La classe politique vit une conjoncture de repositionnement. La crise de Nida Tounes, la naissance du parti « Nouveau projet » et le processus d’introspection d’Ennahdha semblent remettre en cause l’accord post-électoral.
La gestion gouvernementale aurait dû être, logiquement, soutenue par son propre camp, à savoir la coalition gouvernementale qui l’a formé. Des dirigeants du parti Afak critiquent volontiers le gouvernement. Certains de leurs représentants au parlement ont voté contre le projet de statut de la Banque Centrale de Tunisie, qui est passé in extremis, grâce à la voix d’un opposant.
Or, ce projet de loi a été l’objet d’étude, de concertation et d’accord des députés de la coalition. Cet état de fait annonce l’éventuelle opposition de certains députés de la coalition aux réformes sociales et économiques que le gouvernement met à l’ordre du jour. Le départ du chef du gouvernement est d’ailleurs pressenti, ainsi que celui du président du parlement. Il ne s’agit guère, en la circonstance, de simples rumeurs mais des négociations « sous-table », selon un dirigeant.
Le projet de former un nouveau blog, appelé al-Wasat, intégrant les blogs de Nida, al-Horra, Afak, al-Watani et les différents députés indépendants, prônant l’idéologie médiane, devait empêcher la prééminence d’Ennahdha, comme premier parti au parlement. Sous couvert de désir d’union, ce projet rétablirait les députés d’al-Horra dans la majorité et relativiserait Nida-Tounes, par son intégration, dans un grand ensemble.
Afak joue dans la cour des grands et se montre soucieux de transgresser sa représentation effective (8 sièges seulement). Refus catégorique de Nida, il accuse Afaq de complot contre le parti et le gouvernement (réunion du comité de coordination de la coalition gouvernementale, le 14 avril). Ennahdha estime que l’initiative d’Afak a pour objectif de l’écarter du gouvernement (ibid.).
Répartition des blogs au sein du parlement
Ennahdha | Nidaa Tounes | Al Horra | l’UPL | Afak |
69 députés | 56 députés | 28 députés | 14 députés | 8 députés |
Ainsi, au vu de cette nouvelle répartition, le mouvement Ennahdha se positionne comme étant le premier bloc parlementaire avec 69 députés, suivi de Nidaa Tounes (qui perd sa première place). Prenant acte du jeu politique, qui le relativise, ce Nida est dans le désarroi.
Par une correction du tir, il devrait regagner auprès de ses militants une légitimité qu’il semble avoir perdue auprès de ses électeurs. Mais comment réconcilier les chefs des sous-courants, alors qu’il n’y a pas de leader naturel de remplacement qui émerge, après la démission du fondateur ? Plus préparée, Ennahdha organise son congrès et met le cap sur les élections municipales de 2017.
Fait grave, les sit-in territoriaux (Sud, Kerkennah et au-delà), les manifestations de certaines catégories sociales (chômeurs, diplômés sans travail) et les contestations d’autres corps de métiers (avocats, médecins etc.) attestent un désaveu du gouvernement et de la classe politique.
Les partis politiques devraient se rappeler que les militants ne sont pas de simples rabatteurs de voix. Ils devraient être consultés et mis au courant des programmes. Plus à l’écoute des attentes, les partis politiques au pouvoir devraient formuler leurs visions et transmettre les revendications au gouvernement. Vu l’impératif de la cogestion, ils devraient lui assurer leur soutien pour mieux appréhender la société post-révolution.