Une assemblée extraordinaire a été organisée le 3 avril, au Palais des congrès à Tunis, par les structures médicales et syndicales: Conseil national de l’Ordre des médecins ( CNOM ), du Conseil national de l’Ordre des médecins dentistes ( CNOMD ), Syndicat tunisien des médecins de libre pratique ( STML ), du syndicat Union des médecins spécialistes libéraux ( UMSL ) et Syndicat tunisien des médecins dentistes de libre pratique ( STMDLP ).
Lors de cette assemblée, les médecins ont été unanimes sur la nécessité d’amender l’article 22 de la loi de finances 2016 et de rejeter la note commune du 12 février 2016 du ministère des Finances. En marge de l’assemblée, le président du Conseil National de l’Ordre des médecins ( CNOM ) et porte-parole du collectif est revenu sur un certain nombre de points pour les lecteurs de leconomistemaghrebin.com.
D’après Nabil Ben Zineb, « nous assistons à une campagne de dénigrement des médecins qui dure depuis quelque temps ». Pour le président du CNOM, la campagne s’articule autour de trois grands axes :
- Les médecins sont de mauvais citoyens dans le sens où ils refusent d’aller travailler dans les régions défavorisées;
- Les médecins sont de mauvais citoyens car ils ne paient pas leurs impôts;
- Les médecins sont de mauvais praticiens parce qu’ils se trompent beaucoup (erreurs médicales.)
Par ailleurs, le docteur a avoué qu’il existe un déficit de communication de la part des structures médicales et syndicales pour expliquer à l’opinion publique la réalité des choses.
Pour Nabil Ben Zineb, la loi de finances 2016 contient des anomalies sur un certain nombre de points. Notre interlocuteur a regretté que la loi de finances 2016 consacre le principe de la TVA sur la maladie, sur les actes de soin et de diagnostic fait par les médecins. « Nous trouvons qu’un citoyen malade est amené à payer plus d’impôt à cause de cette loi par rapport à un citoyen en bonne santé. Ethiquement, c’est inacceptable » dit-t-il; avant d’expliquer: « Lorsqu’un médecin fait un acte de soin, de consultation, ou un acte chirurgical, il va percevoir ses honoraires et doit les majorer de 6%.
Cette somme collectée par le médecin doit être déposée à la recette des finances avant le 15 de chaque mois. Cette taxation des actes de diagnostic et de traitement figure sur le code de la TVA qui a été promulgué en 1988 et appliqué sur les actes médicaux en 1994, puis en 2016, dans le cadre de la loi de finances.
Note d’honoraires vs secret médical
Commençons tout d’abord par définir ce qu’est une note d’honoraire. C’est une facture sur laquelle, figure l’identité du patient, l’acte dont il a bénéficié, le montant total plus la taxe de 6%. Pour Nabil Ben Zineb, le fait d’établir des factures, fait que la médecine est considérée comme profession commerciale. « Or la médecine n’a jamais été exercée comme un commerce et cela est clairement énoncé dans le code déontologique tunisien ». Et ce n’est pas uniquement de cela dont il s’agit. La note d’honoraire constitue une transgression claire et nette du secret médical: « Nous sommes très sensible au secret médical. Le secret médical est une obligation déontologique qui figure à l’article 8 du code de la déontologie », précise-t-il.
Par ailleurs, l’utilisation du terme note d’honoraires » est un problème en lui-même. « La note d’honoraires figure au niveau de l’article 42 du code de déontologie pour désigner une relation de confiance entre le médecin et le patient, mais ce n’est pas une pièce comptable », explique-t-il.
Et de continuer: « Si le ministre des Finances veut établir une nouvelle pièce comptable qu’il appelle déclaration journalière de revenu, imposition perçue par le médecin auprès du patient. Qu’il cherche une autre appellation qui n’ait rien à voir avec la note d’honoraires. C’est la parade qu’a trouver le législateur pour éviter le terme facture, mais il est bien précisé que là où existe le terme facture on doit lui ajouter le terme note d’honoraires et que ces deux termes ont quasiment les mêmes obligations. »
Pouvoir exorbitant de l’administration fiscale
D’après notre interlocuteur, l’administration fiscale exerce un pouvoir absolu sur la fiscalité: cette administration dispose d’un pouvoir absolu pour décréter une note d’honoraires conforme ou non conforme à la réglementation estime-t-il.« En cas de fausse déclaration, le médecin est passible de peine pénale de 15 jours à trois ans de prison et nous estimons qu’on ne peut pas mettre les médecins sous le coup de l’administration fiscale avec des dérapages envisageables de cette administration. Nous sommes victimes de tentatives de corruption dans les relations entre les médecins et l’administration fiscale avant même l’adoption de cette loi », remarque-t-il.
À tous ces reproches, vient s’ajouter l’absence de toute concertation et de tout dialogue avec les structures médicales lors de la préparation de la loi de finances 2016, d’après le président du CNOM.
Le problème de la répartition territoriale
Expliquant le manque de médecin de libre pratique dans les régions de l’intérieur, il a indiqué que cela est du au manque de développement de ces régions. « Plus les régions sont développées, plus elles vont être peuplées, plus le pouvoir d’achat est important et rappelons que pour la médecine libérale le patient débourse de sa poche. La répartition entre les régions étant inégale, la tendance vers l’égalité entre zones côtières et zones de l’intérieur ne peut être obtenue que par le développement intégral des zones intérieures », recommande-t-il.
A ceux qui nous accusent de refuser de travailler dans les zones de l’intérieur
« La médecine ne s’exerce plus à main nue. C’est ainsi que Nabil Ben Zineb a entamé sa réponse à la question. Pour lui, la médecine a besoin de tout un environnement adéquat. Argumentant son idée, il a donné un exemple: « Pour un gynécologue-obstétricien qui va assurer l’accouchement, il a besoin d’un laboratoire pour faire les analyses de sang, de transfusion en cas de saignement, d’un médecin anesthésiste, d’un pédiatre pour prendre soin du nouveau-né. Si ce gynécologue-obstétricien est placé tout seul dans une zone de l’intérieur sans équipement et sans équipe paramédicale et sans les spécialités interdépendantes, il risque de ne pas donner le résultat escompté », explique-t-il.
Dans le même contexte, il a indiqué qu’il ne suffit pas de parachuter un médecin spécialiste dans une région pour résoudre le problème de la santé dans les régions de l’intérieur. La preuve: « Plusieurs démissions ont été reçues de médecins exerçant dans ces régions et plusieurs demandes de mutation ont été déposées à cause des conditions du travail. Il faut améliorer l’équipement et tout le cadre environnant avant de placer les médecins », indique-t-il.
Pour toutes ces raisons, les médecins ont décidé de demander un moratoire sur l’application de l’article 22 de la loi de finances 2016 relatif à la médecine, le lancement d’une campagne de sensibilisation des partis au pouvoir et une demande officiellement pour une audition au sein de la commission des finances de l’Arp pour demander l’amendement de l’article en question dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2016 ou de la loi de finances 2017.
L’article 22 de la loi des Finances (2016) :