) indiquent l’insatisfaction et le mécontentement des interrogés sur la transition dans le monde arabe. Les résultats varient entre non satisfait et pas heureux. Ainsi une autre thèse est proposée, le Printemps arabe n’est pas mû par des revendications économiques mais plutôt des revendications politiques, la preuve que les pays concernés sont au bas de l’échelle en matière de gouvernance, d’après la Banque mondiale. Pour le cas de la Tunisie, elle a obtenu les notes suivantes : Voix et responsabilisation 10.0 ; Stabilité politique 44.3 ; Efficacité des pouvoirs publics 63.2 ; Qualité de la réglementation, 53.1 ; Application des lois 59.7 et lutte contre la corruption 54.8.
D’ailleurs, lors d’une étude réalisée par la Banque mondiale suite au 14 janvier et en interrogeant les Tunisiens sur les raisons de la chute de Ben Ali, plus de 60% des interrogés ont évoqué des raisons économiques et 15% ont pointé du doigt la corruption. « Ainsi nous avons un pays dont la croissance augmente avec un PIB par tête qui augmente mais cela n’a pas empêché le déclenchement de la révolution alors qu’on déclare que l’économie est la cause la plus importante de la révolution et ceci pose un certain nombre de questions », indique-t-il.
Le groupe d’économistes qui a mené cette étude a abouti au fait que la plupart des populations arabes n’ont rien perçu de la croissance et qu’elle n’était pas inclusive, indique-t-il.
Mais qui sont les exclus dans les pays qui ont connu le Printemps arabe ? D’après l’intervenant, il s’agit des jeunes des et des petits exploitants agricoles.
En premier, c’est surtout la catégorie des jeunes qui souffrent d’exclusion économique et les études ont montré que les jeunes ayant des diplômes se sentent plus exclus que les jeunes non diplômés. D’après l’Organisation internationale du travail le taux de chômage chez les jeunes a atteint 29.4% en 2010 et 2011. « Si un jeune diplômé universitaire n’arrive pas à trouver un emploi après des années d’étude, cela explique sa révolte », argumente-t-il.
Les femmes souffrent elles aussi de l’exclusion sociale étant donné que le taux de chômage des femmes est plus important que celui des hommes. « L’exclusion des femmes est un phénomène dangereux car il rend l’inclusion beaucoup plus difficile », indique-t-il. Et de poursuivre : « On peut définir l’inclusion économique comme un élargissement de la taille de la classe moyenne mais la classe moyenne par définition est constituée d’adultes qui travaillent et c’est partout pareil dans le monde ».
Les pays du Printemps arabe doivent se mobiliser dans quatre domaines prioritaires :
-La réforme institutionnelle pour améliorer la mise en œuvre des politiques et programmes
-Les réformes de l’environnement des affaires, en particulier pour les PME et l’entrepreneuriat
-L’amélioration de la qualité de l’éducation
-Développement rural et soutien aux régions en retard de développement.