Si elle souhaite réduire le fort déficit logistique national, la Tunisie doit adopter une série de politiques englobant des solutions à court, moyen et long terme.
L’infrastructure des transports est certes le principal facteur qui explique le faible rendement logistique, mais quelques solutions »souples » sont également susceptibles d’améliorer la logistique.
A court terme, il s’agit de mettre en œuvre simultanément des politiques actives permettant d’améliorer le transport de biens et services avec les infrastructures existantes. Ces actions sont liées à l’institutionnalisation et à la gouvernance autour d’une politique de logistique intégrée, à une offre de services de stockage modernes, à l’efficacité des procédures douanières et de certification, à l’intégration des technologies de l’information et de la communication pour la logistique, ainsi qu’à la promotion de la concurrence dans le secteur du transport, de la manutention et la gestion portuaires. Ces éléments peuvent permettre d’encourager une utilisation efficace des infrastructures disponibles et de limiter les coûts logistiques.
L’offre de services de qualité dans le transport routier de marchandises est très marginalisée et faible. Ce secteur est dominé par des micro-entreprises non structurées sur les plans financier et commercial. Ces entreprises n’investissent pas et ne respectent souvent pas la réglementation en vigueur. Le transport routier rapide et fiable est le fait d’un très petit nombre d’entreprises.
Les opérateurs logistiques qui veulent s’installer en Tunisie peinent à trouver des entreprises suffisamment fiables pour sous-traiter les opérations de transport et doivent investir et contrôler eux-mêmes cette partie de la chaîne. La mise à niveau du secteur s’impose et ce changement impliquerait une intervention des pouvoirs publics et des opérateurs privés.
Le faible développement des prestataires logistiques et le manque de sensibilisation à l’importance de la logistique parmi les entreprises tunisiennes ne contribuent pas à l’émergence de ces services. Seulement une poignée d’entreprises propose des services logistiques liés au transport. L’offre de conseil en logistique est quasiment inexistante. Les entreprises tunisiennes ont généralement peu intégré la démarche de la gestion logistique optimisée, considérée comme un facteur important de compétitivité.
Pourtant beaucoup doivent répondre rapidement à des défis importants. Pour s’adapter à l’évolution des donneurs d’ordre et ainsi passer de sous-traitant à cotraitant, les entreprises, notamment dans le domaine de l’industrie de la mécanique et électrique, doivent intégrer de nouvelles fonctions logistiques, notamment dans la chaîne en amont de la production.
Les contraintes globales au développement des activités logistiques tiennent à des causes comme l’accès au foncier pour les zones d’activité logistiques ou bien à l’environnement fiscal ou réglementaire. Les zones d’activité logistiques, répondant aux normes européennes ou américaines, devraient être l’un des objectifs des autorités tunisiennes car ces installations ont largement permis de diviser les coûts logistiques par deux aux Etats-Unis dans les deux dernières décennies. Enfin, l’offre de formation est mal calibrée aux besoins des entreprises, notamment en ce qui concerne les fonctions spécialisées de la logistique.
A l’exportation, les coûts et délais du passage du port de Radès sont des handicaps sérieux. Le coût de la traversée maritime est surtout un handicap majeur pour le transport international routier. Ceci s’explique par l’addition de trois postes quasiment équivalents: des coûts de surestarie très élevés au port de Radès qui s’élèvent à environ 300 millions USD/an, des coûts additionnels liés à la longévité de la durée d’enlèvement et un coût du passage maritime plutôt élevé en dépit de l’introduction de concurrence dans quelques services maritimes.
A l’importation, les coûts et délais liés au passage portuaire à Radès restent trop élevés. Pour un conteneur, le coût du passage portuaire à Radès est l’un des plus élevés de la Méditerranée et est bien supérieur aux tarifs pratiqués en Europe. A l’importation au port de Radès, il faut plusieurs jours entre l’arrivée de la marchandise et sa sortie, dépassant de loin ce qui se passent dans les autres ports de la région de la Méditerranée.
Ces délais sont imputables à de nombreux facteurs, dont par exemple, un manque de coopération entre les acteurs, notamment l’absence d’une culture de facilitation portuaire. La mise en œuvre des procédures est relativement lourde, la gestion de l’information pas assez efficace et les technologies de l’information peu utilisées. Plus que l’infrastructure, ces problèmes organisationnels sont la raison derrière l’encombrement des conteneurs au port de Radès.
Le transport routier international est particulièrement vulnérable aux activités illégales. C’est un sujet majeur d’inquiétude pour les opérateurs de transport et les investisseurs internationaux. Il n’existe pas d’aires de stationnement sécurisées à l’approche des ports de la Tunisie. En outre, la sûreté des ports doit être substantiellement renforcée pour aller au-delà du respect des normes internationales ISPS et faire face aux contraintes spécifiques en Tunisie.
Pour un plan d’action ambitieux
La réussite de la transition de la Tunisie vers une logistique moderne passe par la réalisation de deux grands objectifs précités:
- L’amélioration de la logistique extérieure de la Tunisie, notamment dans sa relation avec l’Union européenne et l’Asie;
- Le développement de la logistique comme vecteur d’activité en Tunisie, à la fois au travers du développement de nouveaux services, mais aussi par la diffusion d’attitudes et pratiques modernes dans les entreprises tunisiennes exportatrices ainsi que celles qui produisent sur le marché local.
Il faut noter qu’il s’agit d’un sujet transversal qui recoupe beaucoup de thèmes d’interventions qui, le plus souvent, relèvent de champs d’action partagés entre le secteur public et le secteur privé. Le développement de la logistique ne pourra se réaliser sans la mise en œuvre d’une coopération entre l’Etat, les entreprises et les organismes spécialisés dans le développement économique ou la formation.
Pour tirer pleinement profit du potentiel d’amélioration lié à une meilleure logistique en Tunisie, une coopération tripartite entre l’Etat, le secteur privé et les organismes spécialisés dans le développement économique ou la formation est nécessaire. L’intérêt porté par les organisations professionnelles, pour la logistique, justifie d’engager un tel projet. Son intérêt est d’avoir un caractère contractuel et d’identifier précisément les responsabilités de mise en œuvre des actions qui composent le projet.
Un facteur clé de la réussite du plan d’action sera la capacité à vraiment impliquer les entreprises directement concernées par les mesures. C’est vrai non seulement pour la définition des actions, mais aussi leur mise en œuvre. Etre à l’écoute des opérateurs est également fondamental pour la mesure des résultats et la capacité à faire évoluer les actions proposées dans le domaine des services publics. C’est pourquoi le pilotage du plan d’action devra être épaulé par une capacité de collecte d’indicateurs auprès du public et du privé sous formes d’enquêtes d’utilisateurs de ces services par exemple, mais surtout suivies par des mesures et des actions correctives. La coopération pourrait comporter trois axes principaux:
- Une structure de pilotage privée-publique dont la fonction serait de mobiliser les acteurs, superviser la mise en œuvre des projets confiés aux chefs de file compétents et mesurer les résultats. Un projet de création d’une Agence de promotion de la logistique et d’un Observatoire national de la logistique a été préparé en 2014 et peine à voir le jour!
- Des projets visant à accompagner les grandes réformes en Tunisie, telles que celles des ports, du foncier, du transport routier, du transport ferroviaire et aérien, de la législation, …
- Des initiatives ayant un caractère transversal destinées à développer la logistique en Tunisie, à la fois au travers de nouveaux services, mais aussi par la diffusion d’attitudes et pratiques modernes dans les entreprises tunisiennes.