S’il existe un sujet capable de susciter l’unanimité et l’adhésion entre les organisations patronales c’est bel et bien l’économie informelle et l’ampleur de ses conséquences sur l’économie nationale.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’un cri d’alarme est lancé. Voici que le Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprises (CJD) conjointement avec l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’artisanat (UTICA) ont lancé une conférence-débat sur le thème : « L’économie informelle : état des lieux et mesures d’urgence », aujourd’hui, 3 juin au siège de l’UTICA.
Bien évidemment, ce dossier épineux ne date pas d’hier puisque l’économie informelle a pris une ampleur considérable après le 14 janvier 2011. Au centre-ville de la capitale, tout le monde s’accorde à dire que les étals anarchiques se sont déployés de manière exponentielle au point de gêner considérablement le passage des piétons sans parler des voitures. De plus, non seulement ils font une concurrence déloyale aux commerçants riverains mais, qui plus est, ils découragent les clients d’entrer dans leurs boutiques, obligés souvent d’enjamber des obstacles pour regarder les articles exposés dans les vitrines.
Wided Bouchamaoui et Wafa Laamiri : même combat contre l’économie informelle
Malgré un calme apparent et une aisance de parole, les interventions de Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA et Wafa Laamiri, présidente nationale du CJD, trahissent un certain pessimisme quant à l’avenir des commerces face à ce problème. Wided Bouchamaoui n’a pas manqué de faire remarquer que la centrale patronale n’a eu de cesse de remettre sur le tapis le débat concernant ce fléau sans fin. L’éradication de l’économie informelle est la condition sine qua non de la pérennité des entreprises formelles.
Wafa Laamiri, de son côté, après une brève présentation du CJD, a rappelé l’importance de la lutte contre l’économie informelle dans la conjoncture actuelle et indiqué dans le même contexte que les différentes études menées sur le sujet avancent le chiffre d’un million de Tunisiens appartenant au secteur informel et que ce cancer a métastasé 50% de l’économie nationale.
[raside number= »3″ tag= »informelle »]
L’Etat réagit
L’Etat n’est pas resté insensible face aux proportions prises par l’économie informelle : le ministre du Commerce, Mohsen Hassan, présent lors de la conférence-débat, a commencé son intervention en disant que l’économie informelle représente plus de 15% de l’économie internationale. Pour lui, l’économie informelle a plusieurs retombées négatives sur les recettes fiscales de l’Etat, car d’après un rapport publié en 2013 par la Banque mondiale, l’économie tunisienne accuse une perte annuelle de plus d’un milliard de dinars de recettes fiscales à cause de ce fléau. Dans le même contexte, il a affirmé que les Caisses sociales sont également concernées par ce phénomène du moment que les travailleurs dans le secteur informel ne versent pas de cotisations, engendrant un manque à gagner dans leurs revenus qui creuse davantage le déficit que ces caisses accusent, mettant ainsi en péril leur pérennité : « La résolution de ce problème va certainement contribuer à la résolution, partielle à tout le moins, du déséquilibre des caisses sociales », indique-t-il.
Sur un autre volet, l’économie informelle ne renvoie pas une image positive du pays aux yeux des investisseurs étrangers. Pour toutes ces raisons, le ministère du Commerce a déjà établi un plan afin de lutter contre ce phénomène. A cet égard, il a annoncé que quatre espaces seront installés sur le Grand – Tunis pour abriter les étals des commerçants informels qui devront régulariser leur situation par l’ouverture d’une patente et intégrer ainsi le circuit formel. Cette expérience, a ajouté le ministre, sera répétée dans les autres gouvernorats.
De même, le ministre a rappelé que la réduction des taxes sur un certain nombre de produits va dissuader le consommateur de se rabbattre sur les produits de contrebande.
A propos de la zone franche de Ben Guerdane, le ministre a annoncé qu’elle sera fin prête fin 2017 et contribuera ainsi à la création d’environ 6000 emplois directs.
L’informel a un coût très élevé
C’est, entre autres, l’un des résultats de l’étude intitulée « Le secteur informel en Tunisie », menée par la think tank Joussour, présentée par son président. A la lumière de cette étude, il ressort que la fonction publique et les entreprises publiques participent à hauteur de 23% à l’emploi, 20 % au PIB et 33% de participation aux recettes de l’Etat. Quant au secteur informel, il participe à hauteur de 50% à l’emploi, soustrait 38%. de revenus au PIB et 3% de recettes fiscales. L’étude estime que le chiffre d’affaires des produits de contrebande se monte à 6,5 milliards de dinars engendrant un revenu annuel estimé à 2 milliards de dinars.
Mais où est la volonté politique pour lutter contre l’économie informelle ?
Béchir Boujdaï,n memebre du Bureau exécutif de l’UTICA, chargé du dossier de l’économie informelle, a déclaré que les chiffres relatifs à ce fléau, détenus par la Centrale patronale, ne coïncident pas avec ceux présentés par le ministre du Commerce. Ainsi il a mis en exergue l’importance de l’élaboration d’une stratégie et méthode commune en matière de lutte contre l’économie informelle.