Alors que la foire du livre, dans sa 32 ème édition, a démarré le 27 mars jusqu’au 3 avril, les Tunisiens lisent de moins en moins, révèle une récente étude d’Emrhod Consulting.
Ils sont huit Tunisiens sur dix à avouer ne pas posséder de livres à la maison en dehors des journaux, magazines, livres scolaires et le Coran. Pourquoi? Parce qu’ils préfèrent le consacrer à d’autres loisirs comme Facebbok, ou pour la simple et la bonne raison qu’ils n’ont plus de temps libre. En moyenne, les Tunisiens n’ont pas acheté de livres durant l’année, ils sont 82%. Mais qui sont les lecteurs du livre papier?
“Mais pas de panique, la lecture ne va pas pour autant disparaître, il y a des gens qui continuent à lire et qui achètent”, a confié Mourad, un fonctionnaire, rencontré hier dans l’après-midi à la foire. Il poursuit: “ Personnellement, je fais partie de la génération qui lit, cela le hobby préféré de ma génération. Je trouve que le fossé se creuse de plus en plus entre les générations. Le problème à mon avis est lié à un problème de mentalité et d’éducation. Si les parents apprenaient à leurs enfants l’importance de la lecture, ces mêmes enfants auraient une autre perception de la vie. A titre d’exemple, au lieu d’acheter un portable qui coûte deux mille dinars, pourquoi ne pas les investir dans l’achat des livres, ou dans une bibliothèque. C’est la faute aux parents qui n’ont pas éduqué leurs enfants à lire, avant de dormir, au moins une dizaine pages. Comment voulez-vous, une fois adultes, qu’ils aient conscience de l’importance de la lecture ? ».
Les prix des livres sont-ils abordables?
Personnellement, j’ai acheté quatre livres pour 80 dinars. Ce ne sont pas de grands livres mais il y a de quoi lire. Certains livres spécialisés arrivent à coûter 200 dinars. Cela dit, les livres restent chers”, ajoute-t-il.
Pour Leïla, une des anciennes élèves de l’école de la rue du Pacha, accompagnée de trois de ses collègues, nous confie : « Nous avons visité les stands de deux ou trois maisons d’édition, nous avons trouvé les livres qu’il nous faut. En tant qu’association des anciens de l’école de la rue du Pacha, nous disposons d’une bibliothèque. Cette année, nous avons trouvé des titres, contrairement à l’année dernière. Quant aux prix cela diffère, les livres en arabe sont assez abordables, ce qui n’est pas le cas pour les livres en français qui peuvent coûter jusqu’à 50 dinars. On peut arriver à débourser 500 dinars, ce qui est tout de même énorme, même avec une réduction de 20%. Chaque année les prix augmentent alors que nos budgets restent les mêmes ».
Elle continue : « Je trouve que c’est bien organisé, mais le petit bémol, pour les personnes âgées comme nous, il n’y a pas de bancs pour se reposer. Dans ces conditions, on ne peut pas s’attarder autant que l’on voudrait ».
« Entre le côté organisation, le prix des livres, les stands sont presque vides », affirme Ahlem, rencontrée au stand de “El Kitab”. Pour elle, les livres sont tout de même chers, même avec une remise de 20 %.
Elle indique : « Bon, j’ai acheté quelques livres. Vous savez, cela fait vingt ans que je ne rate aucune édition, mais cette fois-ci, je n’ai pas trouvé mon compte cette année, d’habitude il y avait un stand éco-livre consacré à la vente des livres d’occasion. Cette année, je ne la vois plus”.
De son côté, Raja raconte: “ J’ai observé que les éditeurs se plaignaient, parce que beaucoup de personnes n’achètent pas. A mon avis, des gens lisent plus sur internet qu’acheter un bouquin, en particulier les jeunes.
Comment expliquer ce désintérêt pour la lecture ?
Elle poursuit : « Les gens n’ont plus les moyens. Forcément ils considèrent que le livre est un luxe. Ils achètent des livres scolaires et ça s’arrête là, mais le goût de la lecture, je ne le vois plus chez le Tunisien. Je pense qu’il faut réviser la période de la foire, à la fin des vacances, les gens ont déjà tout dépensé ».
Elle conclut : « Peut-être qu’il faudrait faire une étude. Où sont passés les intellectuels arabes qu’ils soient égyptiens ou libanais, présents lors de l’édition de l’année dernière ? Les gens faisaient le déplacement pour voir Adonis, Kamel Daoud. Aujourd’hui on n’entend parler que de séminaires sur le terrorisme, même sur les plateaux TV, les gens en ont marre. Venir à la foire pour écouter une conférence sur le terrorisme, non merci, sans façon ! ».
Même si la lecture reste une des rares activités à ne jamais passer de mode, aujourd’hui elle aurait besoin d’être remise au goût du jour. C’est le défi que les acteurs du domaine, des éditeurs et autres libraires sont décidés à relever et qui, à l’occasion de la Foire du livre, ont remis la lecture à l’honneur, avec le plaisir de lire car comme disait l’écrivain Joseph Addison : “La lecture est à l’esprit ce que l’exercice est au corps”.