Une étude récente intitulée « The caliphate’s global workforce : an inside look at the islamic state’s foreign fighter paper trail », publiée par l’académie militaire West Point au mois d’avril, vient déconstruire un certain nombre de préjugés et de dogmes sur le profil des combattants dans les organisations terroristes.
L’étude en question a été traduite et résumée sur le site de l’Unité de recherche en phénomène religieux, relevant de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba, par le chercheur Wael Zamit.
La valeur ajoutée de cette étude consiste dans le fait qu’elle se base sur plus de 4600 documents collectés entre 2013 et 2014, à savoir des fiches de renseignements remplies par les combattants qui ont rejoint Daech. Ainsi, chaque fiche contient tous les renseignements nécessaires sur le combattant (nom et prénom, niveau d’étude, nationalité, ancienne profession, degré de connaissance en Chariaa, pays visités etc.). Une autre case a été réservée aux compétences dont il dispose.
Wael Zamit explique que les raisons pour lesquelles Daech a eu recours à ce genre de fiches de renseignement sont essentiellement liées aux leçons du passé. En effet, en 2008, « l’Etat islamique en Irak » avait préparé une note d’évaluation pour les défaites qu’il a subies en 2006 et 2007, tout en indiquant que les raisons des échecs sont dues à l’incompétence des leaders à exploiter les compétences de leurs combattants.
L’étude en chiffres :
- Il s’agit de centaines de terroristes venant de plus de 70 pays;
- La Tunisie a été citée plus de 18 fois dans cette étude qui compte 37 pages;
- La Tunisie remporte la première place, avec un échantillon de 559 Tunisiens. S’ajoute à cela que le taux de combattants par nombre d’habitants est le plus élevé pour la Tunisie (50,8 combattants par million d’habitants), soit deux fois et demi celui de l’Arabie Saoudite;
- 10% des combattants ont déclaré qu’ils ont eu des expériences djihadistes dans d’autres pays et plusieurs combattants ont quitté Jabhat Al-Nosra pour rejoindre Daech;
- 93% des combattants ont accédé à la Syrie à travers la Turquie;
- La tranche d’âge des combattants se situe en majorité entre 26 et 27 ans;
- 61% des djihadistes sont célibataires contre 30% mariés;
- 70% des djihadistes affirment que leurs connaissances en Chariaa sont limitées contre 5% qui affirment être à un stade avancé. Pour le cas de la Tunisie, seuls 15 personnes sur les 559 Tunisiens répertoriés ont affirmé que leurs connaissances en Chariaa étaient à un stade avancé;
- Concernant l’enseignement : 50% des combattants ont un niveau scolaire ou universitaire. Ceux qui sont spécialisés dans la Chariaa représentent une très faible proportion par rapport aux autres (1.2%);
- A la question : voulez-vous devenir un combattant, un agent d’infiltration, ou un kamikaze? 88% ont répondu qu’ils veulent devenir des combattants, 7 % kamikazes et 5% des agents d’infiltration. Selon l’étude, la Tunisie est le deuxième pays dont les combattants veulent devenir kamikazes (90). Par ailleurs, ceux qui ont avancé que leurs connaissance en religion sont à un stade avancé sont les moins disposés à devenir des kamikazes;
- La plupart de ceux qui ont rejoint Daech exercent des métiers qui ne nécessitent pas une grande compétence ou ne sont pas habilités (commerçants/ouvriers). Malgré la précarité de ce genre de travail, le taux de chômage pour cet échantillon n’est pas très élevé. Le profil type du combattant est celui d’un étudiant ou de quelqu’un qui exerce un métier qui ne nécessite pas une grande compétence. L’étude pointe le doigt sur le paradoxe entre le type de profession et le niveau d’études inadéquat; et d’ajouter : « Ce type de travaux marginaux pourrait être une raison principale qui incite les jeunes à rejoindre ce genre d’organisation ».