Le mois sacré du Ramadan rassemble les musulmans du monde entier autour d’un unique et même rite, dans un esprit de solidarité et de maitrise de soi. Certains profitent du jeûne qu’ils sont tenus d’observer pour entamer un mode de vie sain ou se défaire d’une addiction, notamment au tabac, mais dans l’immense majorité des cas, le Ramadan rime davantage avec le mot excès.
En effet, l’omniprésence de l’alimentation, l’explosion de la consommation sont indéniables voire trop visibles au point d’être dérangeants durant un mois censé être consacré à la modération et à l’abstinence.
Le constat est amer : en effet, aux dernières nouvelles, la consommation du pain a augmenté de 135% durant le mois du Ramadan, sans compter le gaspillage qui en découle avec des pertes estimées à 300 mille dinars par jour, selon une récente étude réalisée par l’Institut National de la Consommation.
Le mois du Ramadan est un mois où les habitudes de vie sont subitement bousculées par une longue période de jeûne diurne et des changements des heures de sommeil. Mais pourquoi ces changements ne vont-ils pas dans le « bon » sens ?
Une étude s’est penchée sur la nature de ses excès alimentaires durant le mois du Ramadan en comparaison des autres mois de l’année, chez 84 adultes résidant dans le district de Tunis. Le changement majeur observé est une augmentation de la consommation de viande et d’œufs. La fréquence moyenne de consommation était de 4,3 et 6,1 fois par semaine. Parallèlement à cette augmentation de la consommation des viandes, la consommation des légumes baissait. Par ailleurs, les excitants étaient moins consommés de même que les consommateurs de tabac réduisaient de 50 % le nombre de cigarettes quotidiennes.
Une autre étude va plus loin en montrant que la notion d’excès est largement dépassée, allant jusqu’à des comportements psychopathologiques. En effet, des chercheurs tunisiens ont étudié les troubles des conduites alimentaires durant le Ramadan dans une population de 147 étudiants tunisiens, estimés à un taux de 25.2 % durant le Ramadan , contre 14.9 % en temps normal . De même qu’une tendance à la suralimentation nocturne sucrée et anarchique , à la sédentarité ainsi que la prise de poids ont été notées. L’étude a montré que les troubles des conduites alimentaires ont également été associés à plus d’irritabilité et de consommation d’excitants.
De ce fait, faut-il recourir à des campagnes de prévention et d’information sur la nécessité de la modération dans nos comportements alimentaires, alors que les principes mêmes de ce mois sacré appellent à la maîtrise de soi et à prendre les distances de ses appétits physiques ?
Les excès observés durant le mois du Ramadan ne se limitent pas seulement à ceux liés à l’alimentation, le mois du Ramadan est également un mois d’excès de zèle. En effet, bien que la religion dispense les personnes atteintes de maladies chroniques ou invalidantes de jeûner, grand nombre d’entre elles ne tiennent pas compte des conseils qui leur sont prodigués et observent le jeûne contre l’avis de leur médecin.
En prenant l’exemple seul du diabète, grand nombre de diabétiques jeûnent malgré les conseils de leur médecin qui les en dispense. Croyant bien faire, par habitude, par solidarité avec la famille, ou par crainte d’être exclus par leurs semblables, l’attitude de certains diabétiques vis à vis d’eux-mêmes les expose à des complications et à des décompensations de leur maladie (hypoglycémies sévères, hyperglycémies, acidocétose, déshydratation , thromboses).
Pourtant les savants se sont penchés sur la question du jeûne chez les populations à risque parvenant à des consensus clairs ne laissant pas de place à la tergiversation. Les trois principales sources des recommandations étant le Consensus de la fondation Hassan II (1995), les recommandations de l’American Diabetes Association (ADA) de 2005, révisées en 2010 et les propositions de la Société britannique d’endocrinologie et maladies métaboliques de juin 2010.
Ainsi pour la question du diabète, le jeûne est absolument contre- indiqué dans les situations pathologies et/ ou physiologiques suivantes :
- diabète instable quel que soit le type
- présence de complications dégénératives
- l’âge très avancé
- la grossesse
- l’allaitement
- épisode d’hypoglycémie sévère ou non ressentie deux mois avant le Ramadan
- acidocétose ou coma hyperosmolaire survenus durant les deux mois qui ont précédé le Ramadan.
Cette année le Ramadan coïncide avec la journée mondiale contre la faim, célébrée tous les 15 juin de chaque année. Tous les ans, près de 795 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, ce qui équivaut à une personne sur neuf. Un fléau qui tue pas moins de 8000 enfants par jour de malnutrition. Manger avec modération, appliquer les préceptes du Ramadan, et surtout être solidaires n’est-elle pas la plus belle manière d’honorer toutes ces victimes de la faim ?