Trois initiatives politiques nous interpellent :
- L’usage des écoles publiques pour la mémorisation du Coran durant les vacances de l’été. Ce qui implique une transgression des prérogatives du ministère de l’Education et du corps enseignant, ignorant les programmes d’enseignement religieux qu’il dispense. Peut-on sous-estimer le risque de retour à la pédagogie des kouttabs d’antan, sinon davantage?
- L’appel à la restauration de la Zakat (discours du ministre des Affaires religieuses, le 20 avril). La Zakat, au service de bit al-mal de l’oumma permettait d’assurer jadis les dépenses de l’Etat musulman naissant. Actuellement les services des impôts alimentent le budget de l’Etat, comme pratiquement dans tous les pays du monde. La Zakat joue le rôle d’aumône légale, pour les croyants, exerçant librement et volontairement leur devoir de charité.
- L’insertion de la notion de la Chariâa dans la loi tunisienne relative aux banques, alors qu’en Tunisie les lois ont été unifiées et sont établies sans référence aux lois islamiques. Pourquoi transgresser la Constitution tunisienne, dans la loi relative au nouveau statut de la Banque centrale qui a pour objet d’éloigner la BCT des méandres des différends politiques ?
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Le retour à la culture politique fondamentaliste intrigue et inquiète. Il occulte l’esprit de la Constitution tunisienne, qui affirme que l’État est le gardien de la religion. Exerçant son rôle, il garantit la liberté de conscience et la neutralité politique des mosquées et autres lieux de culte. La soft révolution, été 2013, œuvre de la population civile et de son opposition libérale, a imposé la correction d’un projet de Constitution d’un autre temps, par un référentiel de promotion.
Le consensus résultant du changement des rapports de force remit à l’ordre du jour le retour à l’agenda tunisien : attachement à l’Etat-nation, idéaltype des Lumières, école sunnite ijtihadienne, normes du vivre ensemble, volonté d’ouverture etc. Les récentes mesures annonceraient des velléités de retour à la culture fondamentaliste, ce qui occulterait l’école réformiste tunisienne et menacerait les acquis de l’idéaltype bourguibien.
Pourrait-on l’expliquer par une volonté de retour à la question identitaire, pour occulter les attentes sociales longtemps différées? On affirmerait ainsi que la question identitaire, « culturelle », l’emporte sur les enjeux économiques et sociaux.
Résignation, soumission à l’alliance contre-nature, Nidaa Tounes semble admettre ce tournant régressif. Son esprit de capitulation surprend. Pourrait-il tourner le dos à son ambition initiale? Ses électeurs restent cependant attachés à son discours fondateur. Peut-il ignorer les vœux des millions d’électrices femmes, qui l’ont porté au pouvoir? Epreuve de vérité, le projet en discussion, d’égalité dans l’héritage, vœux du Président Bourguiba, qu’il n’a pas pu mettre en œuvre, vu la levée de boucliers arabes, constitue un vrai test pour l’Establishment Ennahdha / Nidaa.
Wait and see.